BAK TRAK - Hidden Trouble:
Le laboratoire sonore BAK TRAK est de retour ! Deux ans après leur brillant EP " Voltage ", voilà qu’il réouvre ses portes sur un premier album intitulé “Hidden Trouble”, soit le “souci caché”, ou le “problème caché”. Un brin inquiétant, mais surtout étonnemment probant pour la production d’un groupe qui sortait à peine de l’œuf, BAK TRAK m’avait, en quelques pistes seulement, bluffé et convaincu qu’il faisait partie de ce cercle restreint de groupes qui, dès le départ, ne dévoilait pas simplement un potentiel, mais plutôt un savoir-faire déjà acquis. BAK TRAK était déjà en pleine conscience de ce qu’il incarnait, et électrisait ses morceaux de Noise Électro Rock à la manière d’EZ3KIEL, nÄo et autres HIGH TONE.
Et pour l’heure, je ne vais pas y aller par 4 chemins : un groupe qui était déjà aussi mature et accompli lors de la sortie de leur premier essai n’avait que peu de chances de décevoir, c’est évidemment un album brillant. Le trio vendéen semble s’être concentré de manière optimale pour réaliser le plus idéal des successeurs discographique possible. BAK TRAK reste cette même entité hypnotique et envoûtante qui mélange Dub enjôleur mais peu rassurant, à des touches appuyées d’Electronique aussi ravageuses que mélodiques. C’est également toujours la promesse de la frappe Rock d’un batteur orfèvre du temps, fait de chair et d’os, dynamisant une fibre métissée de sons organiques comme synthétiques. Et situé aux antipodes de certains groupes de Noise ou d’Indus qui séparent trop les machines de l’homme, créant une fracture souvent notoire, décalée, ou au pire caricaturale et absurde, BAK TRAK va faire fondre chaque aspérité sonore en une seule matrice cohérente, où rien ne laisse perplexe mais plutôt admiratif. Le soluté musical en est bien souvent aussi percutant qu’angoissant, la faute à cette ambiance aussi menaçante qu’ennivrante, où les facettes groove électrisé et intrépide du groupe se complètent autant qu’ils s’opposent pour créer un univers ravageur.
Et si " Hidden Trouble " nous fait voyager dans un monde ayant tant d’envergure, c’est grâce à un colossale travail d’enregistrement et de mixage réalisé au Wees Studio de Nantes, où la synergie entre l’énergie des instruments électroniques vient galvaniser l’apport humain représenté par la guitare, la batterie (souvent alliée à une boîte à rythme) et, plus rarement, deux voix assez chargées en émotions, l’une shamanique, nostalgique présente dans " Long Black Hair ", l’autre, plus orientée vers un phrasé Hip-Hop et enragée lorsque cela se fait nécessaire, sur " Lies Since 31 " par exemple. Autrement, il ne s’agit que d’expériences purement instrumentales accompagnées certaines fois de samples, comme sur l’oppressant et suffocant “Slave”, ou l’incroyable leçon qu’est “Just Burn It Up” plus que délicieuse dans ses rythmiques et ses sonorités piquantes qui lui confèrent un rendu dynamisant, explosif, revigorant et schyzophrène. Rien, absolument rien n’est à laisser de côté, car le groupe explore toutes ses possibilités en restant l’homogène BAK TRAK, chaque morceau tape dans le mille : “Massymum” est l’ouverture d’album montant gentiment d’intensité et en crescendo, qui se veut annonciatrice de l’identité du groupe, l’énergie tranquille du disque faite de sons synthétiques assez classiques circulant de partout pour laisser place au lancinant et triste “Faces”. Cette sombre et morose balade déboule sur un orage mécanique, une véritable colère survoltée qui termine sur une lourde basse complètement traffiquée et une frappe de batterie assommante. De son côté, “Slave” reste un morceau torturé, patibulaire même, renvoyant à la monarchie, aux geôles, aux cachots, à quelque chose qui est à la fois moderne dans ses sonorités, mais qui renvoi à un univers pessimiste, à coups de samples énonçant " TU ES UN ESCLAVE ". Sympa…
L’apaisée mais alarmante " Long Black Hair " lui emboîte le pas, sorte de lente complainte électronique pleine de remords, de regrets, où le chant se révèle irrésistible. Il fait partie des morceaux les plus incroyables du disque, il est parmi ceux qui sont le plus chargé en émotion, tellement touchant, tellement intimiste. L’une des 3 plus grosses pépites du disque que l’on va détester entendre se terminer. Mais la suite s’avère tout aussi probante puisque “Disorder”, bien que très progressive est encore une claque que l’on va se prendre. Il s’agit des 5 minutes les plus proches de ce qu’a pu faire HIGH TONEEZ3KIEL à une période plus lointaine. L’élégante et feutrée " Disorder " n’est pas décevante pour autant, même si ce n’est qu’une pente ascendante vers la hargne, peut-être l’un des morceaux les moins marquant du disque. Mais qu’importe, le single “Tubb” vient tempérer cela de ses ennivrantes nappes électrisées. Enfin un peu de positif au milieu de ce sombre océan musical ! Présent sur la compilation " Beats & Sounds Vol. 1 " parue en début d’année 2015, il demeure le titre le