LE GROS TONNEAU 2025 Artonne le 02/05/25 (Stade d'Artonne) ![]() “ À deux, on voit plus large ” voire on voit double (tu n’échapperas pas aux métaphores autour de la viticulture et de l’alcool - ici c’est le gros tonneau). Ce live report du Gros Tonneau 2025 est un travail à quatre mains : Lionel, sur place, au plus près de la scène, derrière l’objectif et à l’écoute des artistes, et JC, resté " en régie " à distance, le cœur serré de ne pas avoir pu fouler les terres d’Artonne cette année encore... Tandis que Lionel shoote, échange, capte les regards et les sons à chaud, JC fouille, creuse les discographies, parcourt les réseaux sociaux pour faire résonner chaque set dans un contexte plus large et prépare des interviews " à chaud " dont certaines sont publiées avant même ce report. Ce binôme un peu schizophrène vous livre ici un panorama sincère et engagé d’une soirée marquée par une météo en clair-obscur - entre orages et éclaircies -, mais surtout par la générosité des groupes et un public de plus en plus bouillant à mesure que la soirée avance sous le chapiteau. C’est surtout la tête d’affiche de ce samedi, LOFOFORA, qui nous a motivés à faire le déplacement. Mais comme souvent dans les meilleures cuvées, ce ne sont pas toujours les crus les plus connus qui laissent la bouche en feu. Et ce que nous avons découvert avant les stars du soir mérite amplement que l'on s'y attarde… Alors que la veille avait été une réussite, nous voici pour le 2e jour sur site et à distance pour vous rendre compte au mieux de la folie de ce festival. UNHALLOWED EARTH : L’obscurité avant la tempête Le public est à peine installé dans la moiteur encore timide du Gros Tonneau que UNHALLOWED EARTH vient ouvrir la soirée à coups de brume sonore et de noirceur métaphysique. Formé à Portland, Oregon, ce trio blackened atmospheric sludge est composé de musiciens qu’on a déjà croisés dans des groupes aussi exigeants que TCHORNOBOG, ARMED FOR APOCALYPSE et GLASGHOTE. Autant dire que ce ne sont pas des amateurs. Le groupe se forme en 2020, à la sortie du projet post-metal SÓL, et s’oriente vers une fusion exigeante entre le sludge, le post-rock, le doom, le hardcore et le black metal, à la manière de formations comme AMENRA, CULT OF LUNA ou FALL OF EFRAFA. Et c’est exactement ce qu’ils livrent ce soir, avec une intensité glaçante. Le set s’ouvre avec " Unending Depths ", morceau d’introduction lent, hypnotique, où les guitares tissent une toile sonore spectrale, rythmée par une batterie sèche et métronomique. La voix, elle, surgit comme un cri existentiel, guttural mais contrôlé, presque noyé dans la masse sonore. Le public, d’abord interloqué, s’immobilise. Ce n’est pas une entrée en matière, c’est une immersion. « Torrents » apporte plus de rage dans les riffs, plus de cassures rythmiques. On y perçoit les accents hardcore du groupe, les racines sludge profondes, et un sens du crescendo émotionnel. C’est un morceau dense et instable, où chaque instrument semble prêt à déborder. L’ingé son fait un excellent travail, donnant toute sa place aux silences autant qu’aux coups de tonnerre. " Ascension " est le sommet du set. Morceau long, lent, mais jamais ennuyeux, c’est un voyage plus qu’un morceau. La guitare, saturée mais mélodique, évoque une désolation sublime, et les envolées post-rock percent à travers la boue sonore. L’immense tente est suspendue, hypnotisée. On pense à NEUROSIS, à YOB, à DEAFHEAVEN, mais aussi à cette capacité à construire un discours émotionnel à travers la saturation. Enfin, le set se conclut sur " Sown ", plus introspectif, presque cérémoniel. Peu de titres mais des titres qui font plus de 8 minutes, de quoi offrir un set de qualité. Leur premier album, attendu pour 2025, explorera un monde s'effondrant sous le poids de ses propres excès, et à en juger par ce set, la bande-son de l'effondrement sera aussi belle que brutale. UNHALLOWED EARTH n’est ni festif ni rassembleur, mais