CLOU + CLAIRE DAYS Paris le 19/03/25 (Le Trianon) ![]() Il y a des soirs où l’on se souvient pourquoi la chanson française peut être si précieuse. Des soirs où l’on vient soutenir une première partie, et où l’on reste, captif, bouleversé, ébloui. Ce 19 mars 2025, au Trianon, j’étais invité par CLAIRE DAYS qui ouvrait ce soir et le label Tôt ou Tard à découvrir CLOU, en concert pour la sortie de son deuxième album " À l’évidence ". Je suis venu par amitié, j’ai été cueilli par la beauté. Le Trianon est de ces salles qui font rêver : plafond orné de moulures, dorures élégantes, lumières douces et acoustique soyeuse. C’est pourtant la première fois que je la découvre en configuration assise. La fosse, d’ordinaire fluide, est ici recouverte de sièges alignés au cordeau. Une scénographie parfaite pour écouter, certes, mais un cauchemar pour circuler sans déranger le public et donc shooter. Ma place, trop excentrée, m’offre un angle qui ne rendra rien. Je file donc à l’étage, repère un bel angle en hauteur, shoote quelques titres, puis redescends discrètement au fond de la salle, là où l’on capte les regards sans gêner. La salle est pleine. Public de fidèles, de curieux, de mélomanes. Pas de bavardages, pas de téléphones qui brillent. Une écoute rare, respectueuse, presque sacrée. Il faut dire que la soirée commence très fort. Trois jours avant la sortie de son nouvel album " I remember something " et quelques jours après son concert dans la salle voisine de la Cigale, c’est un privilège rare et précieux de retrouver CLAIRE DAYS en concert. Elle ouvre la soirée dans un Trianon en configuration assise et numérotée, ce qui n’encourage pas toujours les arrivées précoces, mais heureusement, la salle est déjà bien remplie lorsqu’elle entame son set. Il faut dire que le poste " CLAIRE DAYS, la meilleure première partie au monde " de CLOU quelques jours avant la date avait soit attiser l’attention de ceux qui ne la connaissent pas soit prendre leurs places à ceux qui l’adorent (vous avez compris que je suis dans la deuxième catégorie et que je ne pouvais pas manquer Claire dans un si bel écrin). Installée seule en scène, sa silhouette se retrouve littéralement encerclée par les instruments de CLOU et de ses musiciens. Comme à son habitude, Claire alterne entre sa guitare acoustique aux cordes nylon et sa guitare électrique. Elle nous raconte que cette acoustique est sa toute première guitare, celle qu’elle jouait très bas dans sa chambre pour que ses parents n'entendent pas qu’elle écrivait des chansons. Étonnant quand on sait que sa mère jouant de la guitare figure sur la pochette de " I remember something "… Un goût du secret et de la retenue qui explique aussi, dit-elle, pourquoi elle écrivait d’abord en anglais. Les choses ont changé : sur cette grande scène parisienne, face à un public qui n’est pas le sien, Claire se raconte désormais avec sérénité et une quasi assurance. Sa prestation, qui dure une grosse demi-heure, met à l’honneur plusieurs titres issus de son nouvel album, dont l’introspectif " Old Self ", le délicat " From 1 to 10 ", et le plus affirmé " Are We a Team ", où l’on sent pointer une tension douce-amère. Elle glisse également un peu de français avec " À l’ombre ", une chanson-confidence originale dans son écriture comme dans sa composition. La version acoustique de " Transparent " est, comme toujours, d’une émotion rare, peut-être même plus vibrante encore que sa version studio. Le choix du français semble provoquer un petit supplément d’adhésion du public, ce qui n’est pas surprenant : CLOU, qu’elle précède ce soir, chante exclusivement en français. Puis vient un moment plus inattendu : une reprise de BRITNEY SPEARS, mais pas " Toxic " ni " Baby One More Time " — Claire s’attaque à " Everytime ", avec une telle sensibilité que le morceau sonne comme une composition originale, baignée dans son univers à elle. Le choix de la chanson pourrait surprendre si on ne connaissait pas Claire, " pourquoi pas " Toxic " ou " Bbaby one more time " ? " parce que " Everytime " a plus touché Claire dans son histoire certainement et qu’elle souhaite la partager avec nous. Ne pas aller à l’évidence mais toucher les sentiments. C’est ce qui pourrait définir sa musique et son répertoire, c’est en tout cas la façon dont je vois les choses et ce n’est pas le dernier morceau, " Archeology " qui va me contredire. Ce