![]() Interview réalisée par Djaycee par mail avec Etienne et Camille au mois de mai 2025.
Huit ans après " Impossible Colours ", vous revenez avec " Fall Not ". Quelle a été l'étincelle qui a ravivé la flamme de DARIA ? Cam : Dur à dire, je ne me souviens pas d’un moment précis où l’on a acté le fait qu’on voulait rejouer ensemble. Dès 2021, on se retrouvait de temps à autre au local pour jouer ensemble et puis un peu plus tard les planètes et les envies se sont de nouveau alignées je pense et on s’est revu plus régulièrement. Le groupe est revenu avec un nouveau line-up. Comment s’est passé ce changement et en quoi a-t-il influencé l’énergie de ce nouvel album ? Cam : On a redémarré avec le line-up d’origine et c’est un peu plus tard que Pierre-Yves nous a rejoint, à la fin de l’enregistrement de " Fall Not ", début 2024. Vous dites que ce retour s’est fait sans objectif particulier au départ. À quel moment vous êtes-vous dit : " ok, on fait un nouvel album " ? Cam : Début Septembre 2022, des amis nous ont proposé de jouer lors d’un festival qu’ils organisaient à La Roche-sur-Yon, on a accepté assez spontanément. Suite à ça, on a reçu quelques propositions de concerts et je pense que c’est là où l’on s’est demandé si on ne ferait pas un disque avant de vraiment remonter sur scène. Le titre " Fall Not " évoque une résistance ou une résilience. Est-ce le fil conducteur de l’album ? À quoi faites-vous face ? Cam : Il y a plusieurs trames thématiques dans le disque et je pense en effet que la résilience en fait partie. Subir mais ne pas plier face à la brutalité sociale et politique de ces dernières années par exemple, c’est déjà quelque chose. Mais ces derniers mois, on a passé encore un autre cap, il faut résister mais aussi résister à la pure colère, pas simple. Musicalement, " Fall Not " semble à la fois plus tendu et plus lumineux. Quelles étaient vos intentions esthétiques ou sonores à l’écriture ? Cam : On n’a pas vraiment de cahier des charges lorsque l’on compose ; la règle d’or c’est que ça doit nous plaire à tous, sinon l’idée sort direct. Après, peut-être que l’idée de la résilience, ne pas se laisser totalement aller à la colère et la tension a été une source d’influence dans l’équilibre ombre et lumière que tu évoques. ![]() Vous avez enregistré l’album au fil de l’eau sur trois sessions. Cela a-t-il influencé la cohérence ou l’humeur du disque ? Cam : Non je ne pense pas, cette décision de faire en 3 sessions était plus calendaire qu’autre chose, nous laissant le temps de faire les choses à notre rythme sans attentes ou deadlines extérieures. Dans l’ensemble, ça a des avantages mais on peut aussi y voir des faiblesses en cela que l’enregistrement prend plus de temps et qu’il n’y a pas le côté compact ou presque cathartique d’une session de quelques jours en studio après quoi tout est joué. Camille, tu as enregistré le disque toi-même. Était-ce une évidence aujourd’hui, après toutes ces expériences passées derrière la console ? Cam : Une évidence, oui et non. D’un côté c’est simple et facile, mais aussi lourd et compliqué d’avoir autant de casquettes en même temps. Après comme expliqué au-dessus c’était aussi une décision d’évidence pour notre calendrier et dispos, donc au final on a bien fait. Et puis à la fin de l’enregistrement, on a envoyé tout ça à J. Robbins pour le mixage, donc je n’ai pas eu à faire ça en plus. Sinon, oui, depuis plusieurs années maintenant, j’enregistre, mixe et produit des groupes, j’ai officialisé ça sous le nom de Pegazus Recordings il y a quelques semaines de ça d’ailleurs, j’ai même fait un site… en 2025 ?? https://www.pegazusrecordings.fr Il y a une vraie