Aorlhac


Interview réalisée par Virgile par mail avec Spellbound (chant) au mois de Novembre 2021.


Bonjour et merci pour cette interview.
Pouvez-vous vous présenter ?

Spellbound : Salut à toi, AORLHAC s'est formé en 2007 et existe en termes de sorties discographiques depuis 2008. Nous avons créé une trilogie avec " A la croisée des vents ", " La cité des vents " et " L'esprit des vents " (respectivement 2008 - 2010 - 2018) et sommes passés par divers labels depuis nos débuts, entre autres Eisigermond Production et Those Opposed records, jusqu'à notre avant dernier disque qui bouclait donc la trilogie en 2018 qui nous a permis de signer avec Les Acteurs De L’Ombre Productions. Même si je crois que nous jouissions d'une bonne aura au sein de la scène à l'époque, le groupe a vraiment commencé à prendre de l'ampleur à partir de là. Nous avons pu voir de très bons retours presse un peu partout dans le monde ainsi que de nombreuses et très belles dates à travers le pays et au-delà des frontières.
En 2021, le line-up se compose de NKS (guitares, compo) Spellbound (voix, paroles) Alex (basse) K.H (batterie) et Wynter Arvn (guitare).

Quel est votre credo ?
Spellbound : Tout encastrer ! L'envie première du groupe est de répandre une musique énergique, agressive, mélodique, la plus personnelle possible et portée thématiquement sur les légendes, récits et figures locales de nos contrées. Notre but en tant qu'entité est de porter le projet le plus loin possible et nous pensons être en capacité de faire encore de belles et nombreuses choses au travers d'AORLHAC.

Sans être péjoratif, peut-on qualifier AORLHAC de groupe de Black Métal épique, historique et régionaliste ?
Spellbound : Je ne vois rien de péjoratif dans les adjectifs que tu utilises. Nous pensons effectivement notre musique comme étant épique car jouée avec fougue et historique car nous tentons de rendre hommage à nos terroirs avec un regard incontestablement tourné vers le passé. Régionaliste pas vraiment, puisque même si nous exaltons notre terre d'origine (Cantal), nous mettons aussi en avant bien d'autres coins au gré des thèmes ou des légendes qui nous intéressent.

Que penses-tu de la manière dont s'occupe la France de son patrimoine ? Le groupe a l'air attaché à la nature et au patrimoine ?
Spellbound : Je ne sais pas... Il y a de toute façon des choses que l'on ne détruit pas si facilement. Je crois que ça fait longtemps que ce pays ne cherche plus à mettre en avant ou en valeur son patrimoine culturel qui pourtant est un trésor. Un trésor ancré, singulier et riche.

Vous êtes maintenant un des portes drapeau du label Les Acteurs De L’Ombre Productions après le départ de REGARDE LES HOMMES TOMBER ou DELUGE. D'autres labels vous ont-t-il approché ? Et comment se passe votre collaboration avec LADLO justement ?
Spellbound : La collaboration avec le label se passe très bien, il est constitué d'une équipe de passionnés qui sont dédiés à leurs groupes et cela se ressent aussi pour AORLHAC, en termes de communication, d'écoute, de conseils divers, d'artwork, d'accompagnement etc. Nous avons été approchés par des labels depuis la sortie de " L'esprit des vents " mais n'avions pas de raisons particulières de nous désunir de LADLO.

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Comment est venue l'idée de sortir l'album dans un bel écrin avec la box en édition limitée ?
Spellbound : Je ne sais plus comment l'idée nous est venue... Nous avions pu constater que LADLO faisait un joli travail de partenariat avec des artisans, et de belles choses en ce sens pour certains groupes et nous nous sommes dit qu'il était temps de proposer un bel objet avec pleins de trucs cool dedans pour les fans... La box contient vraiment un paquet de choses, digi/double LP, un drapeau, t-shirt exclusif, pin's, patch, carte postale signée etc... Je crois qu'elles partent vraiment bien et la quantité étant limitée, n'hésitez pas !

" L’Esprits des vents " marquait la fin d’une trilogie. Une nouvelle démarre-t-elle avec ce nouvel album " Pierre Brûlées " ?
Spellbound : C’était vraiment cool de pouvoir bosser dans ce sens pour les trois premières sorties mais non, je ne pense pas que nous irons à nouveau vers ce genre de concept. Chaque album devrait désormais se suffire à lui-même sans avoir de liens ou de connexions précises les uns vis-à-vis des autres.

