Chunk! No, Captain Chunk!


Interview réalisée par Djayce le 8 juillet 2021 au Hard Rock Café à Paris
avec Bertrand Poncet (chant).


La première question sur comment va le groupe et comment vous avez vécu ce contexte un peu bizarre de confinement, déconfinement et éventuelle quatrième vague, ndlr.
Je pense qu'on est tous d'accord pour dire que l’on a vécu une année difficile et ce n’est pas fini car on est même encore en plein dedans. Mais je dirais que ça fait un an et demi que les choses sont étranges et que personne n'avait rien vu venir. Ça me fait très bizarre de voir que le monde peut s'arrêter. Dans le cas du groupe, c'est encore plus étrange puisqu'on a quand même fait depuis 2010 / 2011 plusieurs tours du monde, on a été un petit peu partout et ça, c'était normal pour nous de se dire qu’on pouvait aller où on voulait, on ne s'est jamais senti entravés dans nos déplacements. Pour autant, je pense qu'il y a quelque chose de fédérateur là-dedans et je trouve que c'est ça qui est aussi intéressant. S'il doit y avoir un côté positif dans tout cela, c'est qu'on est tous dans la même merde. On est tous concernés et je trouve qu'il y a un côté un peu solidaire là-dedans et c’est intéressant. On peut parler à des Américains, des Japonais et on a tous vécu cette période à peu près de la même façon.
Sinon pour se recentrer sur l'album, je dirais que cet album a été fait et à la forme qu'il a aujourd'hui grâce au Covid. Il aurait été surement bien différent autrement et je pense que c'était assez intéressant de prendre le temps de s'arrêter, deux secondes sur cette folie : " Travail / tournée / studio, etc. " Et de prendre le temps, de se dire " tiens, on a du temps pour la première fois. On va essayer de composer de bons morceaux ". Je ne dis pas qu’on n’a pas essayé avant. Mais le paramètre temps, n'était pas là. Il y avait toujours de l'urgence sur les précédents albums. Moi qui écris, je déteste le côté : " Ah ben là, il vous reste deux semaines pour finir. Pour tout finir, tout enregistrer " " Tout ? ". Je pense que quand on est dans la partie, au moment où on entre dans une démarche artistique créatrice, le temps ne doit pas être un paramètre qui entre en compte.

C'est bien que tu parles de cette pression. Finalement, vous êtes toujours sur le même label depuis le début Fearless et malgré ça, ils vous mettent la pression. Ils attendent de vous une date de sortie précise, un calendrier ?
Oui, ça après, c'est le jeu à partir du moment où on dit qu'on se lance dans un album. Disons qu'il y a un plan promotionnel, qui fait qu'il faut anticiper et calculer les différentes échéances. Et ça, je le comprends. Mais bon, en fait, ce qui est intéressant avec cette année 2020/2021, c'est que pour la première fois, on nous a dit lorsqu’on était en visio avec notre manager " prenez le temps qu'il faudra. Le plus important, c'est que vous fassiez un bon album ", ce qui, il y a encore quelques années, était une phrase impossible parce qu'il y avait une tournée derrière. Alors effectivement, je pense que c'est sûrement la plus grosse différence. Si je dois être honnête, j'ai bien apprécié cette période-là. Juste de voir que le monde s'arrêtait et qu'on pouvait se dire " Vas-y, on va composer de bons morceaux et faire un bon album, on peut prendre le temps ".

Chunk! No, Captain Chunk!

