NOSTROMO - Uraeus:
Franchement, qui est passé à côté de la reformation de NOSTROMO en 2016 ? Le mythique quatuor Grind genêvois avait splité en 2005, juste après avoir enregistré le plus incroyable album de leur discographie, " Ecce Lex ". Son enregistrement était d’ailleurs signé Mieszko Talarczyk, jadis musicien ô combien actif sur la scène Metal extrême puisqu’également chanteur / guitariste du groupe NASUM, dont une reprise apparait sur " Uræus ". Nous y reviendrons un peu plus tard. Cette séparation était un sale deuil pour beaucoup, d’autant plus qu’annoncée comme définitive. Et " Hysteron – Proteron " qui nous permettait de découvrir le colosse sous une facette aussi délicieuse qu’intimiste, en acoustique, enfonçait d’autant plus le clou. La perte était de taille, les Suisses ayant largement contribué à démocratiser une scène difficile d’accès à l’époque : ils avaient réussi à injecter bon nombre de passages accrocheurs sur des plans extrêmes, raccordant certains pôles presque opposés du Metal, chose pas si évidente que ça à la fin des années 90.
Et finalement, en 2016, l’annonce d’une tournée éclaire avec GOJIRA signait l’opportunité éphémère de voir la légende fouler quelques scènes européennes. Mais que nenni ! Il n’en est rien de ce caractère ponctuel, puisque peu de temps après, on comprend que les mecs se sont tellement manqués qu’ils décident de prolonger l’aventure live, et même d’enregistrer un EP petit par la taille, mais grand par son contenu. Presque grandiose, disons-le…
Cet échantillon s’appelle " Uræus " et comporte 2 titres : " Uræus " en premier, une œuvre originale composée pour l’occasion, et " Corrosion ", une reprise du défunt groupe NASUM, fameuse formation Grind suédoise signée chez Relapse Records durant ses années d’activité.
" Uræus " devrait donc, en toute logique, être la preuve sine qua non de la suprématie du groupe sur la scène qu’il a tellement incité à démocratiser. Ça devrait être ce one shot qui confirme qu’après le resto 3 étoiles Michelin du premier soir, on a eu raison d’avoir espéré à nouveau se faire prendre par les oreilles, par cet ex dont on a tellement poncé la discographie. Et donc, faut-il revenir après un break ? Comme la relation entre Victor et Nikki Newman, c’est un peu plus compliqué que de juste reprendre le wagon en marche…
Parce que durant cette petite dizaine de minutes, c’est pas qu’on puisse critiquer quoi que ce soit. Ça va même être franchement difficile. C’est juste qu’à travers des éléments essentiels qui caractérisent NOSTROMO, le groupe a quelque peu changé. On peut aller jusqu’à dire qu’il s’est modernisé en rajeunissant. Une sorte de Benjamin Button du Grind. Je m’explique.
Ce qui caractérisait le NOSTROMO de l’époque à travers " Argue ", " Eyesore ", ou " Ecce Lex ", c’était ce côté froid et calculé. Ces rythmiques cinglantes et mathématiques venant d’une autre planète, ces compositions d’une brutalité hors pair qui s’entêtaient à nous mettre dans un inconfort jouissif de violence. Sans oublier ces prods massives mais glacées qui misaient sur l’essence du groupe, soit l’implacable côté étouffant et sombre du Grind, amenant à des choix dénués de chaleur.
Aujourd’hui, ce qui frappe, c’est cette proximité directe avec les poids lourds actuels du Metal. Dans la production, déjà, puisque NOSTROMO 2k18 sonne rond, lourd, global, homogène et non plus étouffant et froid. L’auto-production est immense et propre, la basse ronronne, la guitare est limpide même si électrisée via effets, la batterie sonne classique même si loin d’être en retrait, sans oublier un Javier qu’on retrouve particulièrement en forme, sa voix se détachant correctement du reste. On pourrait presque chanter les lyrics avec lui (si on avait envie d’y laisser nos cordes vocalces) tant il est intelligible.