morceau est d’une pureté tant dans le choix des mots que dans la musique. Comment parler de ce sentiment étrange de sembler reconnaitre quelqu’un dans une démarche, un profil et que cela entraine une sorte de madeleine de Proust. Le morceau lentement déployé, comme une fouille émotionnelle, où chaque mot semble creusé dans la mémoire. Et puis c’est déjà la fin. Comme toujours, ce fut très beau, emprûnt de classe et de délicatesse. Mais c’est surtout entre les morceaux que Claire a surpris : là où, un ou deux ans plus tôt, elle semblait encore un peu réservée pour s’adresser au public, elle est désormais capable de créer un lien simple, fluide et authentique (non sans stress certainement). Elle laisse apparaître, à travers ses mots, la même personnalité douce et sensible que dans ses chansons. Ce qui donne à sa musique une résonance encore plus profonde. Set-list : 1. Old Self 2. From 1 to 10 3. Are We a Team 4. À l’ombre 5. Transparent 6. Everytime (reprise de Britney Spears) 7. Archeology Quand CLOU entre en scène, les applaudissements sont chauds, mais mesurés. Elle n’a pas besoin de plus. Son sourire fait le reste. L’air de rien, elle nous embarque dès les premières notes de " À l’arrière de la voiture ", ce poème mis en musique qui évoque les violences subies enfant. Le ton est donné : CLOU ne triche pas. Elle chante pour dire, pour consoler, pour comprendre. Son second album, " À l’évidence ", sorti en octobre 2024, est un disque de lumière filtrée, d’intimité mise à nu, de pop organique et sensible. Sur scène, ces chansons prennent une ampleur nouvelle. CLOU est entourée de musiciens au jeu fin et chaleureux : guitare, basse, claviers, batterie, violon — des visages différents de ceux des sessions studio, mais une même exigence de justesse. Les arrangements sont épurés, mais d’une richesse harmonique réjouissante. Les harmonies vocales à l’anglo-saxonne qu’elle affectionne — on pense parfois à Feist ou Gracie Abrams — enveloppent les titres d’une douceur feutrée. Les moments forts s’enchaînent : la course rythmée de " Vélo ", la délicatesse de " Bleus ", la profondeur de " Gare de Lyon ". Le public applaudit longuement " Chant de Noël ", ce morceau étrange et bouleversant qui évoque les dysfonctionnements familiaux. CLOU parle peu, mais chaque mot compte " famille choisie / la vraie magie de ma vie ". Elle remercie, elle partage, elle sourit. L’émotion est là, palpable. Elle confie avoir douté, avoir eu peur. Et ce soir, on voit une artiste libre, forte, rayonnante. Un peu plus tard dans le set, Chien Noir la rejoint pour deux titres l’un en duo et l’autre au piano. Encore une fois la famille de la chanson française apparait uni et c’est beau. Le rappel est généreux. Après un très sobre " Cesse cesse " guitare-voix, TÉTÉ la rejoint sur scène pour un duo tendre sur " Le magicien ", preuve que la pop de CLOU sait aussi s’ouvrir à d’autres univers. Ce titre de 2001 a subi une cure de jouvence depuis que TÉTÉ a invité CLOU en duo sur son disque " A la faveur des rencontres ", c’est un plaisir ici pour les plus anciens dont je fais partie de réécouter ce titre. Puis c’est le retour du groupe pour " Rouge " et " Longtemps ", où elle libère toute l’énergie contenue du set. Enfin, seul sur scène, elle clôture avec " Comme au cinéma ", guitare en main, regard franc. La boucle est bouclée. Avec ce concert, CLOU confirme ce que son premier album " Orages " laissait déjà présager : elle est une voix singulière, une plume fine, une âme sensible. Sa pop est à la fois poétique et généreuse. Et si elle chante la fragilité, c’est pour mieux rappeler la force qu’il y a à l’assumer. En quittant le Trianon, je repense à son refrain : " J’ai tant de choses à balancer / n’ose même pas me dire sois sage. " On ne peut que lui dire : ne sois jamais sage, CLOU. Nous serons là pour t’écouter. Set-list : 1. À l’arrière de la voiture 2. Vélo 3. À l’évidence 4. Bleus 5. Chant de Noël 6. On avance 7. Mes rêves 8. Gare de Lyon 9. Cardigan 10. Ne parle pas avec Chien Noir 11. Mon épaule avec Jean de Chien Noir au clavier 12. Jusqu’ici tout va bien Encore : 13. Cesse cesse (solo guitare voix) 14. Le magicien avec Tété 15. Encore 2 : 16. Rouge 17. Longtemps Encore 3 : 18. Comme au cinéma (solo guitare voix) Merci à Claire et Clou, au labem Tôt ou Tard / Zouave et Victoria. (Review et photos réalisées par Djaycee) <<< Retour >>> |