The Stranglers


Interview réalisée par Djaycee par visio 29 juin 2021 avec Jean-Jacques Burnel (basse).


Alors que le rendez-vous était pris au Terrass Hotel pour rencontrer Jean-Jacques Burnel, le membre fondateur des STRANGLERS, la vie perso en a décidé autrement. C’est donc en visio que c’est faite l’interview. Rencontre avec le bassiste du groupe en français dans le texte pour ce " Dark Matter " qui prouve encore une fois le talent d’écriture de ce groupe.

En tout cas, merci beaucoup de nous accorder cette interview. Alors je sais que vous êtes franco-anglais, donc partager peut-être entre la défaite de la France et le match de ce soir.
Jean-Jacques Burnel : it's only a game. OK, je ne sais pas ce que j'imagine. J'aurais été un peu plus déçu quand ils se sont réveillés en 1940 et vu que la France avait d'accepté la défaite. C'est juste un match.
J'aime bien ce type de réponse. Je crois qu’en plus, votre père était résistant.
Jean-Jacques Burnel : Je ne sais pas ce qu'il a fait. Il ne m'a rien dit de ce qu'il a fait pendant la guerre seulement qu'il allait entre le Sud et la Normandie. Il s'est fait arrêter à Moulins. Il prenait des messages pour des juifs entre le sud et la zone libre. Il ne m'a jamais dit quoi que ce soit sur la guerre. Il n se vantait de rien au sujet de de la guerre. Oui, c'est vrai qu'il était sous régime la seule fois qu’il n’a jamais été malade de sa vie. Il était à la caserne à Caen et son régiment et au front. Mais il n'est jamais arrivé. Ils ont été complètement massacrés. Le train a été massacré.
Effectivement, ça nous permet de relativiser une défaite à l'Euro de football.
Jean-Jacques Burnel : Voilà, je crois.
Vu qu'on parle d'euro, il y a l'Europe et cette maudite année 2020. On va dire à la fois avec le covid et le Brexit puisque finalement, cela a modifié un certain nombre de choses, notamment le décès de votre clavier. Et puis également cette le brexit, qui doit être un déchirement pour vous ?
Jean-Jacques Burnel : Personnellement, je crois. Pour moi c'est une bêtise monumentale. Ça va précipiter la fin de l'Union du Royaume-Uni qui était en marche déjà. Et puis ça va accélérer ça. Je crois que tu crois qu'ils ont vendus pour mensonges et je crois que c'est vrai que l'Europe avait besoin d'être réformée. Et qui de mieux que les Britanniques de réformer. Mais malheureusement, tu ne peux pas réformer quoi que ce soit quand tu es à l'extérieur, mais donc ils se sont tirés une balle dans le pied.

The Stranglers
Photo : © Colin Hawkins

Revenons sur la partie musicale et un autre événement un peu un peu douloureux, c'est la mort du covid d'un membre fondateur du groupe. Cette année a été un peu un peu compliquée pour vous.
Jean-Jacques Burnel : je ne pense pas que tu as jusqu'à maintenant vécu 45 ans avec quelqu'un. Non. Moi, j'ai vécu et collaboré, mais me suis marré, j'ai travaillé et c'est une amitié de 40/45 ans avec Dave, mais les hauts et les bas que nous avons eu pendant une carrière. Donc oui, ça crée un grand vide. On avait enregistré la plupart des dix morceaux avant qu'il disparaisse. Ma seule mission c’est de lui rendre hommage avec ce disque.
Vous l'avez fait avec le premier single de l'album.
Jean-Jacques Burnel : notre seul numéro 1 ! Il a été numéro 1 pendant une semaine sur iTunes.
C'est un bel hommage et on peut peut-être parler du clip. C'est un peu un road movie. Et pourquoi il a été tourné à Los Angeles ?
Jean-Jacques Burnel : pour plusieurs raisons. Dave était un pétro head. Il adorait les voitures rapides, il avait une BM 5 M série, il adorait la vitesse. Le seul clip que nous avons fait avec une voiture, c'est une mustang de 1964. On avait enregistré ça à Los Angeles à l'époque dans les années 80. En plus, Il y a beaucoup de chômage à Hollywood en ce moment, mais on a réussi à trouver un cinéaste qui ferait ça pour le prix de la location de la Mustang. Il y a beaucoup de références à Dave Et donc, à un moment, il y a quelqu'un avec une veste d'aviateur car Dave en portait toujours une.
OK, donc, il y a des petites Madeleine de Proust.
Jean-Jacques Burnel : des clins d'œil que nous lui envoyons.