Ce nouvel opus marque-t-il un tournant pour le groupe ?
Spellbound : En bien des domaines effectivement le nouvel album marque un tournant, déjà niveau production puisque nous sommes sortis de l'envie de tout opérer en vase clos. En effet, NKS s'occupait habituellement de gérer le mixage et le mastering en plus des compos et des enregistrements guitares. La mission a été confié à Fred Gervais du Henosis Studio et nous pensons que son travail apporte une dimension en plus sur ce nouvel album. La différence notable aussi avec les prédécesseurs c'est que nous avons inclus tous les membres live du groupe dans le travail studio, chacun pouvant donc se consacrer à son instrument. En résulte une dynamique carrée et plus dense.

J'ai découvert le groupe a une soirée organisée par le label au Rack'am et ensuite au Hellfest en 2019. Je trouve que votre groupe a encore franchi un nouveau palier avec ce nouvel album. Que vouliez-vous faire par rapport au précédent ?
Spellbound : Nous n'avions pas d'objectifs particuliers si ce n'est de sortir des carcans que nous nous étions imposés avec la trilogie des vents. Même si les textes ne révolutionnent pas la thématique globale du groupe, dans le détail les choses sont quand même un peu différentes. J'ai décidé de lâcher un peu l'appui des légendes ou des personnages historiques belliqueux sur lesquels nous nous reposions, et ce même si certains apparaissent encore sur " Pierres Brûlées " car il reste difficile de s'extraire de ces motifs et d'envisager un virage à 180 degrés pour un groupe " à thème " comme le nôtre. Plus de textes à résonances personnelles se retrouvent çà et là. Niveau musical, je pense qu'il y a aussi des évolutions. Globalement, l'énergie reste la même mais nous osons malgré tout aller vers des explorations nouvelles en termes d'exécutions et d'idées pour ainsi ne pas tourner en rond musicalement.

Parle-moi du processus de création de l’album…
Spellbound : Tout ce que je peux dire c'est que l'album a été très punk dans sa démarche. Comme d'habitude, NKS est arrivé avec les structures et les riffs, et K.H (batterie) a quant à lui beaucoup bossé sur ses parties batterie en parallèle. Mais concernant l'enregistrement, ça s'est passé à distance, avec peu de recul, que ce soit pour les instruments ou pour mes vocaux. La période " pandémie " n'a bien sûr pas aidée avec les restrictions de déplacements inter-régions et vu que tous les membres du groupe ne sont pas à côté, il y a forcément eu une tension vis à vis de ça. Après, concernant mes voix, tout s'est aussi passé très vite et à l'instinct.
Globalement, une période très tendue et énergique pour le groupe et nous n'avions pas nécessairement l'habitude de travailler autant dans l'urgence mais je crois aussi que cela a insufflé une impulsion particulière à cet album.

Écouter un album d’AORLHAC, c'est aussi se prendre une leçon d’histoire. Parle-moi des thèmes et histoires abordés. Laquelle t’as le plus marqué ?
Spellbound : Nous sommes parfois restés dans notre zone de confort avec par exemple un titre comme " Les vésanies d'Aymérigot Marchès " qui retrace l'histoire de ce mercenaire à la solde des anglais et qui ravageait le Cantal. Globalement, cette fois ci, l'album est très centré sur le Cantal. Il me tenait à cœur d'accentuer le propos auprès de ce département auquel nous sommes fortement liés. C'est principalement au travers de l'écrivain, poète et gens d'armes Camille Gandilhon ainsi qu'avec certains de mes écrits que nous rendons hommage à cette terre.

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De quelle manière composez-vous ?
Spellbound : NKS se charge à 99% du temps de la composition globale (guitares, basse, batterie) tandis que je m'occupe des paroles et du chant. Désormais, les ossatures des morceaux sont affinées avec KH (batterie) et Alex (basse). Et une formule qui fonctionne et dont nous sommes satisfaits.

