THE JESUS LIZARD + DARIA
Paris le 17/05/25
(L'Elysée Montmartre)




Ce 17 mai 2025, l’Élysée Montmartre affiche complet pour accueillir THE JESUS LIZARD, formation mythique du noise rock américain. Et c’est DARIA, pilier de la scène indie rock angevine, qui a l’honneur d’ouvrir la soirée. Une première partie prestigieuse, en forme de reconnaissance méritée pour un groupe au parcours dense, marqué par un amour viscéral du rock tendu, mélodique, habité.
Le public, parmi lequel on croise Anton d’ETERNAL YOUTH, Guillaume Circus & Ted les copains du W-fenec ou encore Frank Frejnik (Punk Rawk Magazine), ne se trompe pas, il est au rendez-vous et même si la salle n’est pas encore pleine, elle se remplit peu à peu.
Le débrief des réseaux sociaux post concert indiquera la présence de Riad Sattouf également au concert… du beau monde sur scène et dans la fosse pour un concert qui semble immanquable.

Les lumières s’éteignent sur une salle déjà bien garnie. Peu de photographes dans le pit ce soir, il faut dire que l’offre est pléthorique à Paris : THE MURDER CAPITAL, PIGS PIGS PIGS PIGS PIGS PIGS PIGS, SUN & MARTINE à la Boule Noire… mais ceux qui ont choisi l’Élysée ont vu juste (et les échanges parlent plus de " c’est la dernière fois qu’on pourra les voir " qu’un sur classement musical des JESUS LIZARD, les autres groupes affichant moins d’année aux compteurs).
DARIA, quatuor, monte sur scène avec sobriété et assurance avec cette nouvelle formation. Pierre-Yves Sourice dernier arrivé mais pas né de la dernière pluie, ex-LES THUGS et LANE, s’avance calmement derrière sa basse ; avec Étienne, Camille et Arnaud, il forme un line-up soudé, fort de plusieurs années de maturation, et surtout, d’un cinquième album acclamé : " Fall Not ".
Le set s’ouvre sur " Water & Sand ", morceau charnière qui avait marqué leur retour fin 2022. La tension est immédiate, les guitares cinglantes s’enroulent autour d’un chant à la fois contenu et bouleversant. La rythmique ne faiblira pas une seule seconde. DARIA montre les crocs, tout en gardant cette finesse mélodique qui le distingue de tant d'autres groupes de power pop rugueuse.
Vient ensuite " The Last Page ", qui enchaîne avec une urgence maîtrisée. Le public, d’abord observateur, entre progressivement dans l’univers du groupe. " Deafening Times " confirme cette montée en puissance : entre clair-obscur émotionnel et refrains martelés, DARIA avance sur une ligne de crête entre tension et envol.
Mais c’est " Citrus Paradisi ", titre d’ouverture de " Fall Not ", qui donne une claque salutaire. Couleur de fin d’été, évoquée par Camille dans les interviews, mélancolie chatoyante, harmoniques en suspension… tout est là. La salle est maintenant conquise, sensible à cette poésie rock aux racines profondes, entre Amérique post-hardcore et élégance européenne.
Plus loin, " Cognac " et " A Quiet Anarchy " (issu de l’album " Impossible colours ") installent des climats plus sombres, plus complexes aussi. DARIA s’affranchit ici de ses anciens formats : les morceaux s’étirent, respirent, explorent, sans jamais perdre en intensité. On pense à FUGAZI, JAWBOX, mais aussi au BOB MOULD solo des années 90. Pas une once de nostalgie pourtant : tout est joué avec une fraîcheur brute, vivante, sincère.
Le set se termine avec " Fictions ", apogée mélodique et lyrique d’un concert sans faute. Les applaudissements nourris témoignent d’un public conquis, surpris peut-être, mais surtout ému. Mission accomplie pour DARIA, qui aura prouvé ce soir, face à un auditoire exigeant, que sa place sur la scène actuelle est pleinement légitime.
30 minutes de show, pas une de plus. C’est le temps que les Américains ont laissé aux Angevins. 30 minutes de bonheur pour le groupe et pour la salle.
À l’image de leur dernier disque, cette prestation dégage à la fois maturité et feu sacré. On en sort avec la conviction d’avoir vu un groupe qui, loin de simplement exister en première partie, a su imposer sa propre voix. De retour avec les amis, pendant le changement de plateau, on s’étonne que ce groupe soit tellement sous-estimé.

