Sierra


Interview réalisée par Djaycee le 13 juillet 2023 aux Francofolies de La Rochelle dans le cadre des Nuits Collectives à La Sirène.


Merci à toi de nous accorder cette interview.
Sierra : Merci à toi.

Évacuons tout de suite cette question. Trouves-tu qu'il y a un manque de personnalités féminines dans la scène métal ? C'est même pour ça que Lola de P3C a créé le mouvement " More women one stage ". Est-ce que toi, tu te sens associée à ce mouvement ?
Sierra : Oui, forcément, on ne peut pas être contre ce mouvement à mes yeux. De toute façon pour être très honnête, je ne connais encore pas très bien ce mouvement, à part voir des t-shirts sur les festivals. Je ne m'y suis pas forcément intéressée, parce que je n'ai pas eu l'opportunité non plus de rencontrer des personnes qui en font partie. Ce sont des questions qui sont compliquées pour moi. Je tiens absolument à ce qu'il y ait plus de diversité sur scène, que ce soit au niveau du genre, au niveau des couleurs de peau. Après, c'est toujours compliqué pour moi de répondre à 100 pour 100 sur cette question, parce que j'ai aussi eu un aspect négatif, c'est-à-dire que j'ai aussi eu de la discrimination positive, qui m'a été aussi communiquée avec un manque de tact énorme, du style " on t'a invité parce que tu es une fille ", et ça, on me l'a fait beaucoup de fois à mes débuts. Aujourd'hui, je pense que les gens se permettent peut-être un peu moins de me le dire, mais je l'ai eu avec des labels, sur des soirées, j'ai eu des commentaires comme : " on t'a invité, parce que c'est bien qu'il y ait une fille ", ou encore " il manque une fille sur notre label ", etc. On me l'a fait plusieurs fois, et je ne suis pas attachée à mon genre. Je ne dirais même pas que je suis non binaire, parce que je m'en fous totalement : je n’ai pas envie de me définir.
Je forçais un peu le trait, mais c'est aussi parce que je suis papa de deux filles et je me dis que si jamais elles ont envie de faire quelque chose dans le monde de l'Art et je ne veux pas qu'elles ne soient pas stigmatisées en tant que femmes et considérées comme des faire-valoir.
Sierra : Exactement, je ne suis pas attachée à mon genre, mais en revanche, on me le rappelle constamment : être une femme dans la musique c'est un peu dur parce que, dans mon quotidien, je ne me pose pas ces questions. Je me les pose bien sûr sur les revendications qu'il peut y avoir en tant qu'être humain, mais je ne suis pas forcément attachée aux genres. Donc oui, je suis pour qu'il y ait plus de diversité, plus de femmes, mais en tant qu'artiste, la discrimination positive, c'est aussi dur à entendre parfois. Je pense qu'il faut trouver une balance dans tout ça. Et puis, surtout, avoir beaucoup de tact quand on parle de ces sujets, parce que je pense que si on me l'avait amené différemment, dans le " on est content de t'avoir sur cette soirée parce qu'on aime bien ce que tu fais. C'est aussi bien d'avoir une fille sur l'affiche ". Cela aurait été plus facile à entendre.
Après c'était la question que je voulais éluder parce qu'elle revient souvent.
Sierra : Bien sûr, elle revient tout le temps et ça ne me dérange pas d'y répondre jusqu'à ce que les choses soient entendues, mais ce n'est pas facile de s'exprimer sur ce sujet, il faut prendre des pincettes pour ne heurter personne.

Sierra

Passons à autre chose. J’ai lu que tu avais commencé dans le folk.
Sierra : c'est exact.
Comment tu t'es retrouvée à faire de l’électro ?
Sierra : Parce que je ne savais pas faire d'électro. Quand j’ai grandi, je n'avais personne autour de moi qui connaissait la musique électro, vraiment aucun copain, ma famille n'est pas du tout dans la musique. Ils ne connaissent rien. Et moi, je savais que j'aimais ça, mais j'avais aucune idée de comment faire. J'ai acheté un livre : DJ pour les nuls. Je ne comprenais rien parce que je n’avais pas capté que, derrière les platines, on ne composait pas vraiment. Je ne captais rien et je me dis tant pis, je vais faire de la musique folk ! Et pendant que je faisais de la musique folk, j’ai capté petit à petit comment faire, j'ai rajouté deux ou trois petits synthés et petit à petit le folk a disparu, et puis je suis passé sur ce que je voulais faire, de l'électro, parce que c'était ça qui me plaisait vraiment.

Pour faire le lien avec un passé plus proche, l'année 2022, que tu as qualifiée comme ta meilleure année…
Sierra : Mon meilleur cru.
Tu peux nous expliquer pourquoi ?
Sierra : J'ai commencé SIERRA fin 2017 et de 2017 à 2022, j'étais seule, totalement seule sur l'accompagnement professionnel. Je gérais mon booking, je gérais ma com', mon mixage, je faisais tout moi-même, C'était aussi un choix de ne pas forcément chercher à tout prix quelqu'un mais j'ai vu mes limites et l'an dernier, j'ai fait les premières parties de CARPENTER BRUT et ça a été une super expérience.
Qui a joué ici, d'ailleurs l'année dernière.
Sierra : Oui tout à fait. Et depuis, j'ai des managers, j'ai signé chez Virgin, j'ai un tourneur et depuis peu, chose que je n’avais pas avant, une attachée de presse. J'ai désormais toute une équipe avec moi et ça change toutt.

