Birdstone


Interview réalisée par Virgile par mail au mois de Mai 2022 avec Basile (chant/guitare).


Bonjour et merci pour l'interview !
Pouvez-vous présenter ainsi que le groupe ?

Je suis Basile, chanteur guitariste du groupe BIRDSTONE, formé en 2015. BIRDSTONE est un groupe de heavy blues mettant l'emphase sur la narration au milieu de la tourmente instrumentale, centré autour de thématiques spirituelles, parlant aussi bien de mort que de renaissance et de révolte.

Votre album " Loss ", successeur de " Seer ", est sorti le 4 mai.
Dans quel état d'esprit étiez-vous durant la création de l'album ?

Nous étions dans une période de bascule, tant au sens matériel que figuré. Nous savions que cet album serait le dernier enregistré avec le batteur originel du groupe, Léo. Ce dernier voulait prendre un chemin différent du nôtre et nous souhaitions tourner la page sur une belle note tous les trois. Nous avons évolué sur cette ligne de flottaison entre le sentiment doux amer de terminer notre aventure avec le line-up originel et l’exaltation qu’allait apporter le changement. Riche en émotions.

" Seer " était le parcours initiatique d'un prophète, " Loss " d'un disciple qui remet en question les idées du prophète. D’où vous est venu la thématique de l'album ?
L’impulsion initiale est venue de l’envie de parler du deuil et de la perte. Évidemment il y a de nos histoires personnelles là-dedans, la gestation de l’album l’illustre bien. Mais c’est avant tout une thématique universelle, qui nous touche toutes et tous. Une dynamique qui façonne nos vies, bien qu’associée le plus souvent au chagrin, la perte provoque également la colère, le doute, la remise en question et pousse au renouveau, au changement voire et peut impulser la révolte. Cette disciple fille spirituelle nous permettait d’incarner cette thématique à la première personne. Elle lie la “grande” histoire à un parcours plus personnel et intime, il y a beaucoup de nous et un peu de toutes et tous en elle.

D'où vous est venue cette passion pour l'ésotérisme, la mythologie et la spiritualité ?
La volonté de connecter avec un ailleurs, je suppose. L’art naît souvent d’une envie de se détacher du réel et du matériel pour mieux parler de nos vies. De multiples parallèles peuvent se tisser entre la musique, le spectacle vivant et les moments de communion et d’introspection, qu’ils soient spirituels, mystiques ou religieux. Les mythologies, l'ésotérisme permettent d’illustrer par le fantastique et le mythe de nombreuses problématiques bien humaines. On pourrait presque dire que la mince différence entre un de nos concerts et un prêche pourrait être le fait que nous racontons nos histoires accompagnées de riffs et de mélodies. Et c’est le cas pour de nombreux artistes, dans une certaine mesure.

Birdstone

Cet album sonne moins rituel, blues roots que son prédécesseur " Seer ". D’où est venu ce changement dans la direction artistique ?
Ici aussi cela est intimement connecté à sa gestation. Nous ne souhaitions pas refaire le même album, nous n’étions plus les mêmes personnes et nous savions que l’un de nous allait quitter l’aventure à la fin de cet album. Nous nous sommes efforcés d’être le plus possible en accord avec le collectif, que chacun ait sa part dans la création de l’album, puisse y apposer sa couleur, sa singularité. Il en sort un album plus nuancé effectivement, fait de multiples concessions qui le rendent unique.

De quelle manière composez-vous ?
A trois, chacun apporte sa pierre, ses riffs, ses mélodies, ses idées rythmiques et nous montons l’édifice ensemble. C’est parfois un travail assez long mais qui nous permet de créer quelque chose qui possède un peu de nous trois, que nous n’aurions jamais pondu dans notre coin, si l’un.e d’entre nous s’attelait seul.e à la composition.

Comment se passe l'écriture des textes ?
J’écris principalement les textes (Basile) et nous les relisons tous ensemble. Nous nous mettons en accord sur les thématiques et Léo et Edwige suggèrent de nombreuses idées que je mets en forme à l’écrit ensuite. Nous souhaitons conserver la même méthode avec notre nouveau batteur, Benjamin.

Birdstone

De quelle manière avez-vous enregistrer le son qui est hyper organique et chaud ?
La base de l’album s’est faite en prise live, tous.tes les trois dans la même pièce. Des arrangements sont venus après mais nous voulions conserver cet aspect organique dans notre musique, cette texture élastique et mouvante.

