MCLUSKY + GATECHEN
Paris le 06/10/25
(Le Petit Bain)




Encore une fois, je me suis laissé embarquer par Ted et Circus du W-Fenec. Me voilà au Petit Bain, ce bateau de métal et de lumière amarré face à la BNF, un lundi soir qui ne promettait rien et qui va pourtant laisser des traces. Avant même d’entrer dans la salle, petit shooting improvisé avec les Anglais : Falkous, Sayell, Egglestone. Le ton est très détendu, presque amical. Trois types polis, légèrement ironiques, qui donnent l’impression que si on avait 3 heures à tuer ensemble on referait le monde avec quelques grammes dans le sang.

C’est GATECHIEN qui ouvre la soirée, et dès les premières secondes, on comprend que la péniche va trembler. Deux silhouettes, une basse, Laurent Paradot, une batterie, Florian Belaud, rien d’autre. Pas de guitare, pas de clavier, pas d’échappatoire. La basse rugit, la batterie tonne, et le son devient presque physique, une matière dense qui se plaque contre les murs du Petit Bain. Le duo attaque avec " Rue Basse Champion ", morceau d’ouverture qui met tout de suite le public au diapason : un riff lourd et obstiné, un tempo qui serpente, et cette sensation de puissance contenue prête à exploser.
" Papa Belaud " suit dans la foulée, à la frontière entre le groove sale et le chaos maîtrisé. La basse bourdonne comme un moteur au ralenti, la batterie martèle à coups secs, et le duo, concentré, avance sans un mot. On ne sait jamais s’ils jouent ensemble ou s’affrontent, mais leur alchimie est évidente. Avec " Bigonio ", l’ambiance devient plus tendue encore : le public commence à bouger, quelques têtes oscillent, les corps se laissent happer par cette transe métronomique.
Puis vient " Quick & Flupke ", clin d’œil malicieux qui tranche avec la gravité du son. Les titres, comme souvent chez GATECHIEN, ne répondent à aucune logique, sinon celle du plaisir absurde. " Belaradot " pousse la saturation à son paroxysme : les graves vibrent dans la poitrine, les cymbales cisaillent l’air, et je me surprends à ajuster mes réglages pour éviter que la lentille n’explose. Le gobelet dessiné sur la setlist n’était pas là pour rien : " Right It " décolle la salle, avec un groove plus sec, presque punk-funk, et un humour discret derrière la fureur.
La suite du set est un crescendo hypnotique. " Faux Départ " s’amuse à tromper le public, s’interrompt, redémarre, puis s’effondre dans un riff monumental. " 5 à 7 " s’étire en boucle hypnotique. Sur " Morrissey ", Laurent avoue que plus jeune il aurait voulu chanter comme lui, tandis que " Fouloir " revient à l’essence du duo : sueur, précision et sauvagerie. Le son, massif, reste lisible, et le public finit par suivre chaque rupture, chaque montée, chaque cri. Quelqu’un lance un " GATECHIEN forever ! " et Laurent de répondre " ah ça… on n’est pas éternel, on planque déjà la calvitie avec une casquette et celle-là je suis obligé de m’assoir car je ne peux plus la jouer debout ".
Le final, dantesque, se joue sur " Affûté comme un Bilboquet ", " Pompignac " et " Beugnage ", trois morceaux qui semblent taillés pour une guerre sonore. Laurent ressort un vieux déo d’époque pour faire glisser sur ses cordes. C’est lourd, grinçant, drôle malgré soi. La basse claque, la batterie cogne, et la salle tangue littéralement. Les spectateurs, mi-assommés mi-fascinés, finissent par applaudir comme à la fin d’un round de boxe. Deux types, une heure, pas une seconde de relâche : GATECHIEN n’a pas ouvert la soirée, ils l’ont dynamitée.
Et moi, dans un coin, j’essuie déjà ma lentille d’appareil photo. Le son résonne encore quand les techniciens terminent de ranger les câbles. Le calme apparent de la salle avec les gens qui vont au bar. C’est la tournée de Circus et nous voilà dans un calme précaire. Parce que dans vingt minutes, les Gallois de MCLUSKY vont transformer la cale en champ de bataille.