Set-list :
1. Water & Sand
2. The Last Page
3. Deafening Times
4. Citrus Paradisi
5. Cognac
6. A Quiet Anarchy
7. Fictions



La fosse est moite d'impatience, les corps s'agglutinent devant les crash barrières, les regards fixent la scène avec cette tension qu'on ne simule pas. Il faut dire que DARIA a parfaitement assuré l'ouverture : des riffs tranchants, une intensité sincère et une belle générosité scénique ont suffi à faire grimper la température. Quand les lumières s'éteignent pour de bon, ce n'est pas un soulagement, c'est un appel. THE JESUS LIZARD entre en scène comme une tempête qu'on aurait enfermée trop longtemps.
David Yow, le torse nu sous une chemise grande ouverte, ne perd pas une seconde. Dès les premiers accords de " Puss ", il se jette littéralement dans la foule. Premier slam, première ruade. En moins de 20 secondes, il est porté à bout de bras jusqu'à la moitié de la salle. C'est un uppercut. Pas de préliminaires, pas de discours, juste cette urgence brute qui a fait la légende du groupe. THE JESUS LIZARD version 2025 n'est pas un revival : c'est une attaque. Je lâche un " putain, le mec à 64 balais et il est plus frais que moi… ".
Sur scène, Duane Denison balance ses riffs déstructurés avec une précision chirurgicale. Guitare haute, posture rigide, regard perçant : il est l'antithèse visuelle de Yow, mais leur interaction reste magique (il nous confiera d’ailleurs que son calme n’est qu’intérieur et qu’il ne faut pas se fier aux apparences). J’aurais, sans avoir échangé avec lui, presque l’impression de retrouver un de mes clients… David Wm. Sims à la basse et Mac McNeilly à la batterie forment une section rythmique qui cogne, compacte et sans merci. Leur groove est sale, rampant, mais toujours contrôlé. On sent les années de route, l'usure, la fatigue peut-être, mais surtout cette rage inaltérée qui sourd à chaque coup de caisse claire.
" Mouth Breather ", " Boilermaker ", " Nub ", " Then Comes Dudley " : les classiques s'enchaînent sans pause, comme si le groupe cherchait à écraser toute tentative de distance. David Yow arrangue la foule avec un " FUCK TRUMP ! " qu’il fait répéter à plusieurs reprises comme un chef d’orchestre qui aurait envouté le public. Mais l'énergie est aussi nourrie par des titres plus récents, tirés de leur album " Rack " sorti en 2024. Sur " Alexis Feels Sick ", David Yow lâche une dédicace vibrante à Alexis, chanteur de BOYS AGAINST GIRLS. Le public réagit au quart de tour, et Yow replonge dans le public pour un nouveau slam, cette fois sur " Seasick ".
Il faut le dire : le JESUS LIZARD, en concert, ce n'est pas une performance. C'est une expulsion. Yow ne chante pas : il grogne, hurle, scande, invective. Il dérange et il crache. Et c'est bien pour ça que le public est venu. Un moment suspendu survient au milieu du set : un morceau lent, tendu, presque calme. Le chanteur s’assied sur un tabouret, le regard dans le vide, comme si la tempête devait s'arrêter quelques instants pour respirer. La salle, même ivre de sueur et de bruit, se tait. Après ce morceau qui relâche un temps la pression, le groupe repart encore plus fort juste après.
En tant que photographe, les trois premiers morceaux sont un défi total. La lumière est crue, mouvante, imprévisible. Yow n'est jamais au même endroit deux secondes d'affilée, et souvent pas sur scène. Mais passé ce délai, la scène devient un terrain de chasse libre. Direction la mezzanine, pour capturer les mouvements d'ensemble, les fulgurances collectives. Vue d'en haut, l'Élysée Montmartre devient un maelstrom. Le public ondule, se pousse, s'élève. La scène, elle, semble parfois presque trop petite pour contenir cette folie. Il se moque du public français " c’est vous qui avez inventé la danse ! " tout en mimant des ailes de poulet (ou la danse des canards ?) et en sautant partout. La fin du set arrive sans crier gare, après un " Gladiator " dévastateur, suivi de " Wheelchair Epidemic " en rappel, le tout craché avec une intensité époustouflante. Pas de long discours, juste " merci Paris ". Là où plus tôt dans le concert, il avait remercié en espagnol et allemand, il nous remercie en français. Juste un bras levé, un crachat à terre, et la lumière qui revient. C'est sec, brutal, honnête.
Ce soir, THE JESUS LIZARD n'a pas joué la nostalgie. Ils ont réaffirmé leur identité, leur capacité à choquer, à secouer, à faire mal. Trente ans après leurs débuts, ils restent l'un des rares groupes capables de déclencher une telle fureur, une telle communion, sans jamais flatter. Une leçon de chaos. Une messe noire où l'on vient se perdre pour mieux se retrouver. Un concert comme on n'en voit plus. Et qu'on n'oubliera pas de sitôt. Moi qui pensais avoir choisi ce concert car JESUS LIZARD ne reviendrait pas de sitôt… et bien on dirait un groupe d’ado près à nous en mettre plein la gueule pendant encore 30 ans.

Set-list :
1. Puss
2. Grind
3. Mouth breather
4. Boilermaker
5. Nub
6. Hide & seek
7. Then comes Dudley
8. Falling down
9. Gladiator
10. What if
11. Thumbscrews
12. Alexis Feels sick
13. Blue snot
14. Seasick
15. Monkey trick
Encore 1 :
16. Thumper
17. Fly on the wall
18. Moto(R)
19. Armistice day
20. Wheelchait epidemic
Encore 2 :
21. If you had lips
22. Cost of living
23. Bloody mary



Merci à Lauren, Rosie de Rarely Unable, Ted de W-Fenec pour l’orga ainsi qu à Doudou de Radical Prod et DARIA pour leur disponibilité.


(Review et photos réalisées par Djaycee)

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