B Astre


Interview réalisée par mail par Djaycee au mois d'Avril 2021.


Salut B-Astre, comment vas-tu ?
Comment s’est passé le confinement / déconfinement/reconfinement en Belgique ? Tu as trouvé du temps pour peaufiner la sortie de l’EP et composer ? Et est-ce que tu nous prépares une surprise quand les salles réouvriront ?

Bien le bonjour JC ! " fais la révérence ".
Eh bien les eaux sont troubles et les temps orageux. J’ai eu le temps de prendre beaucoup de recul sur l’art et de lancer ces morceaux pour qu’ils vivent enfin aux oreilles des étoiles. En Belgique, il y a énormément de luttes sociales tout comme en France, on se sent au début de quelque chose de nouveau, et on lutte pour avoir un statut d’artiste (intermittent) plus décent : coudes sous les coudes autant perdus que curieux, soucieux et idéalistes. Ce fut une grande période de changement intérieur je pense, et du coup c’est ce qui alimente le mieux le domaine de la création et de l’art. Un flot d’idées, plein de nouvelles compositions dans la boîte, et surtout des clips ! D’ailleurs le nouveau vidéoclip " To the forest " vient de sortir et parle de notre sauvagerie intérieure et notre rapport à la nature. Et donc dans quelques jours je m’envole pour Avignon où j’y jouerai en première un spectacle musical " Etre sa propre étoile " en piano-voix poétique dans le OFF! Du 20 au 26 à 14h15 au Verbe Fou, et une petite extra electro-pop (ça va plus danser) le 28 au soir à 19h45. Petits cadeaux offerts si vous citez le nom du Webzine sur place. (réservations ici). Je passerai ensuite par Sarlat, Nantes et reviendrai en France pour quelques dates dès que les choses deviendront plus claires. A suivre sur mon site B-Astre et sur Facebook.

Alors il est interessant de dire que ce sont les algorithmes de facebook qui t’ont propulsée dans ma time line, comme une astéroïde… Comme cela nous restons dans le thème des planètes. Peux-tu te présenter pour nos lecteurs ?
Créature qui porte le ciel bleu pour mettre en avant le coeur, qui est l’étoile! Un brin de folie et les pieds bien ancrés, une envie de rigoler de tout et de dépasser les obstacles. D’en faire des tonnes comme de se retenir : bref de voyager au-delà des limites. Et probablement un être qui rêve et construit sa réalité de demain en fonction de ses valeurs... en essayant de transmettre des messages forts à travers son univers multiple et sa voix aérienne.

Ces cheveux bleus, c’est pour représenter la voie lactée ou c’est un personnage créé en alter ego ?
La voie lactée est un chemin parmi d’autre, les galaxies sont nombreuses et pleine d’étoiles qui brillent… c’est ce que ce bleu appelle. Je déborde peut-être un peu? Hihihi. Il enrobe pour ma part la personne complexe que nous pouvons être quand nous n’avons pas de filtre et la magnifie, ou en quelque sorte lui donne une armure. Y aller à fond dès que le rideau tombe, que la porte de la maison claque : à n’importe quel moment de sa vie, c’est important de se découvrir à fond et de dépasser tout ce qui nous bloque. C’est donc plutôt un catalyseur qu’un alter ego, ce bleu !

B-Astre

Revenons sur cet EP. Je pense que le mieux est de faire un track by track, car c’est un kaléïdoscope de chansons réunies par un alignement subtil des planètes sur cet EP.
1. " B your own star "
Chant anglais avec une montée progressive de la chanson au piano qui pourrait survivre aux mêmes accords en guitare saturée. L’auditeur peut se projeter dans un concert de métal symphonique avec clavier. Et avec des vocalises presque d’orchestre... comment mets-tu tout cela en une seule chanson ?

Incroyable que tu perçoives ce trajet : tu as totalement vu les mélanges qui fricotent follement ensemble! Un brin d’hymne aux héros (dans le style de Rocky Balboa) qui essaient de dépasser sans cesse leurs limites personnelles et qui saturent, et de l’autre côté cette touche pianistique cadrée et sentimentale qui traverser ce brouillard de l’inconnu. Une boucle d’auto-motivation dans le texte qui vise à rester stable malgré tous les courants mélangés. Une existence tumultueuse qui trouve l’harmonie en toute circonstance. C’est ça le combat d’exister, de se perdre et de se retrouver, où chaque élément prend sa place pour amener une nuance à cette rage de vivre.

2. Avec " At the bar ", on continue le périple sidéral en anglais.
Il y a un coté Britney Spears dans le sens où c’est une composition catchy que l’on imagine dansée en mode " toxic ", il y a un peu de cela ?