propose un voyage profond, intense, et nécessaire. Une entrée en matière inattendue, radicale, qui contraste avec la teneur plus punk du reste de la soirée, et qui restera comme un moment fort pour les amateurs de musique lente, sale et spirituelle. Set-list : 1. Unending Depths 2. Torrents 3. Ascension 4. Sown TWOMINUTESHATE : On ne savait pas vraiment à quoi s’attendre en voyant débarquer les Norvégiens de TWOMINUTESHATE dans le cadre bucolique du chapiteau d’Artonne, mais dès les premières notes, le doute n’était plus permis : ce concert allait décoiffer dans un style différent du groupe d’ouverture. C’est avec " Operator, Take Me Home " que le quatuor ouvre les hostilités, et le public, encore en train de finir sa bière ou son verre de vin se rue vers la scène, happé par un pop punk ultra efficace, nerveux mais jamais bourrin, où l’on perçoit aussi bien l’énergie des NOFX que la gouaille mélodique d’un BLINK-182 époque " Enema of the State ". Samantha Avril Miserée, guitare en bandoulière et look façon Gwen Stefani période Tragic Kingdom sous LSD, envoie ses lignes vocales avec une puissance qui évoque Beth Ditto... si cette dernière avait croisé une licorne en sueur dans une salle de répète d’Oslo. Sa voix se balade entre les aigus accrocheurs du ska punk et des passages plus abrasifs, toujours avec ce sourire espiègle qui dit " je vais foutre le feu à votre soirée ". Mention spéciale à Helene Christine Farstad Kunz à la basse, impeccable sur les chœurs et au groove implacable, entre deux pirouettes synchronisées avec le guitariste Øystein H. Gravdahl, lui aussi très à l’aise dans les embardées pop rock millimétrées. À l’arrière, Sondre L. Paulsen martèle ses fûts avec un jeu sec, rapide, précis : pas un battement de trop, mais de quoi réveiller tout le village. Dès le troisième morceau " It’s Not the Fall That Kills You, It’s the Humiliation ", un hit en puissance déjà culte chez eux, la fosse est conquise. Les refrains sont scandés, les pogos gentiment chaotiques, et sans connaitre les paroles, les ados du coin commence à initier un pogo. Et ceux qui tombent dans la fosse ne sont pas morts de la chute mais de l’humiliation… Dans " What Would Ana Montana Do? ", Samantha harangue la foule, se moque d’elle-même. On retrouve l’humour acide de South Park, le titre a trouvé certainement trouvé son inspiration dans le " what would Brian Boitano do ? " de la série. On se croirait presque à un bal punk burlesque où la sueur rime avec second degré. Le ton alterne entre mélodies sucrées et tension électrique, et les influences ska façon NO DOUBT pointent leur nez sur " We Don’t Need No Water ", que ne renierait pas la Gwen d’avant chirurgie. La set-list ne lâche jamais la bride : " 1312 ", " Getter Awayer ", puis le foutraque et jouissif " Kug Cock Blocked By Tights " laissent à peine le temps de respirer. Les textes – signés Samantha habillée en pantalon rose fluo qui tranche avec sa guitare turquoise – sont aussi incisifs qu’hilarants, mêlant colère adolescente, désillusions milléniales et références pop absurdes. Le final sur " Killing Me Softly With This Job ", sorte d’hymne générationnel pour tous les stagiaires exploités du monde, achève le public dans un mélange de rires et de headbangs. Une conclusion parfaite, à la fois drôle, amère et rageuse. TWOMINUTESHATE, avec leur EP " Calm On The Surface " (qui date déjà un peu vivement la suite) et leur réputation explosive, n’ont pas volé leur buzz. Leurs morceaux tapent juste, leur attitude est irrésistible et leur show est une vraie leçon de pop punk moderne : fun, tendu, sans gras. Oui, ce concert était bien trop fort, bien trop rapide, et pourtant on en aurait repris deux minutes de haine de plus. Alors, si vous entendez parler de ce groupe, ne tergiversez pas : courez-y. Pour l’anecdote la setlist que nous avons récupéré indique " Gros croissant " et non " Gros tonneau " interrogée après leur set, Samantha nous avoue que c’est certainement car elle les avait adorés à Paris et que c’est un lapsus car elle avait la dalle. Autre anecdote, un graph laissé par le groupe : " huska ta en runk u dag " que l’on vous laisse aller traduire mais qui dénote d’une sacrée philosophie de vie… Set-list : 1. Operator, take me home 2. Common ground 3. It’s not the fall that kills you, it’s the humiliation 4. Call that a Comeback 5. What would Ana Montana do? 6. We don’t need no Water 7. August 1st 8. 