plus constant dans son énergie et linéaire dans sa structure quasiment exclusivement pêchue. C’est l’un des rares moment qui place l’impact émotionnel laissé par la mélodie, derrière l’ardeur, la vigueur et l’émulation musicale. Peut-être parce que très massive, sans temps mort et sans zone sombre. Mais qu’importe, c’est également un franc succès qui contraste avec l’élément intrépide et Hip-Hop de la tracklist " Lies Since 31 " en featuring avec le groupe nantais DEADLAKE, où deux voix bien distinctes posent un phrasé rapide et anglophone sur une couche musicale à nouveau sombre et introspective, ne cessant d’être discrète que lorsqu’interviennent les insolents refrains. Ce morceau est porteur d’un message très probablement “conscient” réalisé en anglais, dont je ne parviens pas à comprendre la teneur malheureusement. Mais ne partons pas fâchés, puisque “Budlek” nous fait très vite oublier cette incompréhension de par son imposante Électro Dub, un poil déjà vue et toute aussi neutre émotionnellement que " Tubb ", ne servant qu’à déverser un ravageur flot d’énergie dans nos oreilles. Une belle bourrasque Électronique tout de même ! Et enfin intervient le dernier morceau uniquement réalisé par BAK TRAK, le dernier mais pas des moindres : " Just Burn It Up " aux sonorités multiples et variées. Il représente l’apex de ce qu’a pu composer le groupe, un cocktail ryhmique et sonore qui emmêle une quantité incroyable de détails pour un bouquet final aux allures explosives et insolites, et vraiment proche de THE KNIFE en beaucoup moins calme. Ce dernier titre avant les bonus achève de convaincre et représente à mes yeux la plus grande réussite de “Hidden Trouble” parce qu’écrasante de puissance, monumentale et imparable mélodiquement. Et accessoirement, sublimée par la production qui vient doper son énergie. Cette démonstration finale arrivant à terme, place aux deux petits bonus que sont les remix de morceaux issus de l’EP " Voltage ", à savoir " Panopticon " par ALASKAM, le morceau étant rendu très aérien, presque orchestral, tout en gardant un côté Dub’N’Rock, et " High Voltage " retravaillé par KAÏMA, qui a plutôt opté pour accentuer la facette Dub déjà présente dans le morceau, mélodica à l’appui. Ces suppléments, loin d’être hors sujets, viennent offrir un petit plus séduisant à un disque qui n’avait déjà pas à rougir de son contenu, l’univers profond et captivant qu’a su créer BAK TRAK étant déjà suffisamment singulier, riche et complet.
En fin de compte, chaque morceau paraît secret de par l’ambiance qu’il dégage, mais chacun se laisse adopter très facilement ! Exalté, fougueux, doux, nostalgique, mélancolique, peu importe où le contenu de ce disque nous emmène, les émotions transpirent de sincérité et nous transportent avec une aisance instinctive.
>En résumé, BAK TRAK est à la hauteur de ce que j’attendais en tant que continuité de leur excellent EP : un full length à couper le souffle qui n’a de cesse que de nous surprendre. Varié, riche, entêtant, survolté, addictif, et j’en passe, " Hidden Trouble " est l’effort que l’on espérait voir le trio atteindre artistiquement. Les quelques petites phases déjà abordées sur d’autres disques d’artistes du même genre sont instantanément balayées par une couche Rock’N’Dub qui nous fait frissonner, et chaque petite accalmie, si tant est que l’on en trouve, est aussi justifiée qu’innovante. Le contenu de cet album frôlant l’heure de musique, on peut se réjouir de ne pas avoir à mettre le disque en boucle pour en apprécier longuement toute la sève, même si les remix de " High Voltage " et " Panopticon " situés en fin de de parcours, plus impersonnels et doux mais néanmoins intéressants, n’apportent pas tant que ça aux œuvres de ses réels créateurs.
Donc finalement, " Hidden Trouble " fait passer BAK TRAK de talent français avéré à artiste incontournable qui, s’il déploit les grands moyens, a de fortes chances d’être un de ces mythique groupe scénique, rendant l’atmosphère mystique grâce à une puissante et hypnotisante bulle de Dub’N’Roll électrisée. C’est exactement le genre de travail dont les audacieux lives sont accompagnés d’un décorum et de moyens audiovisuels à couper le souffle. J’ai hâte que le trio prenne l’ampleur qu’il mérite et devienne l’un des incontournables de la musique synthétique vaporeuse, aux côtés d’EZ3KIEL qui semble un peu s’essouffler ces temps-ci. Alors, chapeau bas à BAK TRAK, qui vient de réaliser un coup de maître pour un genre sous-exploité en France. Laissez-vous transporter par cet excellent album, au risque de passer à côté d’une petite merveille… vous ne le sauriez pas, mais vous le regretteriez !

(Chronique réalisée par Ben)


Date de sortie: Mai 2016
Label/Distributeur: Autoproduction
Site Web: http://www.bak-trak.com
Bak Trak

1. Massymum
2. Faces
3. Slaves
4. Long Black Hair
5. Disorder
6. Tubb
7. Lies Since 31
8. Budlek
9. Just Burn It Up
10. High Voltage (Kaïma Remix)
11. Panopticon (Alaskam Remix)