![]() Interview réalisée par Djaycee par mail au début du mois d'Avril 2020 avec Clément et Jefferson.
JC : Tout d’abord merci de répondre à cette interview à distance. Comment se passe le confinement ? Clément : Plutôt bien ! Pour le moment l'enfermement ne me gêne pas trop et je reste très occupé entre la sortie de l'EP à gérer et mes activités annexes. Le plus dur, c'est quand même d'être loin de la famille et des copains. Jefferson : Le confinement se passe bien. J'ai rarement le temps de me poser chez moi, mais là c'est l'occasion de créer de nouvelles choses, pour le groupe et de tenter pas mal d'expérimentations sonores à côté. C. : D'ailleurs j'ai hâte d'écouter ce que Jeff prépare. La sortie de l'EP rebooste à fond. C'est assez frustrant de ne pas pouvoir fêter ça ensemble, et bosser sur du nouveau. Donc vivement la fin ! JC : Quand on va sur votre Bandcamp vous vous décrivez comme : " Deux gars idolâtrant le désespoir en acte de catharsis. Distordus et lourds, mais également lents et ambiants pour les parias. " C’est un peu la BO du monde actuel en mode apocalypse ? C. : C'est clair que c'était un peu prémonitoire... Ce texte date en fait d'il y a deux ans. On était bien loin d'imaginer ce qui arriverait, tu t'en doutes. Mais c'est vrai que ça prend aujourd'hui tout son sens. J. : Il est vrai que je me réfugie beaucoup dans BRUSQUE pour parler de mes idées noires, c'est vraiment un exutoire sur la place publique pour le coup, du coup au niveau désespoir on est plutôt servis ! JC : Pouvez-vous vous présenter ? Line-up, style, historique, etc. C. : Jeff et moi on s'est d'abord connu par des amis communs, sur Facebook. D'ailleurs je me rappellerai toujours de nos premiers messages, puisque c'était le soir du 13 novembres 2015, quelques minutes avant qu'on apprenne pour le Bataclan, les terrasses et le Stade de France... À cette époque je faisais partie d'un groupe de post rock qui s'appelait L'IMPASSE MEXICAINE, et lui de THE RANDOM MONSTERS et DEMAIN DES L'AUBE. Ça a direct matché, on s'est hyper bien entendus. On a conversé virtuellement pendant quelques mois avant de finalement se rencontrer au Trianon, à l'occasion du concert de come-back d'AT THE DRIVE IN en France. Entretemps, Jeff s'était manifesté pour jouer de la basse sur un concert de covers de QUEENS OF THE STONE AGE. Donc c'est comme ça qu'on a commencé à jouer ensemble. De fil en aiguille nos groupes sont devenus potes. On a fait pas mal de concerts ensemble, et l'envie de monter un projet s'est assez vite fait ressentir. À l'été 2017, je tournais en rond avec L'IMPASSE (un comble), j'étais extrêmement frustré. On s'est écrit avec Jeff, on s'est proposés de se capter un soir dans un studio de repet' et essayer de faire quelque chose ensemble. J. : L'idée a été d'abord de se tester, on a improvisé quelques heures, on avait avec nous deux copains pour tout capturer avec quelques micros et voir si la magie allait opérer. Ça a marché tout de suite et à la fin de la soirée on avait déjà les ébauches de ce qui allait nous servir pour faire nos premières compos ! C'était fou cette expérience de jouer à deux, on avait tellement de liberté et en même temps tellement de responsabilités. On s'est lancés là-dedans bien volontiers ! On a très peu retouché les ébauches, on a enregistré deux démos avec notre pote Gianni Cocco et on s'est très vite lancés dans les concerts par la suite, on voulait garder ce truc d'urgence et voir ce qui allait se passer sur scène ! C. : Étant donné qu'on est tous les deux actifs dans l'orga de concerts post whatever à Paris (Hypergéante Asso pour Jeff et Post In Paris pour moi), on a pu assez vite faire de la scène. Donc dès 2018 on a partagé quelques plateaux sympathiques avec des groupes comme THOT, FRONTIERER, WYATT E... Et les retours étaient déjà très positifs. Mais surtout, on a franchi un cap quand les copains de Montagne nous ont proposé d'embarquer une semaine avec eux, à l'hiver 2019. J. : Ça a été un vrai coup de boost de partir en tournée une semaine, alors que le groupe était encore jeune. On a eu de la chance de tomber sur des mecs aussi gentils que les Montagne, on a vécu grâce à eux une super première expérience et on a pu jouer en province et en Suisse. Après ça, quand on est rentrés à Paris, on a commencé à composer notre premier EP, on a continué à jouer régulièrement et on a testé d'insérer les nouvelles idées dans nos sets. C'était super de pouvoir tester les morceaux en live, ça les a fait mûrir et les a préparé à l'enregistrement qui a commencé en janvier dernier au Mejej Studio, et qui s'est terminé il y a à peine un mois, pour être tout-à-fait honnête. C. : Et puis on est aussi hyper contents d'avoir eu l'opportunité de jouer 2 fois avec BRUTUS en quelques mois, un groupe dont on est fans ultime à la base, et avec qui on a gardé un super bon contact. On espère que d'autres occasions se présenteront ! JC : Pourquoi avez-vous choisi ce nom ? BRUSQUE est synonyme d’à-coups mais votre musique reste néanmoins " fluide " et accessible même si elle est sombre ? C. : Le nom vient surtout de la spontanéité qu'on a vécu en commençant à jouer ensemble. Comme le disait Jeff, on a très peu retouché les impros qui ont donné naissance à nos premiers morceaux. Le fait de faire ça à deux, un peu comme une confrontation, d'en ressortir sans trop savoir ce qui