Est-ce que ce n'est pas un peu risqué de sortir l'album alors que la tournée est incertaine ?
Ce nouvel album là, logiquement, devait sortir en 2017. C'est-à-dire que nous, on a fait un retour en été 2016. On devait rentrer à la maison pour commencer à composer le quatrième album. Ce qui s'est passé, c'est qu’on avait mis un peu la barre assez haute avec ce qu'on voulait faire, sortir un truc nouveau, frais…, on avait des expectations, comme on dit. Des attentes qui ont même été très, très hautes. Donc, on s'est un peu mis la pression tous seuls. On s'est posé pendant 3 mois. Je m’y suis mis avec mon frère, on s’est retrouvé chez nos parents, on s'est mis au vert. Et puis on a commencé à jammer, à écrire des trucs et à la fin de ces trois mois, on est arrivé à la conclusion que ce n'était pas suffisant, qu’il manquait un truc, y’avait pas la bonne vibe. Ce n'était pas suffisamment qualitatif. On savait qu'on pouvait sortir un album, mais que ce n’était peut-être pas le bon moment qu’il fallait prendre un peu plus plus de recul. On devait faire le Slam Dunk en 2020, et on devait marquer le coup pour cela, on se devait de sortir un ou deux nouveaux singles. Évidemment, la covid est passée par là, le fest a été reporté, du coup, les 2 singles qu’on avait sous le coude se sont transformés en EP et ensuite en album.
Quand un groupe devient professionnel, il faut savoir que lorsqu’il ne tourne pas habituellement, il est en studio et ainsi de suite… Entre 2011 et 2016, on n’a pas arrêté de tourner, on était jeune et vigoureux, mais à un moment donné, c’est fatiguant. Je parle pour moi, y’a une certaine fatigue qui s’installe, une fatigue latente qui a commencé à s’installer. Et moi à mon niveau, pour écrire de bons morceaux, faire de bons albums…, il faut être en forme, avoir l’esprit claire, et c’est à ce moment là, en 2017, qu’il a fallu qu’on fasse un break pour prendre un peu de recul par rapport à tout ce qu’on avait déjà vécu avec le groupe. C’est à ce moment là qu’on s’est dit qu’il nous fallait plus de temps pour écrire ce nouvel album et c’est exactement ce qu’on a fait, on a pris plus de temps que d’habitude et on a fait l’album qui nous correspond le plus, celui en tout cas dont je suis le plus fier. Je le vois comme un accomplissement à tous les niveaux même.

Tu parlais de fatigue et de lassitude. Est ce qu'on ne la retrouve pas un peu dans le premier single et le fait que les " bons (ou meilleurs) jours sont passés " avec ces petits clins d’œil aux VHS ?
On a toujours un peu joué la carte nostalgique. Déjà le nom du groupe, aussi bizarre soit-il, est une référence à un film des années 80. On a toujours joué avec ces références liées à l'enfance, je crois même qu’il y a un morceau de notre premier album en référence à un jeu vidéo qui était sur la NES. Cela a toujours été très fédérateur pour le groupe parce qu’on se retrouve tous là-dedans. On a tous grandi dans ces années-là. On a toujours joué aux mêmes jeux vidéo, regardé les mêmes films. Et cela parle aussi à notre fanbase, même s’il y en a qui sont plus jeunes que nous.
Il y a un fil conducteur également avec le deuxième clip et la pochette de l'album…
Le titre de l'album, c'est " Gone are the good days ". C'est vrai que là-dessus, c'est assez évident.
Il y a un côté vieux con ?
C'est possible, j’espère que ce ne sera pas trop interprété comme ça. Mais ceci dit, c'est vrai que j'ai lu pas mal de commentaires qui disaient " Gone are the good days " c'est un peu triste... En tout cas, il faut le prendre comme une " nostalgie positive ". Et à mon avis, cela parle d'autant plus aujourd'hui avec la Covid. Tout le monde s'est retrouvé seul soi à ruminer dans sa chambre, se disant " qu'est-ce qui nous reste ? ". Il y a les bons souvenirs, les bons moments, remater les films d'enfance. Se sentir un peu comme à la maison, juste en se mettant un film. Le message de l’album est qu’on peut se remémorer les bons moments juste pour se remonter le moral, je pense qu'on en a tous besoin, surtout en ce moment.