Dans son contenu, " Uræus ", qui est " le cobra femelle protégeant le pharaon de ses ennemis dans l’antiquité égyptienne " (merci wiki), c’est une version 2.0 de NOSTROMO. Pas aussi extrême qu’avant, on y décèle des phases d’accalmie, d’autres qu’on pourrait presque fredonner, sans aller jusqu’à pouvoir en diffuser en centre de loisir. Ce NOSTROMO 2.0 va, dès les premières secondes, faire penser à GOJIRA, et pas qu’un peu. Le premier riff fait monter la pression mais demeure quasi hypnotique. Le frontman y enflamme sa voix avec la rage d’antan mais Mike, plus technique que jamais, nous rappelle une fois de plus que GOJIRA exerce une influence même sur les meilleurs. Surtout lorsqu’il va chahuter les cymbales splash et autre chinoise. Ce morceau avoisinant les 5 minutes témoigne d’un quatuor en mutation, plus accessible qu’auparavant, empruntant la fougue d’un KRUGER et laissant un peu de côté l’inouïe brutalité qui caractérisait le Grindcore qui les a fait connaitre au profit d’une facette mélodique exacerbée qui n’est clairement pas inintéressante. " Uraeus " pourra par exemple rappeller SIKH période " One More Piece ", accompagnant l’auditeur de ses riffs de grattes aussi labyrinthiques qu’entraînants.
Mais qu’à cela ne tienne, les Suisses n’ont pas oublié leur premier amour : le Grindcore technique ultra qualitatif qui tend vers l’extrême, avec " Corrosion ". Ce morceau a cela de singulier qu’il représente parfaitement le groupe genêvois tout en étant la reprise d’un groupe de Grind suédois, NASUM. Leur défunt chanteu, Mieszko, n’est autre que le producteur de l’inestimable " Ecce Lex ", album majeur et enregistré à peine 3 ans avant la mauvaise nouvelle. Dès lors, il s’agit tout autant d’un choix qui a du sens concernant les antécédents de NOSTROMO, que d’un hommage à un homme et à un groupe qui auront marqué les amateurs du genre. Et autant le dire franchement, l’effort est à la hauteur de l’hommage. Allant droit au but, l’explosion de brutalité est jouissive, dévoilant une technicité permettant d’aller aux confins d’une violence poussée à son paroxysme. Tous les détails sont millimétrés et permettent l’appropriation parfaite d’une composition qu’on croirait initialement taillée pour les hélvètes. " Ecce Lex " semble avoir été rescussité le temps de quelques secondes. Pas de fioriture, la voix renoue avec ce déchirement animal de l’époque, la batterie devient une prouesse rythmique qu’on peine à suivre à l’écoute et qui emporte dans son sillage des cordes foudroyantes qui n’ont rien à lui envier. Du grand NOSTROMO, quoi… Alors, au final, on peut être déconcerté par autant d’attente pour seulement 2 morceaux. Mais si on fait abstraction de ce détail, le cultissime groupe de Grind est bel et bien revenu avec le panache d’antan, mais un peu différemment.
Parce que NOSTROMO a beau être très solide, à l’ère du Néo Metal et autre Frenchcore, le colosse tirait son épingle du jeu en osant l’implacable et froide violence pendant que WATCHA parlait de " Sam " ou que PLEYMO se la jouait agressif, mais maintenant, les groupes " sérieux " ont rejoint le précurseur, en en faisant un groupe qui n’est plus “à part”, mais qui demeure grandiose…
Excellent EP donc, même si bien trop court

(Chronique réalisée par Ben)


Date de sortie: 9 Mars 2018
Label/Distributeur: Autoproduction
Site Web: www.facebook.com/nostromogva
Nostromo

1. Uræus
2. Corrosion (NASUM Cover)