Ton chant a encore évolué je trouve notamment dans la façon hyper profonde de transmettre des émotions. Quelle est ton approche et à quel moment interviens-tu dans la composition ?
Spellbound : Je chante avant tout pour extraire des émotions lointaines et profondes. C’est un mode d’expression dont j'ai besoin, en ce sens, le groupe n'est d'abord qu'une excuse à mes expectorations. Les textes relatant des faits souvent dramatiques, mélancoliques ou guerriers, cela reste cohérent. Il y a un lâché prise total et je tente d'être le plus agressif mais surtout le plus expressif possible.
Musicalement, AORLHAC étant varié, j'essaye de m'adapter et de proposer différentes intentions et différents types de chants selon ce que m'inspirent les passages des titres. Je n'interviens généralement qu'à la fin de la composition pour les placements de mes lignes.
Concernant la progression sur la voix, j'en vois une énorme entre nos deux premiers albums et les deux derniers. C'est un fossé. Il s'explique notamment par le fait que j'ai grandi, tout simplement. J'ai plus de recul et j’ai travaillé sur diverses techniques depuis quelques années, alors que les deux premiers albums étaient très bruts, sans recul et que je n'avais aucune expérience particulière. Par exemple, je ne peux plus écouter " La cité des vents " à cause de la manière dont ma voix sonne dessus. En fait, je pense que j'aurais eu une voix un peu plus similaire à ce que nous faisons maintenant, mais j'étais à l'époque poussé dans mes derniers retranchements et l'on me demandait de chanter toujours plus agressivement, ce qui manifestement n'était pas une bonne idée. Dans tous les cas, je suis désormais satisfait de ce que je propose à l'heure actuelle en termes de vocaux, notamment depuis " L'esprit des vents " et " Pierres Brûlées ".

De quelle manière avez-vous enregistré ?
Spellbound : NKS possède un studio professionnel attenant à sa maison depuis quelques années, ce qui facilite grandement les choses pour tout le monde ! Généralement, les guitares, la basse et la batterie sont enregistrées là-bas tandis que mon chant est enregistré indépendamment, vers St-Flour dans le Cantal.

Comment s'est passée votre collaboration avec Frédéric Gervaise du studio Henosis et quelles étaient vos attentes au niveau du mix/mastering ?
Spellbound : J'avais déjà eu l'occasion de travailler avec Fred pour ASPHODELE et JOURS PÂLES, donc on se connaît un petit peu. Globalement, l'expérience fut bonne ! Beaucoup d'écoute entre les uns et les autres. Il a parfois fallu batailler sur certains aspects, notamment sur la position des voix dans le mix, mais ça fait partie du jeu et ça serait trop facile si tout le monde s'entendait sur tout. Moi, je pensais à une sorte de continuité dans l'équilibre et le spectre sonore global de ce que nous avions fait en 2018, mais au final le son est plus dense, plus massif et moins porté sur les fréquences médium, je pense. De ce fait, je considère que c'est plus lourd et peut être parfois moins digeste sur la durée, mais d'un autre côté ça a apporté un son plus pro, plus chaud. Rien n'est jamais parfait et le mix reste une étape toujours délicate sur laquelle on manque parfois de recul, toujours est-il que nous sommes tous satisfaits du résultat final.
J'ai trouvé le mix très bon tout sonne hyper organique.
Spellbound : Oui voilà, je suis d'accord avec toi sur l'ensemble de tes remarques, bien qu'encore une fois je trouve le tout plus massif qu'aéré, mais je crois qu'il fallait en passer par là pour obtenir ce son bien gras et couillu que nous a concocté Fred. La basse est effectivement bien en avant, notre bassiste Alex jouant exclusivement aux doigts, son jeu enrichit bien les guitares avec ce son si particulier.

Parle-moi de " Au travers de nos cris " qui est mon titre préféré.
Spellbound : C'est le titre le plus long de l'album, souvent qualifié (du moins depuis les récents retours d'interviews ou de chroniques) comme étant le plus épique des titres proposés sur le disque. La structure, le riffing, le côté fédérateur de la voix et la batterie en mode rouleau compresseur n'y sont sans doute pas pour rien. C'est aussi celui où j'ai le plus poussé ma voix claire, sur le passage du milieu du titre. Je pense atteindre les notes maximales que ma tessiture me permet d'obtenir, en tous cas à l'heure actuelle.

Que raconte " Les vésanies d'Aymérigot Marchès " ?
Spellbound : Aymérigot Marchès était un routier qui roulait pour les anglais pendant la guerre de cent ans. Il a sévi dans pas mal de coins en Auvergne, commettant des exactions, le salaud se mettant aussi à violer, piller... Et ce, notamment dans le Cantal (Alleuze, Montsalvy, Carlat…). Il fait donc parti de la tradition qu'a AORLHAC de ressortir des vieux dossiers sur des personnages belliqueux plus ou moins locaux et confidentiels (Victor de Mornac, Louis Mandrin, Garlan le bossu…).

