![]() Interview réalisée par Djaycee par mail au mois de mai 2025.
Sam, on se connaît depuis plus de vingt ans (mon premier live report pour Nawak doit dater de 2003 avec SIDILARSEN, FEVERISH et AqME...), mais là, j'ai l'impression de découvrir une nouvelle facette de toi... Tu peux me raconter comment est né VENTRE ? VENTRE est né d'un besoin profond de silence. Après mon départ de SIDILARSEN, je me suis retiré dans mes montagnes natales. J'ai coupé le bruit et mis la musique de côté pendant 3 ans. Plus de batterie, plus rien. Une vraie coupure, une période de bascule. J'ai laissé remonter ce qui devait remonter... C'est aussi durant ce temps suspendu que j'ai traversé une épreuve violente. J'ai fais une péritonite fulgurante alors que ma compagne était enceinte de 7 mois. Elle portait la vie, je frôlais la mort. Ce paradoxe a tout bouleversé, quelque chose s'est ouvert profondément. L'envie est revenue. L'inspiration aussi. VENTRE c'est ce cri intérieur. C'est une traversée, une reconnexion, un retour à la source. Ce projet, je ne l'ai pas pensé : je l'ai ressenti. Tu as quitté SIDILARSEN après 25 ans de route, de sueur et de sons. Qu'est-ce qui t'a poussé à tout arrêter à ce moment-là ? Comme je l'évoquais précédemment, c'est mon corps qui m'a crié qu'il était temps d'arrêter. La route et le rythme des tournées me pesaient, la fatigue et les douleurs devenaient chroniques, je supportais de moins en moins le bruit et l'agitation. Ce n'était plus du plaisir, ça commençait à ressembler à une contrainte. Au fond, je sentais que j'étais allé au bout de ce que j'avais à vivre avec SIDILARSEN. J'ai mis environ 5 ans à prendre cette décision. Sûrement l'une des plus difficile de ma vie. Tu parles d'un besoin de silence... Il était vital, ce silence ? Tu te sentais en saturation, en danger, en transformation ? Oui, ce silence était vital. Je crois que je ne pouvais plus faire semblant de continuer sans m'écouter vraiment. J'étais en saturation, physiquement et mentalement. Le bruit, la cadence, les attentes... tout devenait trop. Alors j'ai tiré le frein. Ce n'était pas une fuite mais une nécessité. J'avais besoin de me taire pour entendre ce qui se passait à l'intérieur. Comment s'est passée cette coupure ? Tu as su t'éloigner facilement ou il y a eu un vrai sevrage ? Ça n'a pas été simple, c'était un saut dans le vide. Il y a eu un vrai sevrage, oui. J'avais besoin de me retirer, de me protéger, de prendre soin de moi. J'ai quasiment tout coupé, je ne voyais plus les SIDI... j'ai également coupé les réseaux. Et peu à peu, le vertige de ce silence s'est transformé en apaisement, en écoute intérieure. C'est là que quelque chose de nouveau a pu naître. ![]() Pendant cette parenthèse, tu as monté un gîte en Ariège. C'était un rêve de longue date ou une reconversion presque par nécessité ? Ce n'était pas un rêve de gosse, c'était plutôt une évidence qui s'est imposée. J'avais besoin de me reconnecter à quelque chose de simple, de vrai, de doux. Et puis il fallait bien que je vive de quelque chose. Monter un gîte en Ariège, c'était une façon d'ancrer cette nouvelle phase de ma vie, de construire un lieu d'accueil, de nature, de calme ; l'opposé de ce que j'avais connu pendant 25 ans sur les routes. Ce n'était pas une reconversion forcée, c'était un choix guidé par l'envie de ralentir, de m'enraciner, de revenir à l'essentiel. Le contraste est fort : du chaos des tournées à la sérénité des montagnes. Est-ce que ce cadre t'a permis de te reconnecter à une autre forme de création ? Oui, complètement, j'ai redécouvert une forme de lenteur qui m'a permis d'écouter autrement ce qui se passait autour, mais aussi en moi. La nature, la solitude, les saisons, ma femme, mes enfants... tout est (re)devenu source d'inspiration. De là, une autre forme de création a émergé, plus organique, plus instinctive. Une musique qui ne cherche plus à convaincre, mais juste à s'exprimer. Revenons à ton nouveau projet : VENTRE. C'est un cri, c'est organique, tu dis " Trip(es) Rock Electro " : c'est un genre ou un état ? Je crois que c'est un état avant d'être un genre. " Trip(es) Rock Electro ", c'est une tentative de mettre des mots sur quelque chose d'intime et viscéral, un peu comme un paysage émotionnel. Le trip, c'est pour le voyage intérieur. Les tripes, c'est ce que j'y mets. Le rock, c'est l'énergie. Et l'électro, c'est ce qui me relie au présent, à une forme de tension contemporaine. On reconnaît chez toi des influences fortes : NIN, GOJIRA, MASSIVE ATTACK... Comment ces sons se croisent aujourd'hui dans ta musique ? Tu cites aussi Moby qui est beaucoup " aéré " et " aérien ", tu as voulu combiner toutes ces influences ? Ces influences ont nourri mon oreille, mon corps, mon imaginaire. Ce sont des univers très différents, mais ils ont tous une intensité émotionnelle forte. J'ai cité celles-là pour donner quelques repères à l'auditeur mais je pourrais en citer beaucoup d'autres. Je me nourris de tout ce qui résonne en moi et ça infuse dans ma manière de créer. Avec VENTRE, j'essaie d'honorer toutes ces énergies. Ta batterie