chaleur organique dans le son de " Fall Not ". Est-ce que c’était un objectif ou bien le reflet du processus très DIY de l’album ? Cam : S’il y a bien une chose que j’ai apprise en tant qu’ingé-son, c’est que les variables pour atteindre un son d’album donné — souhaité, espéré — sont si nombreuses (la compo, le tempo, les musiciens, les instruments, les micros, l’énergie à tel moment…) que ça relève presque du vœu pieux. Et au fond, tant mieux, ça fait la singularité d’un album, ça reflète le groupe, l’instant, l’ambiance et le lieu où la musique a été capturée. Cela dit, je suis vraiment heureux de lire que tu trouves que " Fall Not " a cette qualité organique. À une époque où tant de prods sonnent chirurgicales ou anémiées, c’est un beau compliment. Comment s’est passée la reprise des concerts avec ce nouveau répertoire ? Vous redécouvrez la scène ou vous y avez replongé naturellement ? Etienne : Nous avons été absents durant 8 ans. Arnaud à la batterie avait arrêté encore avant. Et PY n’avait joué dans DARIA que sur scène. Donc il y a eu une " découverte " pour ce DARIA là sur scène. Jouer ces nouveaux titres, réinterpréter des anciens. Monter tout ça pour construire un set. Et puis y aller ! Les premiers concerts ont démarré fin 2024. Depuis y’en a eu une 20aine… donc très rapidement, il y a des automatismes, des réflexes et des habitudes qui sont (re)venues… comme pour rappeler que, globalement, ça ne s’oublie pas. ![]() Le public a-t-il évolué depuis vos débuts ? Ressentez-vous une nouvelle curiosité ou au contraire un attachement fidèle ? Etienne : Je crois que, comme nous, il a mûri avec un attachement fidèle… Toutefois, je suis convaincu aussi qu’on creuse un nouveau sillon avec un public plus jeune et ouvert :) Et on apprécie beaucoup ça. On arrive à jauger ça au merch par exemple. Quel morceau de " Fall Not " prend le plus d’ampleur sur scène selon vous ? Etienne : Des morceaux comme " Cognac " ou " Minor Majority " montrent encore autre chose sur scène. Dans les concerts récents, y a-t-il eu un moment particulier qui vous a fait dire : « on a bien fait de revenir » ? Nous vous avons vu comme des gamins en première partie de JESUS LIZARD…. Etienne : Pas vraiment de moment particulier. Le retour sur scène nous a semblé naturel surtout, car on fait cette musique pour être sur scène et la jouer. Mais à la limite, c’est effectivement quand on nous a invité à ouvrir pour TJL que l’on s’est dit que ça valait le coup quand même. Que représente pour vous aujourd’hui un concert réussi ? La même chose qu’il y a 15 ans ? Etienne : Franchement oui. Au-delà de l’exécution de la musique à proprement parlé, pour nous, c’est aussi de pouvoir faire passer au public présent un bon moment et partager avec nous l’énergie à travers le son, le volume, les rythmes; et aussi l’émotion à travers les mélodies. Parlez-moi de ce sticker DIY sur l’ampli guitare : " IAIN BURGESS’ FAVORITE AMP. YOU ! MISERABLE CUNT ". Etienne : Lors de la tournée avec J. Robbins en avril 2025, les discussions nous ont amené à évoquer la mémoire de Iain Burgess (Ingénieur du son, qui était aux commandes du BlackBox Studio jusqu’à sa disparition en 2010). Et tout simplement, il adorait cet ampli guitare (Sovtek mig50h) et était capable de l’exprimer avec des " mots doux " comme " You, miserable cunt " :) Avec vos expériences respectives dans LANE, DO NOT MACHINE ou d’autres projets, est-ce que DARIA est devenu un refuge, un espace familier ? Etienne : Ça l’est évidemment. À différents niveaux pour chacun d’entre nous mais ça l’est. Cam et moi sommes là depuis le début. Arnaud est là depuis tout le temps ou presque quand même. Et PY c’est le