Laurent Karila


Interview réalisée par Virgile le 29 juin 2024 au Hellfest.


Bonjour Laurent, on vous connaît pour vos interventions dans l’émission " Ça commence aujourd'hui " mais vous avez aussi sorti en janvier dernier un livre " Docteur : addict ou pas ".
Pourquoi les addictions sont-elles plus fréquentes chez les TDAH ?

Alors, c'est vrai que les addictions sont surreprésentées chez les personnes ayant des troubles psychiatriques, et notamment le groupe des troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité (ou TDAH). On en retrouve un peu plus chez les gens ayant un TDAH et qui ont consommé plus de substances stimulantes ou non stimulantes pour essayer de contrôler leur attention.
Et c'est vrai que, chez certains addicts chez qui on ne repère pas le TDAH, on peut un peu plus galérer pour les traiter parce qu'ils rechutent.

J'ai été moi-même diagnostiqué récemment TDAH à 33 ans. Comment expliques-tu le retard français en la matière pour diagnostiquer ? Parce que là, au niveau du traitement pour les adultes, ça n’a été autorisé qu’en 2021.
Ouais, ça a été autorisé récemment. Le traitement pour le TDAH chez l’adulte est une bonne chose car il y a des gens qui galèrent justement avec ces troubles attentionnels parce qu’ils ont du mal à être ordonnés dans leur tête. Une fois qu’on a trouvé le traitement, ça aide, en tous cas.

Contrairement à nos aînés, on vit dans un monde de constante distraction.
Ouais, c'est vrai, la société a évolué en ce sens-là. C'est surtout Internet qui a contribué à tout ça. Donc, on est dans une situation plus speed, on peut avoir des images gratifiantes tout de suite. On est dans un autre modèle de vie actuel, avec le digital notamment.
Ça t'a changé quelque chose pour toi au niveau musical par rapport à la manière dont tu écoutais la musique quand tu étais plus jeune ?
J’achète toujours des vinyles. Je suis un grand collectionneur de KISS et de vinyles en règle générale, donc je collectionne tous les pressages de Kiss dans le monde entier. Le streaming, j'adore ça ; je l'ai intégré dans ma vie. Moi, j'ai tout connu. J'ai connu le 45-tours, je ne suis pas très vieux, mais quand même, on avait les 45 tours avant que l'album sorte. C'étaient les singles de l’époque, comme des petites vidéos YouTube de maintenant. Après, on attendait le jour de la sortie du 33-tours, etc. Là, c'est un bonheur pour moi…
Ouais, parce qu'avec Internet, maintenant, t'as accès à tout, quasiment. Avant, c’était galère.
Maintenant, tu peux trouver des bons plans. Là, j'ai eu une livraison de 45-tours de KISS qui venait de Hollande…

Laurent Karila

Comment expliques-tu que le Métal soit un aimant à neuroatypiques ?
C'est difficile, il n'y a jamais eu de vraies études sur ça. Je ne sais pas comment t'expliquer, mais en tout cas, le Métal est un régulateur émotionnel, c'est un régulateur d'humeur. Et je pense qu'il y a ce côté-là qui attire aussi les neuroatypiques avec certains styles musicaux.
Toi, tu écoutes quoi en général quand tu fais ton sport ?
Quand je fais mon sport, j'ai des playlists toutes faites. Donc, j'ai une qui s'appelle Boum, et c'est que du hardcore, du metalcore, c'est que ça.

De nos jours, certains ont des addictions aux jeux mobiles, aux paris sportifs.
Pas que de nos jours, ça existe depuis toujours, le trouble du jeu de hasard et d'argent, dont les paris mobiles, ça existe depuis un moment et c'est validé comme diagnostic. Le trouble du jeu vidéo a aussi été validé comme diagnostic.
Maintenant, il y a encore beaucoup plus de jeux avec des microtransactions.
Si tu es vulnérable, tu tombes dans la spirale.