Quelles étaient vos attentes pour le mix/mastering ?
Justement nous voulions conserver cette dimension organique que vous évoquez plus haut tout en y apposant plus de couleurs, de nuances parfois même plus de modernité. JB Deucher, qui a dirigé l’enregistrement accompagné d’Etienne Clauzel, ont fait un travail remarquable pour retranscrire nos envies.
Le mix s’est fait sur le temps long, ballotté par la pandémie, mais pour accoucher d’une production qui nous correspondait vraiment, grâce au travail de JB. Enfin, Thibault Chaumont a su sublimer tout ça au mastering avec le talent et la finesse qu’on lui connaît.

Parlez-moi du titre " Heaven ". Je trouve ce morceau hyper planant et hypnotique…
C’est un titre vraiment particulier, peut-être le plus personnel pour moi et le plus sombre. Ce fut le dernier composé pour l’album, je traversais une période de deuil et j’étais presque dans un état second au moment de l’écrire, état dans lequel j’ai dû me replonger peu après à l’enregistrement. Mais c’est aussi un peu plus que ça.
Ce morceau illustre ce sentiment de rage presque vain contre des forces que l’on ne contrôle pas, quand la vie nous enlève un être cher par exemple. Ici le personnage souhaite à tout prix trouver le chemin vers les cieux pour aller tuer un dieu, le punir de toutes les injustices qu’elle et ses pairs ont subis. Ces injustices que nous subissons pour beaucoup dans nos vies, sans que nous puissions avoir d’impact pour changer le cours des choses. La fille spirituelle cherche justement à créer cet impact. Encore une fois, l'envie de lier l’intime au plus universel, ici la révolte est tant spirituelle que politique.
" Dieu " personnifie dans ce morceau toutes les formes d’oppression et de pertes. Que ce soit le deuil d’une personne qui nous est arrachée, que celui de la vie de millions de personnes sous le joug de systèmes oppressifs, capitalistes, fascistes et fanatiques. Tuer Dieu de manière métaphorique pour se venger de notre condition de mortel, mais également tuer le maître pour libérer les siens et construire un monde plus juste. C’était important de proposer une alternative avec le morceau " Loss " qui suit juste après cette tempête, proposer un propos plus apaisé et tourné vers l’avenir après cet élan cathartique.

Qu'avez-vous voulu raconter à travers la cover de l'album ?
Nous avons simplement transmis les textes et discuté des thématiques principales avec nos graphistes et amis de longue date, Julian et Alexandre de Vaderetro. Ils sont venus spontanément ensuite avec cette proposition qui nous a tout de suite séduit. La figure de l’aigle, entouré de flèches, dans une chute infinie mais qui semble pourtant résilient. On peut y voir beaucoup de choses, et le visuel a connecté avec ce que l’on voulait raconter, tout simplement.

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Vous conseillez de mettre quel film en fond visuel durant l'écoute de l'album ?
La première saison de True Detective ?

Parlez-moi du clip de " The Trail ".
Ce clip était un énorme accomplissement pour nous, accompagné par Samuel Motte-Dit-Falisse à la réalisation et Charlie Roquebert à la photo. Nous nous sommes énormément impliqués dans sa conception et sa post production. Le clip devait être bien différent et nous avons vécu une première partie de tournage en extérieure complètement mise à l’eau (c’est le cas de le dire) par les intempéries. Dans l’urgence et grâce à Charlie, nous avons pu nous rabattre sur un tournage uniquement en intérieur.
Ensuite, sous la direction et l’oeil aguerri de Samuel, nous avons vécu ce moment où tout le monde met la main à la pâte pour sortir un projet de la catastrophe, nous avons pu rentrer l’intégralité du clip en moins de 48h dans un effort de groupe qui nous a donné un magnifique moment d’accomplissement collectif. Le plus beau pour nous est que Samuel a réussi à conserver le propos originel, autour de la quête d’identité, tout en fournissant une palette visuelle dynamique sublimant la musique.

Que raconte le clip de " Madness " ?
" Madness " raconte la dualité que l’on peut ressentir parfois suite à des traumatismes. Lorsque l’on sent grandir en soi une part d’ombre qui semble nous envahir. Dans Madness, le personnage essaye de fuir cette part d’ombre pour finalement la confronter et l’accepter comme une part d’elle-même, en en faisant une force, une alliée. Charlie cette fois-ci à la réalisation, assistée par Samuel à la caméra a su parfaitement retranscrire à sa manière le propos du morceau.

La question que vous auriez aimé que je vous pose ?
Avez-vous foi en l’avenir ?
Et la réponse ?
Oui, el pueblo unido jamás será vencido.

Merci pour l'interview je vous laisse le mot de la fin pour nos lecteurs.
Luttez comme vous le pouvez contre les oppressions, aimez-vous et vos proches, soutien et amour à nos adelphes, mort au fascisme.
Merci à vous pour cette interview.