1312 9. Getter Awayer 10. Kug Cock Blocked By Tights 11. Killing me soflty with this job NECRODANCER : Du glitter punk à la nécromancie post-hardcore Après l'ouverture explosive et pailletée de TWOMINUTESHATE, l’ambiance vire au noir sans transition. Exit les licornes et les harmonies pop-punk, place à NECRODANCER, quatuor franco-belge blackened raw punk revenu d’entre les morts, littéralement. Le chanteur, silhouette massive arborant un t-shirt frappé du Love Symbol de Prince et un impressionnant tatouage de la Jane Doe de CONVERGE sur le tibia gauche, incarne à lui seul cette improbable fusion entre nécro, hardcore et groove. Un grand écart esthétique parfaitement assumé et exécuté scéniquement, jambes en angle droit, torse en avant, tout en éructant comme un possédé. La set-list est un rouleau compresseur de onze titres, avec les cinq morceaux de leur dernier EP " Acts of Chaos Require Halberds and Late Night Sandwiches " - des hallebardes et des sandwichs donc… -balancés dans le désordre et avec un appétit de morts-vivants : " The Romantic " fait figure de mise en jambes : un titre court, sec et nerveux. Puis viennent les incantations de " The Ritual ", les explosions de " The Hero " et de " The Wizard ", jusqu’à " The End ", long et pesant comme une procession funéraire sous LSD. Le reste du set pioche dans " Void " (2017), leur premier album, avec les redoutables " The Turning ", " The Hunter ", " The Crusade " ou encore l'énorme " The Inquisition ", toujours habités de cette énergie brute et groovy. Une sorte de hardcore punk crasseux mais dansant, qui donne envie de tout casser… en rythme. NECRODANCER impressionne par sa maîtrise du chaos, son sens de la scène et son chant hurlé mais articulé, soutenu par une rythmique infernale. Les riffs claquent, la batterie pulse, et le public, surpris puis conquis, se met à osciller entre pogos et secousses tribales. Oui, le nom NECRODANCER est parfaitement choisi : sombre, agressif, mais irrésistiblement dansant. Un concert qu’on sentait dans les tripes autant que dans les cuisses, et une claque qui donne envie de plonger à nouveau dans leurs actes de chaos… quitte à y laisser quelques os. Set-list : 1. The Turning 2. The Hunter 3. The Ritual 4. The Wizzard 5. The End 6. The Hero 7. The Crusade 8. The Romantic 9. The Divide 10. The Inquisition 11. The Battle field KRANG : Des tortues ninja, des riffs et du fun à 200 à l'heure Troisième groupe de la soirée et changement total d’univers après la noirceur dansante de NECRODANCER. Place à la lumière punk, à la sueur festive et aux clins d’œil rétro : voici KRANG, le quatuor venu tout droit de République tchèque, armé de ses guitares supersoniques et de références à la pop culture des années 80-90 ! Oui, le nom vient bien du méchant de Teenage Mutant Ninja Turtles, et non, ils ne plaisantent pas avec les mélodies qui collent au cerveau. D’ailleurs le fameux " Krang " le méchant cerveau est représenté sur le back drop et sur la grosse caisse qui est également ornée de deux space invaders. Le ton est donné. Dès l’ouverture sur " Make Arcade Great Again ", - VOILA ! nous avons notre MAGA à nous, pas celui de Trump - le chapiteau a compris que ça allait aller vite, taper fort, et ne jamais vraiment redescendre. Leur punk mélodique, truffé de refrains scandés à deux voix et de breaks irrésistibles, évoque autant la Californie des années 90 que les couloirs d’une vieille salle d’arcade où on jouerait à Mortal Kombat en sirotant un