2Sisters


Interview réalisée par Djaycee par mail au mois de Septembre 2025.


Avec " Amour Bandit ", son troisième album, Émilie signe un disque incandescent, né d’un été bouleversé par la perte de Dani et la rencontre de l’amour fou. Dans cette urgence de vivre et de créer, elle a laissé jaillir des chansons frontales, sensuelles, parfois brutes, qui marquent un tournant dans sa carrière. Réalisé avec la complicité d’Édith Fambuena, l’album garde l’intensité du premier jet et révèle une artiste plus libre que jamais. À la fois intime et universel, " Amour Bandit " s’impose comme l’album de la foudre et du feu, celui qui scelle un avant et un après dans son parcours. Entretien avec la chanteuse.

" Amour Bandit " est ton troisième album. Il est né d’un double choc émotionnel. Comment as-tu trouvé l’élan pour transformer ce moment en musique ?
C’était nécessaire, évident, toutes les chansons sont venues, très vite, c’était aussi foudroyant que ce que je vivais. Elles portent vraiment en elles cette urgence que j’avais de dire les choses à l’instant T !

Tu ouvres l’album avec " Été 22" et tu le clôtures avec " Dani Song ". Était-ce une manière consciente d’encadrer ce disque par ces deux présences majeures ?
Absolument. " Été 22 " annonce la couleur, autant musicalement que dans le texte, " Dani Song " est un adieu plus apaisé, le moment où on laisse partir quelqu’un, réellement. Elle ne pouvait que clore cet album !

Tu parles d’un disque écrit dans l’urgence. Est-ce que cet état d’urgence a influencé ton écriture ou ta manière d’interpréter les chansons ?
Bien sûr !
Edith Fambuena, qui a réalisé l’album avec moi, a d’ailleurs gardé toutes les prises voix que j’avais faites chez moi, les guitares aussi. Elle a retravaillé à partir de cette matière qui était proche du premier jet. Je voulais garder cette intention-là, et que ça s’entende !

On sent une écriture plus directe, plus frontale que dans tes précédents albums. C’était un choix esthétique ou une nécessité ?
Je ne l’ai pas calculé, mais en effet c’est la première fois que suis aussi cash dans un disque. Tout ce que je dis est vrai dans ce disque, c’est une première !
Il y a également un langage plus proche du corps, plus sensuel, plus défiant aussi.

Emilie Marsh

Tu as coécrit certains textes avec Hélène Charvet. Qu’a-t-elle apporté à ton processus créatif ?
Hélène m’a justement aidée à être directe, simple dans certaines formules, elle m’a permis de casser les derniers remparts derrière lesquels je dissimulais encore des choses !

Le titre " Jamais vu ", mais aussi " Draguer le dragon " ou " Totem ", abordent le désir, le corps, la sensualité. Ce sont des territoires que tu explores plus librement aujourd’hui ?
Absolument et je pense que je continuerai à la faire ! Je parle d’une femme, de ma Gladiatrice dans cet album, et je suis également très heureuse d’assumer pleinement dans les titres mon désir et mon amour pour une femme. Je ne m’en étais jamais cachée, mais pour la première fois, mes chansons lui sont directement adressées, elle joue d’ailleurs avec moi dans le clip de Jamais vu : il ne pouvait en être autrement !

Tu as travaillé sur ce disque avec Edith Fambuena. Comment s’est passée votre collaboration et qu’a-t-elle insufflé à ton son ?
Nous avions fait ensemble l’album posthume de Dani. Edith connaissait donc toute mon histoire, nous avons adoré nous rencontrer et travailler ensemble autour des chansons - tellement chargées émotionnellement - de Dani. C’est donc tout naturellement que nous avons enchaîné sur mon album. Ça a été d’une fluidité incroyable. Edith a cette sensibilité qui traverse chaque détail, chaque millimètre de son travail. Ses guitares reflètent son originalité, sa justesse dans le propos de chaque morceau, sa folie aussi ! Elle a affirmé mon son sans rien dénaturer.

Tu as souvent accompagné d'autres artistes, composé pour eux. Est-ce que ce projet solo t’a permis de te recentrer sur ta propre voix ?
Oui, je suis revenue à mes chansons après beaucoup de tournées et de studio avec Jil Caplan, ou autour de l’album de Dani bien sûr. Mais je ne sépare pas les choses, chaque collaboration nourrit ma propre manière de créer.

On sent que tu t’es rapprochée de l’énergie scénique dans la production. Tu voulais capturer ta fougue sur scène dans l’album ?
Oui ! Même si sur scène le show est encore plus électrique que sur le disque ! Je suis extrêmement fière de la dimension que nous avons réussi à donner aux chansons sur scène.

Emilie Marsh


Depuis " La Rime d’Orpheline ", tu traces un chemin cohérent, mais plus affirmé à chaque album. Tu as l’impression d’avoir trouvé aujourd’hui ton langage artistique ?
Oui, il y aura clairement un avant et un après Amour Bandit, tout comme ma vie a changé ce fameux été 22.

Tu es cofondatrice du label Fraca. Quelle place occupe ce collectif dans ta construction artistique et politique ? (La bise à Katel au passage)
C’est un label indépendant et féministe qui nous apporte énormément de joie et de travail évidemment, et nous avons vraiment voulu défendre la place des femmes dans la musique à travers ce qui devait au départ être un outil pour sortir nos albums.
Fraca!!! est devenu une référence par rapport à notre engagement, au fait aussi que nous soyons trois artistes à nous associer pour permettre à chacune d’entre nous de faire exister sa musique. Nous avons également organisé des débats, participé à des conférences sur la place des femmes dans la musique, et nous continuons à organiser des soirées.

Ton album sort chez At(h)ome, mais tu restes très attachée à l’indépendance. Qu’est-ce que cela signifie pour toi aujourd’hui ?
J’ai fait ce choix car le travail colossal que représente le fait de sortir un album sur son propre label nous éloigne malheureusement forcément de l’artistique. At(h)ome avait déjà travaillé avec Katel et Robi (avant Fraca!!!) et m’ont encouragé à foncer ! J’adore l’énergie At(h)ome, la manière dont ils défendent leurs artistes sans relâche et je suis très heureuse de faire partie de leur écurie !

Tu es très proche de ton public, tu réponds à leurs messages, tu les retrouves en concert… Ce lien humain est essentiel pour toi ?
Oui, je n’oublie jamais que c’est le public qui nous fait, qui nous suit parfois depuis très longtemps, c’est extrêmement précieux alors j’essaie de soigner ce lien.

La scène semble être un prolongement naturel de cet album. Comment abordes-tu les concerts de cette tournée ? et comment as-tu vécu cette ouverture de la dernière journée du festival des Francofolies sur la scène Jean-Louis Foulquier ?
C’était INCROYABLE un rêvé de vivre ça tous les trois avec Raphaël Léger (batterie) Sébastien Collinet (guitare) et Audrey Schiavi (son).
Nous sommes tellement soudés, tellement heureux d’être ensemble sur scène qu’on en devient comme invincibles ! J’espère jouer encore très longtemps avec eux car c’est un bonheur absolu.

Si tu devais résumer " Amour Bandit " en un seul mot ou une seule image, que choisirais-tu ?
La Foudre !

Quelle est la question que je ne t'ai pas posée et à laquelle tu aurais souhaité répondre ? Et la réponse ?
Euh…. Ma guitariste préférée ?
La réponse est Anna Calvi !

Emilie Marsh