Les titres de l'album sont hyper variés comme par exemple " Vingt sièges, cent assauts ". Je trouve qu'il y a plus de prises de risques par rapport aux précédents albums.
Spellbound : Je pense que l'album est plutôt homogène, mais ce n’est pas pour autant qu'il faut faire le même titre sur tout un album ! Je crois que chaque chanson contient des éléments nouveaux l'une vis-à-vis de l'autre ou en tous cas assez de variations et d'intentions différentes pour ne pas tourner en rond ni se lasser. L'instrumental " Averses sur Peyre-Arse " écrite par Wynter Arvn (guitariste live) arrive au bon moment et offre une accalmie bienvenue, avant de repartir sur les 3 derniers titres bien violents et intenses.

" Nos hameaux désespérés " traite de la désertification des campagnes.
Spellbound : Le titre et les paroles sont plutôt imagés, mais en gros ça parle de tous ces coins du Cantal, tous ces lieux déserts ou très peu peuplés, et de la vie souvent rude et miséreuse qui accompagne les gens qui y vivent.

Aorlhac

Parle-moi de la pochette. Que vouliez-vous raconter avec ?
Spellbound : Nous voulions encore cette fois-ci quelque chose qui serait en lien avec le concept, les paroles, le côté plus chaud et colérique de la lave et de la chaîne des puys, des volcans d'Auvergne. Quelque chose de vif, de romancé, d'inquiétant et agressif. Nous n'avons donné que peu d'indications à Stan W. Decker et il a encore su (comme il l'avait fait pour " L'esprit des vents ") trouver les tons et les images justes pour que le fond puisse s'allier avec la forme !

Peux-tu m’en dire plus sur les paysages dévoilés dans le clip de " Pierres Brûlées " et sur ce qu’il raconte ?
Spellbound : Concernant les paysages, il s'agit dans le désordre du Puy Mary, du Lac du Pécher, de Bredons, de la cascade du Cheylat vers Murat, et de quelques autres que j'ai oublié.
Pour les idées véhiculées au travers du titre, je pense que tout est dans les paroles... Une ode à la nature et un énorme majeur à l'humain et ses travers. Arpenter les chaos rocheux, les lacs, monts et forêts, de la picole plein le sac et de la musique dans les oreilles, plutôt que d'aller vers des villes grouillantes de non-sens, de nuisibles et de corrupteurs. Je voulais vraiment faire un clip sur cette chanson, je pensais qu'elle s'y prêtait bien et nous sommes contents du résultat pour dire le peu de matériel et le peu de temps que nous avons pu y consacrer. Merci à tous ceux qui nous ont aidés à le réaliser, Martin, Léo, Max, Anne-Clémence, sachant que toutes les images (à l'exception des passages du Puy Mary) ont été tournées pour le groupe en une journée.
En parlant de paysages et nature, est-ce qu’à tout hasard tu fais des randonnées, comme le GR30 ? Si oui, qu’est-ce que t’apporte la pratique de la randonnée ?
Spellbound : Je faisais beaucoup de randonnées lorsque j'avais encore mon beauceron, ça me motivait sachant qu'il lui fallait bien deux grosses balades journalières pour tenter de le fatiguer un minimum. Depuis que je ne l'ai plus, j'avoue que je pratique un peu moins. Mais bien sûr, c'est une des très bonnes activités à effectuer pour découvrir les trésors que cachent nos régions, et j'y ai toujours trouvé un côté apaisant et ressourçant.

Une tournée est-elle prévue ?
Spellbound : Nous comptons effectuer un maximum de dates pour promouvoir l'album. Entre les organisateurs qui nous contactent régulièrement et le label, nous avons bon espoir de décrocher de belles opportunités dans les temps qui viennent comme ce fut le cas lors de la sortie de l'album précédent, en attendant d'avoir une structure plus définie pour nous soutenir à ce niveau-là.

Pour finir, quelle est la question que vous auriez aimé que je vous pose ?
Spellbound : Je ne sais pas, ah si tiens, t'aurais pu nous demander quand on refaisait une collaboration avec une brasserie pour une nouvelle bière AORLHAC.
Et la réponse ?
Spellbound : J'en ai aucune idée mais j'espère au plus vite ! La Saurimonde était un Imperial Stout très qualitatif en partenariat avec la micro brasserie Auvergnate BALM. Je voudrais bien retenter l'expérience et qu’une petite sœur puisse lui succéder.

Merci pour l’interview. Je vous laisse le mot de la fin pour nos lecteurs…
Spellbound : Merci à toi pour l’entrevue, merci à toutes celles et ceux qui nous suivent, à bientôt sur la route.