soda tiède. Leur dernier album " Listens To Krang Once " sorti en 2024 chez SBÄM Records a été bien représenté, mais le groupe a aussi pioché avec bonheur dans ses précédents opus, notamment " Make Arcade Great Again " (2021), " Singalong " (2018), et même le tout premier " Baddest Brain " (2015). Des titres comme " I Wanna Be Hellboy ", " Rory Gilmore " qui parle de la série Gilmore Girls, ou encore " Tintin " ont fait mouche auprès d’un public conquis, autant par les mélodies que par les références pop culture. Oui, Rory Gilmore a eu son moment de gloire dans un pogo. Un des membres porte un t-shirt des RABIES, un autre groupe de République tchèque qu’il faut peut-être aller découvrir… Mention spéciale pour " Cowabunga ", hurlé comme un mantra par la foule, et pour " Lions of Kurdistan ", qui a montré que le groupe sait aussi se faire plus sérieux quand il le faut. L’ultime " Homeless Man ", en rappel, a été accueilli comme un hymne. Générosité, sueur et esprit punk au rendez-vous. Et tant pis pour la chanson que les Zombie qui était en fin de setlist, pas le temps… KRANG ne révolutionne pas le punk, mais il le célèbre avec une joie communicative et un second degré bien dosé. Ce soir, ils ont été plus que de simples visiteurs : ils ont mis Artonne sur pause, appuyé sur start, et lancé la partie avec un combo gagnant. Game over, mais à refaire très vite. Le public a rapidement été conquis par leur double chant incisif, leur complicité scénique et une générosité sans calcul. En attendant la set-list complète, une chose est sûre : KRANG a livré une performance explosive, fun et maîtrisée, digne des meilleures heures de Punk Rock Holiday ou de leurs shows avec THE OFFSPRING et ZEBRAHEAD. Set-list : 1. Make Arcade Great Again 2. Melt All the Guns 3. I Wanna Be Hellboy 4. Rory Gilmore 5. Food song 6. Cocktail freedom 7. Bird is going down 8. 1968 9. Tintin 10. Cowabunga 11. Brand new leader 12. Life is like Mortal kombat 13. Time is ticking 14. Millenial song 15. Lions of Kurdistan Rappel : 16. Homeless Man P.O.BOX : Le brass band de la résistance nancéienne fait vibrer Artonne Après la grosse déflagration punk hardcore des Tchèques de KRANG, le changement d’ambiance est à la fois radical et naturel. Car si les BPM ralentissent, la tension et l’intensité restent au sommet lorsque P.O.BOX investit la scène sous le chapiteau. Le combo nancéien, fort de plus de vingt ans de tournées mondiales, de concerts survoltés et d’engagements intacts, arrive en terrain conquis... et va pourtant tout donner comme s’il fallait encore faire ses preuves. Ils sont sept sur scène : Seb au chant (toujours aussi affûté et habité), Jay à la guitare, Ju à la basse, Nico derrière les fûts, et surtout la double attaque cuivrée Yul à la trompette et Jo au trombone, véritables moteurs mélodiques de cette mécanique de précision. Le set s’ouvre sur l’intro aux faux airs de générique télé détraqué de " 59’99’’ ", comme pour poser tout de suite le ton : P.O.BOX n’est pas là pour faire du ska festif au rabais, mais bien pour lancer des uppercuts politiques emballés dans une esthétique cuivrée et bondissante. Le groupe enchaîne avec " We, The People ", puis " Safe or Sorry ", hymne de leur dernier album " spaceavailable ", porté par une rythmique précise et un texte qui encourage la prise de risque, le refus du confort anesthésiant ; " So you went for so called safety / When what I wanted was to get lost and to stroll / I definitely liked it better when the crowd was its own show ". Ce disque, né pendant la pandémie, résonne d’autant plus fort en live : les paroles prennent corps, s’incarnent dans les regards échangés entre musiciens et public. La connexion est immédiate, et elle ne faiblira pas du concert. P.O.BOX, c’est un son, mais c’est surtout une posture : autonome, anti-autoritaire, profondément humaine. Le public adhère, saute, danse, scande. Des titres comme " Mesmerize The Masses ", " Skinocracy " ou " We Rise Up And We Say No " se chargent d’appuyer là où ça fait mal, tout en donnant de l’élan pour se relever. " Dear ", peut-être le morceau le plus poignant du set, pose une atmosphère suspendue avant de repartir de plus belle avec " Ouroboros " et " Dancing In Your Shoes ", plus légers dans l’approche mais toujours puissamment fédérateurs. Le moment fort du set ? Difficile à dire, mais la reprise de " Santeria " de SUBLIME emporte tout sur son passage avec ses cuivres " inédits ". Clin d’œil aux racines du ska-punk californien, elle est réinterprétée avec délicatesse, comme un hommage sincère à ce pan de l’histoire qui irrigue leur propre parcours. La fin du concert monte encore en intensité : " The Legacy Of The Lie ", " So Milgram Knew It ", " Skali ", " Iraq ", " Divide And Rule "... autant de brûlots critiques, précis, qui démontrent que P.O.BOX n’est pas là pour enfiler les tubes ska comme des perles, mais pour proposer un véritable discours, une vision du monde, sans jamais oublier l’énergie live. Et puis vient " Look What You Have Done ", cri de colère lucide et puissant, qui clôture ce moment avec rage et dignité. Ce soir, P.O.BOX n’a pas simplement assuré un show, ils ont bâti une agora mobile dans le fracas des cuivres et l’éclat des guitares. Ils rappellent que le punk peut encore être politique sans être moralisateur, dansant sans être superficiel, et festif sans oublier l’essentiel. Un des grands moments du week-end, sans conteste. Et une démonstration que le ska-punk engagé a encore de l’avenir, tant qu’il est porté avec une telle sincérité. Set-list : 1. 59'99'' 2. We, The People 3. Safe or Sorry 4. Mesmerize The Masses 5. Skinocracy 6. We Rise Up And We Say No 7. Dear 8. Ouroboros 9. Dancing In Your Shoes 10. Santeria (sublime cover) 11. The Legacy Of The Lie 12. So Milgram Knew It 13. Skali 14. Iraq 15. Divide And Rule 16. Look What You Have Done THE MEFFS : La claque punk made in Essex C’est devant un Gros Tonneau déjà bien rempli que THE MEFFS montent sur scène. Le duo originaire d’Essex ne paie pas de mine au premier regard, mais dès les premières secondes de " Stamp It Out ", on comprend que ce n’est pas ce soir qu’on va se reposer les oreilles. Loud. Brash. British. Punk. Le vrai, celui qui rentre dans le lard sans demander la permission. Portés par une batterie ultra carrée et une guitare enragée, les deux musiciens envoient un set sec, nerveux, sans fioriture, à base de slogans percutants, de riffs bien gras et d’une rage sincère. Les morceaux sont courts, directs, à la manière des CLASH ou de CRASS, et résonnent comme autant de cris du cœur contre les injustices sociales, le patriarcat, le capitalisme et l’ennui. Au programme : des titres de leur album produit par Frank Turner, " What a Life " comme " Deathwish ", " No ", ou " Stand Up, Speak Out " mais aussi " Broken Britain, Broken Brains ", en écho à un Royaume-Uni toujours aussi fracturé, et " Budget Luxury ", brûlot contre l’absurdité de la société de consommation. Mention spéciale pour leur reprise complètement déchaînée de " Breathe " de THE PRODIGY, qui fait exploser la fosse. Quelques morceaux plus tard, un pogo se forme spontanément. Punk is not dead, il transpire. Le public est chauffé à blanc, plusieurs générations de punks mêlées dans la sueur et les cris, entre vieux briscards qui n’ont rien perdu de leur fougue et jeunes en Doc Martens qui découvrent le frisson brut du live sans filtre. THE MEFFS tapent dans le mille. On sent l’envie de changer le monde, même avec trois accords et une pédale fuzz. Ils ne réinventent pas le genre, mais ils le perpétuent avec une honnêteté farouche, et c’est exactement ce dont on a besoin. En 2025, à l’heure où les dérives autoritaires, les injustices économiques et les fake news gangrènent le monde, THE MEFFS rappellent que le punk n’est pas juste une esthétique, mais un acte politique. Quand retombe la dernière note de " BUDGET LUXURY ", le chapiteau