Ahaha (rires) ! Il y a peut-être un peu de cela dans la voix pincée et la chorégraphie du clip, mais réadapté à une aventure imaginaire du type " années 80's " ! L’histoire se déroule dans un bar et les protagonistes sont un peu des souvenirs du passé qui prennent vie et qui soutiennent l’ambiance catchy de ces soirées dévergondées qu’on a tous un peu connues dans les bars! Là où on se lâche et on voyage ensemble ! Un feat. avec ZARk et ses machines modulaires qui font un clin d’oeil à ces arpegiateurs et modulaires de l’époque. C’est d’ailleurs celle-là qui me fait le plus danser! Et le clip est une super collaboration avec Studio Stef en prise d’images/colorimétrie et moi comme réal/monteuse dans un merveilleux bar de Bruxelles nommé Green lab : autant dire que c’était déjà toute une aventure dans une folie collective, avec des figurants à fond dedans et une ambiance de soirée underground !

3. " Toi "
Chanson en français qui va taquiner Kate Bush, Barbara Carlotti ou Camille notamment avec le clip dansé sans les cheveux bleus mais avec du ciel présent un peu partout !

Alors c’était mon premier clip réalisé quand je trainais beaucoup au Maroc, où on voit surtout le ciel (élément clef de B-Astre) mais où je n’avais pas encore " osé " passer mon côté déluré et bleu que je gardais en secret depuis adolescente (j’avais d’ailleurs un look complètement fou New Wave et des corsets, chapeaux avec cape à l’époque). C’est donc une version super épurée selon les critères modernes de femme naturellement présente, mais finalement pas assez assumée : j’ai un peu fait ce qu’on m’a dit de faire, c’est-à-dire le moins possible, en faisant confiance à l’image qu’en avait le réal, mais je ne le trouvais pas assez fou, à part pour les scènes de danse que j’ai du faire remonter avant de le sortir le clip. Voilà pourquoi après j’ai décidé de prendre en main toute la direction artistique de mon projet et le bleu est arrivé tout naturellement (j’avais une obsession pour ce bleu presque royal depuis ma tendre jeunesse). J’ai compris à ce moment qu’une artiste complète devait veiller et comprendre chaque aspect de son art pour qu’il puisse communiquer directement sans passer par des clichés.
Anecdote un peu barrée : elle a été ma première chanson composée lors de l’achat de mon premier synthé où je découvrais une boucle de Glockenspiel qui m’a fait replonger dans de la chanson française simple et mielleuse... et pour sortir de cette douceur j’ai décidé d’en mettre toutes les paroles poétiquement crues de quelqu’un à bout de force qui se désillusionne et se met à agir. Une lettre ouverte à nous-mêmes, en miroir, ou à nos proches quand ils ne vont pas et qu’ils ont besoin de nous pour les motiver à continuer! Un besoin de transformer un message personnel en quelque chose de beau qui pourrait parler à tout le monde dans ce genre de situation où on ne sait plus trop quoi faire, et on doit pourtant trouver la force de rebondir et de s’aimer.

4. " Les rues de Bruxelles "
Chanson en français entre Jacqueline Taieb et Adrienne Pauly, en mode Cabaret dans l’intro que l’on imaginerait burlesque. Le côté scénette de Jeanne Cherhal par quelques moments. En filigrane les Belges connus comme BREL, DICK ANNEGARN ou même STROMAE semblent s’être donnés rendez-vous dans cette chanson en mode " visite guidée de la ville ". Tu nous sers de guide ?

Alors bienvenue dans Bruxelles " lève son chapeau "... regardez par ici, il y a beaucoup de gens qui travaillent dans certaines rues sales et pas sages, regardez par là, il y a de quoi boire et oublier les tracas, écoutez bien : « Ici on rit de tout, et du coup on surmonte tout en riant »! Allons danser, allons regarder... si tu te sens seul, sache qu’au coin de la rue tu trouveras peut-être une personne avec qui t’émerveiller de la vie! Ville surréaliste ou Cabaret vivant, Bruxelles amène à se perdre dedans, quand on connait les bons coins. Et pourtant, on ne la voit plus briller de sa prestance d’antan : eh bien elle est dans ce qu’il reste de gens. Un peu kitsh mais sacrément underground, c’est une intelligence émotionnelle de situation. Un rire bleu quand l’auto-dérision nous sauve de devoir avoir raison !
TATATAAAAAAAAAAA " s’enfouit en courant ".

5. " To the forest "
Alors cette chanson nous a téléporté dans un nouvel univers. Un retour à l’univers de la deuxième piste doté à NORAH JONES… tu es étonnante.