Le personnage principal est une femme. Finalement, ce n'est pas vous qui l'attendez au bar, mais c'est une femme.
Jean-Jacques Burnel : Est-ce que c'est vraiment une femme ?
On va laisser planer le doute…
Jean-Jacques Burnel : comme sur votre président.
A quel titre ?
Est-ce qu'il est ou est-ce qu'il ne l’est pas ?
Ah oui, d'accord. La conductrice de taxi ce matin, c'est sûr on a la preuve (qu'il est gay ndlr), je lui ai répondu " écoute c'est légal ".


Si on parle maintenant de l'artwork, pourquoi avoir choisi ces statues de l'île de Pâques ? Et ce titre aussi…

Jean-Jacques Burnel : ...énigmatique... comme tu sais maintenant la science commence à parler de dark matter. Il pense que peut être 85% à de tout c'est de la matière noire. Je ne sais pas mais ils pensent que c'est le cas. Et on ne voit pas, c'est invisible. C’est une énigme comme les statues de l'île de Pâques sont une énigme. Il y a plein de théories mais on ne sait pas vraiment.

C’est une anecdote qui ferait plaisir à nos lecteurs puisque, à priori, le groupe est né d'une rencontre un peu fortuite. C'est ça d'une prise en stop. Est-ce que vous pouvez détailler un petit peu ? Parce que finalement, avec le vide, maintenant, on a peur de tout le monde et on ne prendrait absolument plus personne en stop. Et finalement, en temps de covid, on a plutôt tendance à s'éloigner des gens et ce type de rencontres et de création de groupes ne pourrait plus se faire.
Jean-Jacques Burnel : Au début, il y avait un déserteur de la guerre du Vietnam qui était parti en Suède pour ne pas partir là-bas. Il a rencontré un scientifique anglais qui faisait de la recherche à l'Université de Londres. Oui, et ils ont formé un groupe là-bas, en Suède. Donc, un chanteur américain, un guitariste anglais, un bassiste suédois et un batteur suédois.
On revient encore à l'Europe.
Jean-Jacques Burnel : ils ont décidé de chercher leur fortune en Angleterre, tu étais quand même dans le centre de la musique pour beaucoup. Une référence, en tout cas. Donc, ils sont venus en Angleterre sans leur batteur et ils ont trouvé un batteur sur place. Et ils ont déménagé de Londres en banlieue. Moi, je suis allé à l'école royale et un jour, je rentre de l'entraînement de karaté et je m'arrête pour un autostoppeur. J'avais les cheveux très courts, très, très courts et je m'arrête pour ce gars avec des cheveux longs, très longs. Il m'explique son histoire. C’était le chanteur américain, je le dépose en banlieue de Londres. Il m'a demandé si je voulais venir prendre une bière avec lui. Je lui ai dit bien sûr, j'ai dû donner mon adresse. J'avais une chambre dans une maison à l'époque et j'ai dû donner cette adresse au guitariste anglais. Et 15 jours plus tard, quelqu'un frappe à ma porte. Et c'est le guitariste anglais qui me dit " Les autres sont retournés en Suède puisque la vie est trop dure ici ". Il ne restait que lui et le batteur, je jouais de la guitare quand il a frappé à ma porte " il me dit le bassiste n'a pas repris sa basse en partant, est-ce que cela te dirait de jouer avec nous ? ". Et voilà le début des STRANGLERS. La Morale de cette histoire " ne t'arrête jamais pour prendre un autostoppeur "(rires).
Je pense qu'il n'y a pas de regret malgré tout, vous avez plein de souvenirs et vécu plein de choses. On parlait des 45 ans avec Dave, mais du coup, est-ce que malgré cette longue carrière, y a-t-il des choses que vous n'auriez pas fait et que vous aimeriez faire ? Un truc un peu fou.
Jean-Jacques Burnel : Il y a toujours des ambitions que nous aimerions réaliser. Ça va être le 18ème album. On est toujours en demande mondialement. On a fait juste avant le confinement. J'avais fait trois fois le tour du monde en 18 mois. Nagoya, Japon J'ai acheté avant. J'ai joué quatre nuits à Tokyo en même temps que la finale de la Coupe du monde de rugby. J’étais à la finale pour voir l'Angleterre massacrée par l'Afrique du Sud et on avait joué devant 10.000 personnes à Las Vegas quelques mois plus tôt. Donc, c'est un épanouissement de pouvoir jouer devant autant de monde, et qu'il y ait toujours une demande. C'est ce qu'on demande, c'est ce qu'on veut. Si tu le sais, tu peux avoir un public. Oui, et on a un public mondialement. Et donc, il y a eu des bas. Heureusement d'ailleurs, cela te fait apprécier les hauts et cela te donne une certaine humilité. J’ai le privilège de pouvoir gagner ma vie de mon œuvre. Heureusement, on a une bonne vingtaine de titres qui marchent mondialement. Pour les jeunes groupes, c'est beaucoup plus...