est en feu. Les corps sont en sueur, les visages éreintés, les cœurs révoltés. Et ce n’est que la première partie. De passage au stand, de merch Lionel arrivera à sortir LA PHOTO qu’ils posteront le lendemain pour parler de la date (dans le portfolio avec celles de Sophie que nous saluons ici). Le commentaire sous le post : " On a ramené le temps britannique avec nous, et on assume entièrement ! " C’est effectivement le tonnerre qui grondait sous la tente à Artonne quand ces deux-là sont passés sur scène. Set-list : 1. Stamp It Out 2. No 3. Deathwish 4. Breathe (Prodigy Cover) 5. Only Human 6. Wasted On Women 7. Stand Up, Speak Out 8. Think Big 9. Everything's Gone 10. Fight 11. No Future 12. So Modern 13. Clowns 14. Broken Britain, Broken Brains 15. Budget Luxury LOFOFORA : Le Gros Tonneau affichait une foule assez dense ce soir pour un running order haut en intensité. Si l'on pouvait s'attendre à une soirée punk au sens large, ce sont pourtant les vétérans de LOFOFORA, têtes d'affiche de l'événement, qui se sont révélés… Paradoxalement les moins punk dans la forme même si le dernier album revient aux racines punk du groupe, mais les plus radicaux dans le fond. Avant eux, THE MEFFS, duo anglais en pleine ascension, avait déjà chauffé le chapiteau avec leur verve furieuse et urgente, distillant un punk garage sans fioritures qui aurait pu faire croire qu'on atteignait le sommet de l'insolence. Mais c'était sans compter sur ce que LOFO allait déclencher. La grosse caisse est simple. Noire et en lettres blanches : LOFOFORA. Le backdrop lui est rouge sang et reprend l’artwork du disque. Sobre et efficace, car chez LOFOFORA, tout passe par l’attitude, l’énergie brute, la sincérité. Pas bes in de grands artifices quand le discours est tranchant et la musique frontale. Ils arrivent, tels qu’on les connaît. Reuno débarque en T-shirt rayé noir et blanc qui rappelle celui qu’il porte dans le clip " Konstat 2024 ", bermuda et chaussettes montantes, silhouette toujours aussi reconnaissable, regard incandescent. En quelques secondes, " Apocalypse ", extrait de " Cœur de cible " (2024), donne le ton : engagé, colérique, viscéral. Derrière lui, la machine LOFO tourne à plein régime, Phil Curty, stoïque mais impérieux à la basse, pose des fondations épaisses et vrombissantes. Daniel arborant sont légendaire t-shirt Anarchy, concentré et incisif, tricote les riffs avec précision, alternant urgence punk et lourdeur métal et Vincent, derrière la batterie, martèle avec une rigueur implacable, sa frappe conférant au tout une dynamique qui frôle parfois le hardcore. Dès les premières notes, la fosse explose. Pogos, cris, sueur : le chapiteau vibre comme un seul corps. Reuno, fidèle à lui-même, harangue la foule sans en faire trop. Ce soir, il est moins bavard qu’à l’accoutumée, mais chaque mot porte. " Bonne guerre ", " Les seigneurs ", " La distance "… les titres s’enchaînent sans répit, avec une cohérence thématique implacable. LOFOFORA joue politique, joue humaniste, joue viscéral. Le set fait la part belle à " Cœur de cible ", avec pas moins de neuf titres issus de cet album, une rareté aujourd’hui. Là où tant de groupes planquent leurs nouveaux morceaux derrière une avalanche de classiques, LOFO les assume. Il faut du courage, ou de la conviction. LOFOFORA a les deux. Mais ils n’oublient pas leurs racines " Macho Blues ", tiré de " Peuh ! " (1996), sonne toujours aussi juste et mordant ; " Justice pour tous " et " L’œuf ", extraits de l’album éponyme de 1995, sont accueillis comme des hymnes. " Le fond et la forme ", du très solide album éponyme de 2003, rappelle que la parole est toujours aiguisée. Et quand Reuno lâche " Konstat 2024 ", tout le monde comprend que le passé n’est jamais loin mais que c’est l’aujourd’hui qui l’intéresse. Sa voix n’a rien perdu : toujours ce grain rauque, rageur, animal, capable de gueuler comme de chuchoter avec un pouvoir de conviction inégalé. Il n’y a