Quelles ont été vos influences pour l’album ?
On a toujours eu ce style un peu hybride. On a essayé de mélanger ce qui, sur le papier, semble inmélangeable. L'idée de départ, c'était de mélanger toutes nos influences, aussi incompatibles soient elles. Nous avons grandi avec BLINK tout en écoutant PARKWAY DRIVE. L'idée, c'était de faire du pop punk avec des gros breakdown… On a toujours été dans ce style un peu hybride. Sur notre premier album, c'est peut-être encore plus évident puisqu’on avait vraiment des morceaux purement métal et d'autres purement pop. C'est vrai que quand tu écoutes l’album de de A à Z, tu te dis " mais qu'est-ce qu'ils essayent de faire ? "
Par la suite, on a essayé de se fixer davantage en essayant de combiner un peu mieux tout ça, de façon un peu plus structurée. Nous avons un style hybride et ça dérange les puristes des deux côtés. Mais on s'est toujours reconnu dans ce mélange un peu étrange. Le côté fun et positif a toujours été présent, on a toujours voulu dégager quelque chose de positif dans nos morceaux. On n'est pas du genre à gueuler qu’on déteste le monde, les gens… On a toujours voulu un truc fun, festif, et cela se ressent encore plus, il me semble, sur scène. On veut vraiment que les gens comprennent que ça va être la teuf. Et même au stade du quatrième album, on essaye de perfectionner un petit peu ce mélange, manifestement ça ne fait toujours pas l'unanimité. Je sais que pour beaucoup, ça dérange notamment en Allemagne où il y a beaucoup de puristes tout comme en Suède. Ce n’est pas comme aux Etats-Unis ou en Angleterre qui affectionnent les styles hybrides.
A ce propos, vous avez encore quelques difficultés à vous faire programmer sur certaines affiches ?
Et bien on a l’avantage d’avoir un répertoire assez varié qui nous permet de moduler notre set-list en fonction des plateaux ou affiches sur lesquelles on est programmé. A nos débuts, quand on se faisait programmer sur des plateaux soit très métal, soit très pop, on craignait de se faire huer. Finalement, ça ne nous est arrivé qu’une seule fois. Pour beaucoup, nous sommes la curiosité de l’affiche et nous sommes toujours bien accueillis. En tous les cas, on est et on restera toujours je pense un groupe hybride, parce que c’est ce qui fait notre force.

Chunk! No, Captain Chunk!

Du coup, restons sur la partie live. Quelle serait ton affiche de rêve avec CHUNK ?
Je vais être honnête et je ne veux pas que ça paraisse prétentieux, mais notre affiche de rêve, on l'a déjà presque vécue. Nous avons fait un festival en Australie, le SOUNDWAVE qui maintenant n'existe plus. En 2013, l'affiche de ce festival était mortelle : METALLICA, LINKIN PARK, BLINK 182, THE OFFSPRING, PARAMORE, SUM 41 et tous les groupes étaient logés dans le même hôtel. On prenait tous les mêmes avions, on mangeait tous dans les mêmes restaurants Quand tu as la chance de vivre un truc comme ça, tu te dis " je peux crever demain ". Du coup, l'affiche de rêve, pour moi, c'était celle-là.
<Donc les " les bons jours sont derrière nous " ?
Il faut peut-être se faire à l'idée.

Est-ce que vous allez réinvestir l'hexagone niveau dates. Vous avez déjà des dates prévues ou une volonté de rejouer en France ?
Les perspectives live en ce moment sont très limitées. Donc, on reste prudent. Je pense que l'industrie musicale va mettre un petit moment avant de s'en remettre, elle est tout juste en train de se remettre d'aplomb dans les pays anglo-saxons.
En France nous avons un peu de retard. Manifestement, la problématique qui se pose d'ores et déjà est un engorgement des salles. Donc je pense qu’on pourra vraiment programmer une belle tournée en bonne et due forme, en France ou ailleurs, pour fin 2022/début 2023. Pour ce qui est des perspectives plus proches, on va faire le Slam Dunk en Angleterre en septembre, si cela n'est pas annulé.
On est prudent sur les perspectives à donner. Mais ce qui est sûr, c'est que le jour où la machine va se remettre en marche, on sera là. Ce qui est très bizarre c’est que dans cette période de promotion lors de la sortie d’un disque nous étions habitués à avoir 1000 offres de concerts qui tombaient.

