![]() Interview réalisée par Djaycee par mail le 7 Mai 2020.
Interview un peu spéciale en mode confinement... comment cela se passe-t-il pour toi ? A titre individuel cela se passe plutôt bien. On vient d’apprendre que les festivals d’été sont tous annulés ou reportés. Comment vis-tu cela en tant qu’artiste à la tête d’un label ? Nous n’avons malheureusement pas beaucoup de prise sur les évènements, et c’est difficile de dire ce que les autorités devraient faire ou auraient dû accomplir, mais j’ai l’impression que depuis le début nous prenons les choses à l’envers, en balançant entre la sous-estimation et la surprécaution : abandon des personnes fragiles d’un côté (à la limite de l’euthanasie pour les Ehpad) et protection des enfants de l’autre etc. C’est un peu comme les contrats discographiques : soit il faut qu’ils fassent deux pages (c’est ceux qu’on fait chez Tricatel), soit il faut tout prévoir et ils font 500 pages. Je pense qu’aucun texte de loi ne remplacera le bon sens. Tu es en contact avec les artistes du label ? CATASTROPHE par exemple fonctionnant en bande doivent se sentir seuls ? On a vu que Pierre participait à des compil’ Covid notamment... C’est rageant pour CATASTROPHE comme pour CHASSOL, qui avaient une tonne de concerts d’enfer programmés, et qui sont des suractifs. En outre, certains vivent à plusieurs dans des appartements exigus, c’est un peu comme s’ils étaient depuis deux mois dans le camion de tournée. CATASTROPHE ont passé des mois à répéter leur comédie musicale, avec des chorégraphies démentes, on avait fabriqué un 30 cm pour le Disquaire Day, CHASSOL venait juste de sortir " Ludi ", son nouveau disque-film-spectacle. En tant que label, on estime qu’il est de notre responsabilité de ne pas envenimer les choses et d’être les plus positifs et actifs possibles. Le nouvel album de CATASTROPHE sortira début septembre, on prépare la réédition du catalogue d’Ingrid Caven, un disque- hommage à Billy Goldenberg et bien d’autres choses. ![]() Tu n’es pas non plus le dernier à travailler en groupe que cela soit avec AS DRAGON ou encore avec CATASTROPHE ou Alice Lewis notamment à la fête de l’Humanité 2018 ou dans le beau spectacle de Barbara Carlotti, " 66 REVOLUTION POP " pour qui j’avais fait une captation aux Trois Baudets. Le confinement permet-il au contraire de s’isoler pour composer ou les autres manquent ? J’avais déjà dû me résoudre, l’an dernier, à arrêter la scène : je n’avais plus aucune proposition et cela me rendait dingue de faire une date par an alors que j’ai la chance de jouer avec une équipe formidable. Donc là-dessus le confinement n’a rien changé pour moi. J’ai composé la musique d’un super film de Marc Fitoussi, " Les apparences ", qui devait sortir en salles le 29 avril, je ne sais pas du tout quand il sortira maintenant. Mais le plus important me semble la façon dont nous sortirons collectivement de cette période. Tu as également publié le livre " Tricatel Universalis " et tu y dis " Tricatel est un désastre ", il y a pire comme désastre ? C’était une façon de dire que, selon les normes de la réussite sociale, nous avons échoué. Mais pour moi, la réussite c’est de parvenir à faire des choses qui nous semblent justes, nécessaires, et que d’autres personnes y soient sensibles. ![]() Comme tu le vois avant d’aborder cette actualité, j’aborde de nombreux thèmes car mon admiration pour ta discographie fait réellement partie des " choses qu’on ne peut dire à personne ", certainement à tort quand on gravite dans un milieu rock... Cela me permet d’apurer des regrets de ne pouvoir te poser ces questions. Mes filles sont fans de " Palais Royal ! " et la BO y est vraiment pour quelque chose. Tu as récemment composé la BO de " Yves ", une BO se compose différemment qu’un album ? Oui. On peut composer un album comme une BO, ou plutôt comme un film, avec un début, une fin etc, mais l’inverse est plus compliqué car la musique de film est un élément du film, au même titre que les dialogues, les décors, le jeu des acteurs. Ce qui compte c’est avant tout qu’elle serve le film, et c’est aussi cette contrainte qui permet parfois au compositeur de faire des choses qu’il n’aurait pas forcément eu l’idée de faire sans ces contraintes. Revenons sur ton actualité, tu sors dans le contexte décrit plus haut un single et un clip. En parfait timing même si cela n’était pas le timing initial ; " Vous êtes ici ". Effectivement, nous savons à peu près tous où nous sommes car nous sommes confinés. On pourrait penser vu le clip que tu vas nous parler de grands espaces mais il y a le message de flicage jusque dans nos chambres et nos intimités... parfait timing avec l’appli stop Covid ou ZOOM est ses failles de sécurité... Le texte de la chanson a été écrit par Marie Möör bien avant tout ça, et je l’avais enregistrée il y a un moment, mais je me suis dit effectivement qu’elle pouvait dire aujourd’hui des choses qu’une chanson écrite sous le coup de l’émotion dirait peut être plus lourdement. A chaque album, j’essaie de parler du monde dans lequel nous vivons, tout en essayant de rendre ces sujets plus universels, moins liés à la conjoncture. Mais ce n’est pas la première fois que j’essaie d’envisager des choses déplaisantes sous un angle poétique. Au niveau des paroles c’est Marie Möör qui est créditée et ce n’est pas la première fois que vous travaillez ensemble ; les textes ont été écrits après la composition ? Les mots se collent aux textes ou bien c’est l’inverse ? Cela dépend des chansons, dans ce cas précis, j’ai composé la musique à partir du texte, et je me souviens que c’est allé très vite, même si le canevas harmonique est un peu tordu (je n’arrive d’ailleurs jamais à le rejouer de mémoire car ce n’est pas du tout naturel, même si ça ne s’entend pas) parce que les mots de Marie m’ont tout de suite inspiré. Comme discuté avec ta RP, Anne-Laure, le cynisme de Youtube fait qu’avant de voir le clip, nous avons une publicité pour un Drone... C’est le genre de hasard objectif qui m’enchante, bien sûr. Un des premiers singles de CATASTROPHE s’appelait " Party in my Pussy ", tu n’imagines pas les annonces Google que j’ai reçues à l’époque après avoir scrollé le titre... ![]() La pochette du single s’éloigne des plages et de google earth, comment s’est fait le choix de l’artwork ? C’est Yannick Le Vaillant, qui dirige l’artwork du label, qui a immédiatement fait ce visuel, et c’était évident qu’il ne fallait rien essayer d’autre. Le single annonce certainement un album à venir, peux tu nous en dire plus ? Oui. Les chansons sont écrites depuis un moment, les rythmiques et les voix sont enregistrées, il me manque une séance de cordes, une séance d’instruments à vents, et une séance de choeurs avec CATASTROPHE, ensuite il n’y aura plus qu’à mixer. Mais je ne vais pas me presser pour le sortir, il va y avoir un tel embouteillage de sorties dans les mois qui viennent que mon album risquerait d’être complètement englouti. La question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaitais répondre ? (et donc la réponse à celle-ci). Ecoute c’était très complet il me semble. Ca m’arrive d’interviewer d’autres artistes et je suis beaucoup plus maladroit. Merci pour ton temps, au plaisir de te recroiser en concert pour refaire des photos, ou dans un premier temps pour un verre en terrasse et continuer la discussion avec Barbara Carlotti. Avec grand plaisir. www.facebook.com/BertrandBurgalat |