On parlait de tournée avec CARPENTER BRUT. Tu joues ce soir avec PERTURBATOR. Est-ce que tu vois cette musique électro mais vraiment lourde et dark comme un peu le renouveau du métal ? Et est-ce vraiment du métal d’ailleurs pour toi ?
Sierra : Je vais être franche et directe, je connais pas du tout le métal. Je n'en écoute pas, je n'ai jamais été inspirée par ce style. Je ne connais pas cette scène, je la découvre petit à petit maintenant, à force de jouer sur des scènes de rock indé, et finalement, je vois les mêmes groupes qui passent tout le temps. Je commence un petit peu à découvrir ce qu'ils font. Mais ce n'est pas une musique que je connais à la base. Donc, c'est difficile pour moi de te dire si c'est un renouveau parce que je n’y connais pas grand-chose. Cependant, je vois bien que CARPENTER BRUT et PERTURBATOR sont deux projets totalement hybrides. En tout cas moi qui suis plus électro, je trouve que ces deux groupes apportent quelque chose de neuf dans l’électro, ils amènent une touche plus acoustique et dans le genre musique sombre comme tu dis, ce sont vraiment devenus les maitres !
Ce soir, tu joues aux Francofolies. CARPENTER BRUT a aussi fait le Hellfest. Tu te vois plus jouer là-bas ou à Tomorrow Land ?
Sierra : Je ne sais pas, j'imagine mon projet sur le long terme. Si jamais, j'arrive à aller là où je veux aller et que le public apprécie ce que je fais, j'aurais plaisir à jouer sur des festivals différents. C'est quelque chose qui me fait vraiment rêver. Jouer au Hellfest, bien sûr que j'aimerais mais ça n'est pas non plus mon objectif principal. Jouer aux Vieilles Charrues me fait plus rêver par exemple. Je dis ça parce qu'il y a de l'affect. Mais tant qu'il y a des gens qui sont contents de m'écouter, le lieu m'importe peu. Si tu veux tant qu'on m'écoute et que j'ai des personnes qui comprennent mon projet, ça me va ??.

Sierra

Tu as sorti un single au mois de juin. C'est avant-coureur d'un album ?
Sierra : Oui, maintenant, je peux le dire puisque je vais l’annoncer ce soir sur scène : les préventes sont en train d'être lancées. Dès cette nuit, les gens pourront commencer à commander mon premier album qui sortira le 15 septembre. Ça s'appelle " A story of Anger ", ça sort chez Virgin et j'ai sorti un premier single " Never right ".
Tu as de bons retours déjà ?
Sierra : J'ai eu de bons retours après c'est un premier single. C’est la bande annonce, un peu, on dévoile le truc un petit peu. Un album, il faut le voir en entier. Je n'ai pas encore annoncé d'album. Peut-être que ça donnera envie aux gens de réécouter le morceau plus attentivement. L'album a été annoncé en privé pour l’instant à des mails pros mais je n’ai pas encore fait d'annonce " public " sur internet donc à part le retour des pros, je n'ai pas encore vraiment de retours du public.

Quel est ton meilleur souvenir live ? Le Zénith de Paris peut-être ?
Sierra : Ça n'est pas mon meilleur souvenir live. Ça a été la scène la plus grosse, c’est certains, je n’avais jamais joué devant autant de monde, mais j’ai vécu le live comme si j'étais dans un monde parallèle, par moment presque d'une façon extérieure et j'étais en train de me dire : tu es en train de jouer au Zénith. Cela te détache un peu du moment présent et ça n'a pas forcément été le meilleur moment, parce que j'avais beaucoup de pression.
Le point éphémère en Avril, ça a été vraiment une scène particulière, parce que c'était ma première scène, mon premier vrai concert. C'était le premier weekend en tête d'affiche ça, c'est quelque chose qui qui m'a fait de l'effet et après niveau ressenti genre, ça a été un truc de malade !
J'avoue aussi que j'ai vécu des trucs de fou à Stockholm sur la tournée avec CARPENTER BRUT. Je ne sais pas ce qui s'est passé ce soir-là, mais c'était un truc de fou. Le public était vraiment chaud, je n’ai jamais eu un accueil aussi fort, je pense, et ce, dès le premier morceau, les gens connaissaient toutes les paroles, étaient vraiment à fond. Après plus globalement, j'ai peu de mauvais souvenirs sur scène. Ça se passe globalement bien, je touche du bois…

Je termine toujours par cette question mais qui permet d'ouvrir sur plein de choses.
Quelle question je ne t'ai pas posée et qu'est-ce que tu aurais répondu ?

Sierra : Je m'attendais à ce que tu me poses des questions du type " Quel est ton musicien préféré ? ", juste comme ça, et à chaque fois, avant d'aller en interview je me dis : " qu'est-ce que je dis ? " et je me suis dit : " est-ce que je vais redire VITALIC, JUSTICE, Sébastian…, je peux en ajouter plein d'autres…

Ce sont de belles références.


Merci beaucoup pour ton temps et à ce soir sur scène.
Sierra : Merci à toi.

Sierra