Je ne sais pas s'il y a eu des chansons françaises en français des STRANGLERS.
Jean-Jacques Burnel : il y a une ou deux chansons dont la "folie". Mais j'ai repris cet album en entier en français. Donc je ne sais pas si ça va être fait par nous ou par quelqu'un d'autre.
Il y a un petit sourire énigmatique. Encore une fois, ça laisse planer le doute. Quand s'est faite la composition sur la route, un petit peu au fil de l'eau, où vous étiez bloqué fin 2019 2020 ?
Jean-Jacques Burnel : Je n'écris pas quand je suis seul dans une chambre d'hôtel, mais avec le succès du précédent, Il y avait une demande mondiale et c'était fou cela était fantastique, Et puis c’est plus épanouissant pour un musicien d'avoir une si grande demande dans tous les pays de la planète. Mais le problème avec ça, c'est que c'est la partie la moins créative du boulot.
Cela peut être la routine de jouer la même setlist tous les soirs ?
Jean-Jacques Burnel : nous changeons tous les soirs de set-lists.
D’ailleurs, tu sais pourquoi les chiens sucent leur couilles ?
Non.
Jean-Jacques Burnel : Parce qu'ils peuvent !
Vous avez de sacrés expression en Angleterre, je ne sais pas si vous connaissez un groupe instrumental qui s'appelle THE GREY, il m'ont donné un jour du fil à retordre pour traduire une expression " se faire souffler de la fumée dans le cul " , ou quelque chose comme cela ?
Jean-Jacques Burnel : " blowing the smoke up your ass " ! C'est flatter pour obtenir des contreparties.

Sinon, je termine souvent mes interviews par quelle question je ne vous ai pas posée et quelle est la réponse à celle qui ?
Jean-Jacques Burnel : On aurait pu discuter des heures et des heures. Mais gardons-en pour la prochaine fois. Je réfléchis à cela et te dirai cela.
Oui, mais il manque la bière fraîche, il manque la bière fraîche pour pouvoir trinquer. Mais allez, je regarde encore les dates, que ce soit à Valenciennes, Dijon, Villeurbanne ou Montpellier.
Jean-Jacques Burnel : Merci pour cette interview et on vous donne rendez-vous en concert.