Tu peux me parler ce qu'est la rémission au niveau de l'addiction ?
L’addiction, c'est une maladie chronique. Comme toutes les maladies chroniques, il n'y a pas de guérison définitive, mais il y a des rémissions, comme pour les cancers, le diabète ou les maladies cardiaques. Donc, la rémission, c'est le fait de changer son comportement vis-à-vis de cette habitude de consommation, cela se fait dans le temps avec l'arrêt de consommation accompagné d'un changement comportemental plus d’autres changements qui se font à côté.
Très souvent, la personne addicte elle-même ne sait pas où elle en est et ne voit pas forcément le problème…
Oui c’est pourquoi l'entourage doit aussi être accompagné pour comprendre tout ce qui se passe et aider la personne à lui faire comprendre ses problèmes, ses rechutes, ses faux-pas…

On a découvert récemment l'addiction au sucre avec le glutamate, les joies de l'industrie alimentaire.
Je ne dirais pas l'addiction au glutamate, mais il y a une addiction alimentaire qui n'est pas que dûe au sucre. Le sucre, c'est un vecteur, et il faut le prendre en considération chez les gens qui ont des troubles du comportement alimentaire.

Tu peux me parler du bore-out qui est assez récent ?
Le bore-out est contextuel. C'est lié à l'ennui. On va au travail et on s’ennuie continuellement. C'est un peu la même trajectoire qu'un burn-out, c'est une dépression d'épuisement. Mais là, t'as une dépression liée à l'ennui. Et à ce moment-là, il faut aller consulter, il faut se faire aider. Il faut aller chercher les racines du problème. Et j'en parle dans mon livre " Docteur : addict ou pas ".

Laurent Karila

Comment lutter contre le craving, si tu peux donner un exemple ?
Le craving, c'est l'envie irrésistible de consommer. C'est comme une vague : quand tu la vois arriver, elle peut être énorme mais elle s'amenuise au fur et à mesure du temps. Et bien on apprend aux patients atteints de craving à surfer avec cette vague, c'est-à-dire à comprendre que cette vague monte, que l'envie monte, monte, monte. On va l'accompagner à la descrendre, c'est de l'apprentissage et de la désensibilisation.
Au début, c'est très dur, mais à force de répéter les exercices dans un environnement contrôlé, ça aide. Et des fois aussi, on peut utiliser des médicaments pour aussi amenuiser ce craving.
Et y a-t-il un rapport génétique au niveau des addictions, des maladies mentales ?
La génétique n'explique pas tout. Elle explique 40 à 70 % du phénomène. Il y a d'autres facteurs qui jouent, comme le développement personnel, comme le cerveau, l'environnement, le métabolisme cérébral.

Tu peux renseigner les gens sur comment bien choisir son psy, psychiatre ? Parce qu’il y a tout et n'importe quoi sur internet à mon sens.
Déjà, il faut en parler avec son médecin traitant, qui peut un peu aiguiller. On peut passer par des psychologues cliniciens et il faut être plus ou moins recommandé. Moi, je dirais qu'il faut d’abord passer par son médecin traitant ou aller dans des centres agréés.

T'as eu le temps de voir des groupes depuis le début du Hellfest ?
Oui, hier, j'ai vu Savage Lands, c’est un projet auquel j’ai participé, FEAR FACTORY, je ne les avais jamais vus en live, ça déménage. STEEL PANTHER, ils ont mis le feu. MACHINE HEAD, franchement c'est cool.
Aujourd'hui, j'ai hâte de voir tout le reste : MASS HYSTERIA, METALLICA, EXTREME, BRUCE DICKINSON, EXTREME, YNGWIE MALMSTEEN. J’ai hâte.

T’as commencé par quel groupe dans le Métal ?
KISS. Je suis un fan depuis 1983, ça fait 41 ans maintenant.

Laurent :Donc, on peut retrouver ton livre dans toutes les librairies ?
Oui, " Docteur : addict ou pas ? ", vous le trouverez dans toutes les librairies et sur toutes les plateformes habituelles sur Internet.

Laurent :Je te laisse le mot de la fin pour l’interview.
Merci pour cette interview. J'espère qu'on se revoit l'année prochaine au Hellfest. Et n'oubliez pas, si vous avez des addictions, si vous souffrez de comportements excessifs, allez-vous renseigner, lisez mon livre et parlez-en à votre médecin traitant.