est toujours là, mais différemment. Comment as-tu apprivoisé les machines, les textures électroniques ? tu étais déjà responsable de certains samples chez Sidi, c'est quelque chose qui t'a aidé à sauter le pas et revenir ? Oui, la batterie est toujours là, elle a simplement changé de place. Elle est devenue plus intérieure, plus texturale. Chez SIDI, je touchais déjà pas mal aux samples, aux ambiances, donc il y avait un terreau. Avec VENTRE, j'ai apprivoisé les machines en les laissant me surprendre, en cherchant moins la performance que l'émotion brute. J'aime que chaque son, chaque texture raconte quelque chose. C'est ce travail de matière sonore, cette dimension cinématographique, qui m'a redonné envie de créer, d'explorer. Tu composes seul désormais. Est-ce une libération, un défi, ou une forme de solitude ? Chez SIDI, tu étais en famille au sens propre comme au figuré avec David, ton frère, tu as du revoir complètement ta façon d'envisager la création ? Composer seul, c'est un mélange de tout ça : une libération, un défi, un espace de liberté, un saut dans l'inconnu... Dans SIDI, on composait chacun de notre côté, mais tout passait ensuite dans le filtre du groupe. Cette énergie collective nous portait, nous rassurait bien sûr, mais elle impliquait souvent des compromis et parfois des frustrations. Avec VENTRE, j'ai dû réapprendre à écouter mon instinct, sans validation extérieure. Me retrouver seul face à moi-même. C'est vertigineux, mais c'est aussi là que j'ai trouvé une forme de vérité. Chaque décision, chaque son vient de l'intérieur. C'est plus nu, plus fragile sans doute, mais aussi plus intime. ![]() Il y a une dimension très cinématographique dans ce que tu proposes. Tu imagines VENTRE aussi pour de l'image ? Des collaborations visuelles ? Oui, l'image et la musique sont intimement liées dans ma façon de créer. Quand je compose, j'imagine tout de suite des images, des atmosphères, des paysages sonores. Pour le clip " Les déferlantes ", mon premier single, j'ai eu la chance de pouvoir travailler avec Oscar Bizarre (un réalisateur que j'adore). Avec une générosité rare, il a su retranscrire mes émotions en image avec une justesse et une sensibilité qui me touchent profondément. J'aimerais beaucoup continuer d'explorer tout ça : des collaborations visuelles, pourquoi pas du cinéma. VENTRE s'y prête. C'est un projet qui a cette dimension organique et immersive, et qui peut trouver sa place au-delà du format chanson. Et puis, l'absence de texte et de chant offre à chacun la liberté d'imaginer ce qu'il veut. J'aime beaucoup cette idée. Tu as toujours été un homme de scène. Est-ce que VENTRE est appelé à vivre en live ? Tu te vois remonter sur les planches ? La scène a longtemps été une part essentielle de ma vie, mais je ne suis pas quelqu'un qui a besoin de lumière ou de mise en avant. Finalement, en tant que batteur, j'étais plutôt au second plan, derrière mon instrument, en fond de scène, et ça me convenait. Je n'ai pas besoin de nourrir mon ego à travers la scène. VENTRE est un projet intérieur et sensible. Je suis bien là où je suis aujourd'hui et je ne veux pas remonter sur scène par automatisme. Si je le fais un jour, ce sera en respectant la nature du projet. Pour le moment ce n'est pas prévu, je laisse infuser. Enfin, si on écoute VENTRE en 2025, qu'est-ce que tu veux qu'on ressente ? De la douleur, de la beauté, de l'apaisement ? J'aime l'idée que chacun puisse ressentir ce dont il a besoin à l'instant où il l'écoute. Pour certains, ce sera une forme d'apaisement, pour d'autres une traversée plus brute et viscérale. VENTRE n'impose rien, c'est une proposition. Un refuge, un miroir, une tension, une respiration... Il y a de la douleur, de la mélancolie, et aussi de la lumière. J'espère que cette musique touche quelque chose de profondément humain, là où les mots ne suffisent plus. Si ça résonne, alors c'est déjà beaucoup. La question que j'aurais du te poser mais que je n'ai pas posée ? et la réponse à celle-ci ? La question serait " Et maintenant, tu vas où ? ". Je n'en sais rien. Et c'est ce qui me plaît. VENTRE m'a appris à ne plus chercher à tout maîtriser, à écouter ce qui vient, à suivre les mouvements intérieurs plutôt que les injonctions extérieures. Je continue de créer, de chercher, d'avancer... Une étape après l'autre. Tant que ça sonne juste, je suis sur le bon chemin. En parlant de chemin, mon second morceau s'appelle " Levada ", ce sont ces veines d'eau qui serpentent des hauteurs vers les vallées sur l'île de Madère... sortie prévue prochainement ! Le mot de la fin ? Créer depuis un lieu sincère, c'est fragile... mais c'est vivant. Et c'est ce qui compte. À toutes celles et ceux qui sont là, même après le silence, qui soutiennent, qui écoutent, qui partagent, qui ressentent : merci pour la force. À celles et ceux qui découvriront demain : bienvenue. Si ce projet trouve un écho chez vous, recevez-le juste pour ce qu'il est, sans mode d'emploi. Un grand merci à toi JC, pour ta curiosité sincère et ton regard attentif. C'est précieux d'être accueilli comme ça. ![]() |