petit jeune donc sans doute un peu différent… Même si ça commence à faite un paquet d’année qu’on joue ensemble (avec LANE avant). ![]() Quel regard portez-vous aujourd’hui sur vos anciens albums, en particulier " Red Red " ou " Open Fire " ? Sont-ils toujours dans vos sets ? Etienne : Un regard critique inévitable je crois… Quand tu regardes dans le rétro tu trouves toujours à redire sur ce que tu as fait et comment tu l’as fait. Néanmoins on assume complètement. Dans un concert, on joue beaucoup de chansons issues du dernier disque mais on va aussi piocher des vieilleries que l’on aime toujours autant jouer sur scène. Notamment des morceaux de " Red Red " et " Impossible Colours ". Un peu moins " Open Fire " (et encore moins " Silencer "). Cam : Je réécoute rarement nos anciens disques, mais quand ça arrive, ce qui me frappe avant tout, c’est de voir à quel point on a grandi, changé, vieilli — sans trop de nostalgie, d’ailleurs. On a eu la chance d’immortaliser des moments de nos vies sur ces albums, et rien que ça, c’est une expérience assez spéciale. DARIA a toujours été un groupe à la croisée des chemins entre indie-rock, post-hardcore et power pop. Est-ce que vous vous sentez toujours aussi " inclassables " ? Etienne : Inclassable je ne crois pas que ce soit le mot. Je dirai plus " pas facile à mettre dans une seule catégorie " si ce n’est indie-rock peut-être. On considère qu’on est indie-rock depuis longtemps maintenant. On vous a parfois dit que vous faisiez une musique « trop rock pour les punks, trop punk pour les indés ». Vous le vivez comment aujourd’hui ? Etienne : Plutôt très bien. On s’en fout un peu au fond. On n’a jamais vraiment dévié… car pendant longtemps " le monde " ne cherchait pas à mettre autant d’étiquettes. Peut-être aussi parce qu’’on était en dehors des radars et des grands circuits de consommation de la musique. Aujourd’hui c’est moins vrai, ne serait-ce qu’avec les plateformes digitales où tout doit être étiqueté/référencé pour être retrouvé dans cet océan numérique. C’est pourquoi indie-rock ça nous paraît bien. Ça nous rappelle aussi qu’à des moments, on a entendu à notre sujet des trucs du genre " pas assez méchant " ou " trop festif "… Merde alors ! Le lien avec J. Robbins est devenu emblématique de votre parcours. Peut-on dire qu’il fait partie intégrante de l’histoire de DARIA ? Etienne : D’une certaine manière, oui bien sûr. On a 2 " mentors " : Iain Burgess (dont on parlait plus haut) et Jay. Avec Jay ça dure depuis plus de 15 ans maintenant. C’est quelqu’un avec qui travailler en studio ou pour la scène et tourner (il a fait la 3ème guitare DARIA lors d’une tournée en UE puis aux USA… on faisait aussi backing band pour lui) est ultra facile. Vous avez souvent fait le pont entre scènes françaises et américaines. Quels groupes actuels vous donnent envie, ici comme outre-Atlantique ? Cam : Je viens de finir l’enregistrement et le mixage du premier album de FRAGILE, donc en France, c’est le groupe auquel je pense de suite. En Europe, j’adore les Suédois de BACON WAGON qui viennent tout juste de sortir leur premier album. Aux US, j’aime bien DRUG CHURCH par exemple. Mais depuis des mois (années) maintenant je suis véritablement bloqué sur le dernier album de FEIST, " Multitudes ", qui est juste splendide ; mais ne me donne pas envie pour autant de prendre une guitare acoustique. La question que j’aurais dû vous poser et la réponse à celle-ci ? Cam : Est-ce que vous allez bien ? J’ai rien entenduuuuuuu (citation d’Aymeric Lompret, le premier truc qui m’est venu à la tête, désolé !?) Le mot de la fin ? Cam : Grand merci pour cette interview curieuse et consistante ! |