pas que la musique : il y a ce lien unique que LOFOFORA entretient avec son public. Le chapiteau est compact, dense. Un spectateur tombe violemment, se fend le crâne. Soigné, il revient plus tard avec un énorme pansement. Reuno le reconnaît, le fait monter sur scène. Quelques vannes bien senties, mais avec bienveillance. On rigole, on soigne, on gueule. La vie LOFO. Le concert se termine après près d’une heure quinze, et 15 titres joués sans rappel officiel, comme toujours jamais de rappel chez LOFO. LOFOFORA ne fait pas dans le cérémonial superflu. Ils viennent, ils balancent leur tripes, ils saluent, ils repartent. C’est simple, net, sec. LOU STRUMMER : Punk attitude, platines en feu pour clore le tonneau Quand LOFOFORA rend les derniers décibels, quand les slammeurs redescendent les pieds pleins de boue et le cœur gonflé d’adrénaline, une dernière énergie s’apprête à enflammer le chapiteau. LOU STRUMMER (vous avez la ref ?) prend les platines pour un final sans compromis, et autant le dire tout de suite : ce n’est pas une after, c’est un assaut. Un set éclectique, dansant et saturé de références punk, ska, garage et riot grrr… Elle ne parle presque pas, elle enchaîne. Elle cogne. Les riffs claquent, les drops font bondir ce qu’il reste de public – les irréductibles, les noctambules, les teigneux. Une poignée de survivants, trempés, brûlés, mais pas rassasiés. Sous les lumières tremblantes, le chapiteau devient un dancefloor de fin du monde. LOU STRUMMER ne joue pas pour les likes ni pour les selfies. Elle joue comme on crame une scène. Comme une bouteille qu’on sabre en dernière gorgée, elle clôt ce Gros Tonneau 2025 avec panache et brutalité, dans un set aussi libre que sauvage. Un dernier pogo, un dernier hurlement, et rideau : le week-end se termine en feu d’artifice sonore. Ce n’était pas une DJ set. C’était une déclaration. Conclusion : Un millésime à garder en cave Il aura suffi d’un slam collectif enragé, porté par quelques téméraires se hissant sur scène aux côtés d’un Reuno (LOFOFORA) incandescent, pour conclure cette édition 2025 dans un esprit de fraternité punk et de décharge électrique pure. Le public, désormais serré comme un raisin mûr sous le chapiteau, aura explosé dans une euphorie cathartique, donnant une fin aussi intense qu’inoubliable à cette soirée et DJ LOU STRUMMER n’a eu qu’a se baisser pour récolter les fruits du dur labeur de ses prédécesseurs. Mais le Gros Tonneau n’est pas qu’une histoire de têtes d’affiche. Ce serait oublier l’uppercut mélodique de THE MEFFS, duo furieux venu d’Essex qui confirme qu’il est bien plus qu’un second couteau, ou la claque absolue administrée par KRANG, perle inattendue à la fraîcheur et à la maturité bluffantes. Et que dire des autres groupes ? De UNHALLOWED EARTH et sa noirceur tellurique à TWOMINUTESHATE et son punk licorne à paillettes tout en sarcasme, les NECRODANCER remettant un peu de noirceur après les arcs en ciel norvégiens, sans compter P.O. BOX venu distiller un peu de Ska dans ce grand millésime auvergnat. Chaque formation a nourri cette soirée avec sa propre épice, son propre tanin. Cette cuvée 2025, bien que née entre des orages passagers et des éclaircies généreuses, est de celles qu’on garde en cave et qu’on sort avec fierté en disant : “ j’y étais ”. Et pour ceux qui, comme JC, ont dû rester à distance, c’est au moins une bouteille qu’on gardera au frais pour trinquer plus tard. Merci à l’équipe, aux bénévoles. Promis un jour on vient à deux. Un arc en ciel de Love pour Samantha de TWOMINUTESHATE (pinkpuke est son insta… cela ne s’invente pas). Un Hug de geek aux KRANG qui nous ont touché en plein cœur en plus d’être des mecs en or. Un big up aux MEFFS autant de rage sur scène que de chaleur humaine au merch. Chapeau Bas à LOFO qui sait montrer qu’ils sont toujours les patrons. Merci aux autres groupes pour leur disponibilité. (Review par Lionel et JC. Photos réalisées par Lionel) <<< Retour >>> |