Tu es étonnant aussi ! Pour tous les liens que tu fais ! C’est vrai qu’on part sur autre chose, quelque chose qui fait partie de mon bagage musical autant que de mon expérience dans la solitude : la soul. Un ode presque mystique à ce qui fait de nous des sauvages plein de douceur. La forêt, j’y ai habité des années... au milieu d’un espace presque sauvage où je me suis régénérée, renforcée et guérie de mes plaies passées : la nature nous permet d’aller vers l’essentiel, la survie et l’instinct... au lieu de ressentir trop d’émotionnel. La solitude aussi, c’est la plus grande épreuve. D’accepter qu’on existe pour personne, qu’on est pas plus important que tout ce qui nous entoure, car du coup on comprend mieux comment aller vers l’essentiel de ce qu’on peut donner et être. On va à l’essentiel car sinon la vie n’a pas de sens. Me balader au milieu de la nuit me permettait d’avoir un pied vers le contact viscéral du fond de l’humain, et revenir vers la ville d’en trouver les bons mots pour en parler, et surtout comprendre ce qu’on peut apporter. Il m’arrivait de sortir au milieu de la nuit au milieu des arbres et de ressentir tous ces sentiments terrifiants de ce à quoi nous tenons comme espèce. Et c’est avant-tout par cette flore que nous respirons d’exister, d’où ce titre plus doux et en même temps porteur de métamorphose. Au milieu je rentre en transe pour me transformer en esprit de la forêt, car finalement ce que nous ressentons au-delà du cortex comme humain est ce qui est le plus ancré de notre espèce. Aussi un ode à la forêt que nous devrions plus qu’urgemment protéger, chérir et la laisser vivre avant que notre notre espèce n’en succombera. Nous nous servons trop...
" Ce qui pousse sans nous " a plus d’un tours dans son sac, c’est pour ça que se plier à sa force nous permet d’aussi mieux découvrir nos limites et respecter les siennes. Préserver et aimer... ce qui nous nourrit et nous inspire. Les changements climatiques sont de gros problèmes dont on ne fait pas assez attention, il faudrait moins de commerciaux et plus de chercheurs en écologie. Sortir des profits des grandes firmes pour vraiment faire du vert, et consommer intelligemment c’est déjà faire un acte politique. Aussi je suis en plein montage du clip tournés dans les arbres. Je ne vous en dit pas plus, c’est pour Juin !

B-Astre

Merci pour cette visite guidée car la première écoute déconcertante nous donne tout de même envie d’aller chercher du " encore " comme une vitrine Haribo où nous pouvons à souhait aller chercher de la douceur ou de l’acidité. Comment as-tu construit le track-list ?
Eh bien, on rentre avec un morceau qui amène à la transe, un peu comme si on rentrait dans une arène, pour aller vers une confession intime. On se retrouve à un bar à repenser à nos amours passés, à danser, pour après errer dans les rues à la recherche de nouvelles expériences. On finit par retourner aux sources à la Forêt, et s’harmoniser dans un décor vert et rêveur. Un voyage sur quelques planètes qui nous fait faire une boucle sur des moments de notre existence qui sont intimement liés.

Comment vois-tu la suite pour les concerts, tous les artistes nous disent que la sortie d’un disque en confinement mêle joie de cet achèvement mais frustration de ne pas le défendre en live. C’est également ton cas.
J’ai un merveilleux honneur d’avoir été fort suivie lors de mes lives " Astral Cabaret " tous les samedis sur ma page facebook... je ne me suis donc pas sentie trop déconnectée de mes astres. Par contre, la réalité de la rencontre, les yeux dans les yeux... oui ça nous manque. Et je partagerai en vrai l’univers de ces chansons dès que le rideau de fer qui nous rallie se lèvera, et espérons que nous construirons à ce moment un meilleur avenir avec ce que nous avons appris. La rencontre en sera encore plus forte... car l’art est une sublimation qui se partage. Une communion qui rend possible des idées et des sentiments qui sont les poussières d’étoiles de demain.

Cette devise que nous retrouvons dans ton album, elle intrigue car en latin. Que veut-elle dire ?
Per Astra ad Astra : par les astres vers les astres.
C’est une devise qui rôdait dans ma tête sans savoir pourquoi et en cherchant sur internet, il y avait pas mal de devises assez similaires qui trainaient. Mais je sentais que nous venions des astres ici, pour y retourner comme un boomerang. J’ai donc décidé d’en faire ma personnelle. Et puis par hasard, après l’avoir empruntée, je tombe des nues sur un très vieil écusson de mes racines lointaines : c’était la même.Parfois on ne cherche pas à expliquer les coïncidences, ça prouve qu’on est sur le bon chemin. Je ne pose pas plus de question, ça vient des tripes.
" sourire ".

B-Astre

Et je termine toujours avec la question que je n’ai pas posée et à laquelle tu aurais aimé répondre (question et réponse)
Est-ce que le monde deviendra meilleur ?
Sinon nous nous envolons vers les étoiles et le regardons avec distance, on trouvera comme le rendre meilleur j’en suis sure. Sois ta propre étoile, tu peux déjà changer l’univers qui t’entoure.

Merci pour cette interview et cette visite de ton univers qui est difficile de prime abord à domestiquer.
" Révérence ".
Merci à toi de t’y être aventuré, merci à vous de m’avoir suivie de tout mon coeur! Merci de toutes ces merveilleuses photos et interviews que tu fais avec passion, car tu brilles par ce que tu nous offres en voyageant autant. Dans chaque personne il y a des richesses et des complexités pour les autres, mais au fond on est simplement on ne fait que vivre et la vie est REMPLIE de choses mystérieuses.

Un dernier mot ?
" Vous embrasse virtuellement de toutes mes forces ".
L’EP est disponible dédicacé sur B-Astre.com et vous pouvez même nous soutenir sur Tipee. Et j’espère très vite t’emmener en voyage et surtout te rencontrez en chair et en coeur, aussi brillant que tu es! Toi, qui partage ce bout de lecture avec nous.