Cet été, les affiches des rares festivals programmés en France sont essentiellement franco/françaises. Vous n'avez pas été sollicités par quelques festivals cet été ?
Je pense que c’est la même chose qui se passe sur les festivals de cet été, à savoir essayer de maintenant l’affiche qui aurait du se faire en 2019. Encore une fois, l’industrie est soit encore dans le coma ou dans le meilleur des cas sous perfusion. Et quand ça repartira, on sera là.

Chunk! No, Captain Chunk!

Tout à l’heure, je parlais d’affiche de rêve en live. Si tu devais faire un featuring de rêve, ce serait avec qui ?
Je ne sais pas trop. On n'a jamais été trop guest. Il y en a 2 sur cet album et je suis très content que ça se soit passé. Bizarrement, ce n’est pas un truc qui me transcende. Mais imaginons un Tom Delonge.
Globalement, ce n'est pas trop mon délire et cela ne l'a jamais été. Je pense que je dois être un peu inconsciemment influencé. Mais en fait, bizarrement, quand on me dit collab, guest, je pense direct au côté business qu'il y a derrière et que ça peut engendrer. Quand je compose un morceau, je le compose pour le groupe. Mais encore une fois, on a deux collab’ sur cet album-là. D'ailleurs, ce sont les deux premières de toute l'histoire du groupe et j'en suis ultra content, ça a vachement aidé les morceaux. Le potentiel des morceaux a été décuplé avec ces guests.
Tu peux me détailler ces deux collaborations, comme ça, ça permet de mettre en avant les artistes…
On a fait un morceau, qui sera notre prochain single au passage, qui s'appelle " Complete you " avec un petit groupe THE DANGEROUS SUMMER. Il se trouve que leur chanteur est pote avec notre guitariste. On s’est mis à discuter avec lui les réseaux sociaux. Il a un grain très particulier et je trouve qu'il apporte vraiment quelque chose au titre. Et pour être honnête, il m'a aidé sur une ligne vocale que je devais faire au départ.
L'autre collaboration s’est faite avec Yvette Pyong, qui est une sorte de Guitar Hero ultra connue dans le monde de la guitare, elle est tellement connue qu’elle était dans les pubs du Super Bowl dernier à Paris. Cette opportunité a pu se faire grâce à mon frangin qui travaille pour D'Addario, une marque de grattes qui bosse l’artiste justement. Du coup, on a fait un petit morceau acoustique et sa participation ajoute quelque chose de vraiment très, très frais, d'autant plus pour nous qui n’avions encore jamais fait cela auparavant. Je suis très content.
Ça ne nuit pas à la cohérence de l'album.

Je termine toujours par une question un petit peu con, mais qui permet de brasser des sujets qu'on n'aurait pas abordés. Quelle question aurais-je du te poser ? Avec la réponse…
Allé, je vais faire un peu d’auto-promotion et parler de la production de l'album. Avec ce dernier, j’ai l'impression de boucler la boucle puisque le premier et donc celui-ci, c'est moi qui les ai produits. C'est une des raisons pour lesquelles on en est super fier. C’est du fait maison de A à Z. Du coup, on a vraiment pu peaufiner l'aspect technique au millimètre près. Ce que l’on n’a pas fait comme j’aurais voulu avec l’album précédent.
Parfois, c’est utile d'avoir un regard extérieur…
On a eu des expériences de studio pour les deux albums précédents totalement différente l’une de l’autre. L’une avec un producteur qui travaillait de manière très digitale et l’autre complètement à l’opposé. Moi je voulais qu’on fasse les 2 et qu’on joue les parties et pas que tout soit programmé. Et c'est encore une fois une des raisons pour lesquelles je suis très fier. Fier de l'avoir fait moi-même dans mon propre studio parce que je pense que c'est comme ça que ça devait être fait.
Merci.