Set-list :
1. Rue Basse Champion
2. Papa Belaud
3. Bigonio
4. Quick & Flupke
5. Belaradot
6. Right It
7. Faux Départ
8. 5 à 7
9. Morrissey
10. Fouloir
11. Affûté comme un Bilboquet
12. Pompignac
13. Beugnage




Les lumières s’éteignent, et MCLUSKY entre sur scène. Toujours la même scène minimale, les mêmes trognes : Andrew Falkous, casqué (littéralement, casque anti-bruit vissé sur la tête — condition sine qua non pour survivre à ses propres amplis), Jack Egglestone derrière les fûts avec son t-shirt HANSON floqué NIRVANA (parfait résumé du groupe), et Damien Sayell, bassiste colossal, mi-bison mi-poète, sourire carnassier.
" Lightsabre Cocksucking Blues " ouvre le bal. Rien de tel pour plonger la péniche dans un chaos immédiat. Les riffs tranchent, les amplis saturent, et la fosse se transforme en laboratoire d’instincts primaires. " Without MSG I Am Nothing ", " Collagen Rock ", puis " What We’ve Learned " : la mécanique est implacable, tendue, furieusement vivante.
Je me faufile sur le bord de la scène après les trois premiers morceaux, l’appareil encore chaud, et je découvre un autre angle : celui où Andrew balance ses lyrics comme des slogans, où chaque grimace devient une note, et où la basse de Sayell vibre jusque dans les tibias.
" Unpopular Parts of a Pig ", " You Should Be Ashamed, Seamus ", " Kafka-Esque Novelist Franz Kafka "…, les classiques défilent, abrasifs, hargneux, impeccables. Les lumières oscillent entre rouge et blanc, la sueur perle, et le public chante plus fort que les amplis. Entre deux titres, Falkous lâche quelques vannes sur le public français avec un sourire en coin.
Le set atteint son apogée quand Sayell, sans prévenir, descend dans la fosse. Il attrape une spectatrice, la soulève, et la porte pendant tout un morceau — en répétant “ this is a bad idea ” entre deux lignes de basse. Le colosse, hilare, finit ruisselant, mais debout. Un moment absurde et magnifique, à l’image du groupe : imprévisible, sincère, un peu suicidaire.
Puis vient " Alan Is a Cowboy Killer ", hurlé par tout le bateau, suivi de " The Battle of Los Angelsea " et de " People Person ", avant l’inédit " Computer ", joué pour la première fois à Paris. Contrairement aux dates précédentes, le groupe parvient à le terminer sans s’emmêler les pédales - un exploit que Falkous s’empresse de saluer d’un “ we actually made it!” . Le public en redemande. Falkous, pince-sans-rire, rétorque : “Y ou’ve had more than eighteen songs - what the hell else do you want? ”. Rires, cris, et encore quelques pogos avant le dernier morceau. " To Hell With Good Intentions " conclut le set dans un mur de son et de lumière. C’est court, violent, et parfait. Pas de rappel. Pas besoin.
En sortant, l’air frais de la Seine fait presque mal. Les visages sont rouges, les yeux brillent. MCLUSKY reste ce qu’ils ont toujours été : un chaos maîtrisé, une blague sérieuse, un uppercut sonique livré avec le sourire. Et quelque part, c’est exactement ce qu’il fallait pour un lundi soir à Paris.

Set-list :
1. Lightsabre Cocksucking Blues
2. Without MSG I Am Nothing
3. Collagen Rock
4. What We’ve Learned
5. Unpopular Parts of a Pig
6. You Should Be Ashamed, Seamus
7. Kafka-Esque Novelist Franz Kafka
8. Way of the Exploding Dickhead
9. She Will Only Bring You Happiness
10. Autofocus on the Prime Directive
11. Chases
12. Alan Is a Cowboy Killer
13. The Battle of Los Angelsea
14. People Person
15. Computer (nouveau titre)
16. Whoyouknow
17. To Hell With Good Intentions



Merci Lauren pour l’accred.
Merci à Ted et Circus pour la bonne soirée entre potes (et Circus pour la tournée retour de the Beths).


(Photos et review par Djaycee)

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