s'était passé et d'avoir eu l'impression que c'était super rapide, ça doit venir de ça. J. : C'est exactement ça, on voulait aussi un nom français qui claque, quelque chose de bref, de vraiment cinglant, et Clément a donc trouvé BRUSQUE. C. : Et puis bon, on tient à entretenir cette nouvelle tradition des noms en français. Je pense bien sûr à THERAPIE TAXI, PETIT BISCUIT, MIEL DE MONTAGNE et autres METEO MIRAGE n'est-ce pas ! ![]() JC : Comment se passe la composition ? Le choix des textes ? J. : Pour l'EP, on a tout composé ensemble, la plupart du temps je lance un riff en studio, Clément commence à tourner dessus et très vite des idées se dessinent. On enregistre tout ce qu'on fait, donc on parvient très vite à définir les plans qu'on veut garder dans tout ce qu'on joue. On n'a pas l'habitude de bosser beaucoup à la maison, la formule doit rester très simple et je dois pouvoir chanter par-dessus ce que je joue à la guitare donc tout se fait en face à face. Pour les textes, je m'inspire de thèmes qui me touchent dans la vie. J'y aborde beaucoup mon rapport à autrui, il y a aussi beaucoup de dialogues intérieurs qui tournent autour de la recherche de soi. On y retrouve cette idée de catharsis dans le désespoir. Il y a des jours où ça marche mieux que d'autres, des fois ça se cherche un peu plus avant d'arriver à trouver de bonnes idées et là pour le coup le résultat était entre post métal et doom et c'est exactement ce qu'on voulait faire à ce moment-là donc on a commencé à bosser ces morceaux. C. : Il faut aussi dire que cette formule en duo, ça a été une claque totale. On a joué dans des groupes à quatre, cinq membres… Personnellement je ne m'y retrouvais plus. Se marcher les uns sur les autres, avoir des différences de points de vue, des tensions difficilement solvables. Alors qu'à deux, c'est TELLEMENT plus facile. Notre amitié joue forcément beaucoup, je considère Jeff comme un frère. Mais en bientôt trois ans on n'a jamais au grand jamais eu la moindre prise de bec sur notre identité musicale, sur un morceau ou que sais-je. On est sur la même longueur d'onde, et nos influences convergent le plus clair du temps. On dialogue extrêmement bien et comme j'ai pu le constater quand on a commencé, nos personnalités font qu'on se complète énormément. Je suis quelqu'un de très positif et un peu " chill ", et Jeff est plutôt perfectionniste, très sévère avec lui-même. Ce qui fait qu'il me pousse beaucoup à me dépasser, absolument à raison, que ce soit en répet où en studio (et ça a été le cas pendant l'enregistrement). Quant à moi, je m'efforce de toujours lui montrer le positif dans des situations où il estime avoir été décevant. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est qu'il ne déçoit jamais. Voilà, si vous nous lisez, vous comprendrez que mon idole, c'est mon bandmate. JC : Le 3 avril, vous auriez dû faire votre release Party au Cirque Electrique, au vu des circonstances, cela est reporté mais vous avez tout de même voulu sortir votre EP à cette date ? J. : On a voulu maintenir la sortie car nous nous étions fixés cette deadline et nous avons tout fait pour la respecter. On n'a pas voulu s'empêcher de faire notre sortie même si ce n'est que sur le net, pour le moment. On est fiers de ce qu'on a fait, on voulait que l'EP soit écouté. Il ne faut pas que les gens s'arrêtent d'écouter de la musique, surtout en ce moment ! C. : Et puis, comme on l'avait nous-même déclaré, on allait pas manquer une occasion de participer à la BO de l'apocalypse ! JC : Vous mentez un peu car même si vous êtes deux, votre deuxième EP a pas mal de guests ? La fin du monde doit se vivre de manière collective ? J. : Ça c'était tellement un rêve de pouvoir inviter autant de potes à venir chanter, jouer de la basse avec nous. On voulait que le rec studio soit un peu différent de ce qui se passe en live, que ça tabasse le plus possible et qu'on se permette de changer des choses sur les morceaux. On s'est décidé à ajouter une basse sur les morceaux qui sont joués sur l'EP, on a convié trois de nos amis pour assurer cette tâche, et on a proposé à quelques vocalistes de poser sur des parties instrumentales. On voulait partager ça avec ceux qui nous épatent dans leurs autres projets musicaux, et que ça soit fait en famille ! JC : Pouvez-vous nous présenter les guests (je vous ai découvert grâce à la chanteuse de MEMORIES OF A DEAD MAN) ? C. : Morgane jouait aussi avec Jeff dans DEMAIN DES L'AUBE. Leur amitié musicale ne date donc pas d'hier et c'était une évidence de lui confier tout un couplet sur " Playrole ". Et chez BRUSQUE, la dominante est au chant grave, on voulait qu'il y ait un petit décalage, que procure justement le timbre de Morgane. Sur ce même morceau on retrouve Elliot, qui joue dans PURRS, groupe de garage punk/indie, donc aux antipodes de ce qu'on fait avec Brusque. Il se trouve que nos groupes avaient fusionné quand on a fait un set spécial de reprises des CURE, au Supersonic à Paris. C'était la première fois qu'on jouait ensemble et le courant est passé direct, bien qu'on était déjà de très bons copains. Il est à moitié anglais, son putain d'accent fait toute la différence, et il a un phrasé particulier qu'on a voulu tenter sur ce morceau. Je trouve que ça rend hyper bien en tous cas ! Nous avons également Igor, qui est bassiste et a joué dans HWI NOREE et justement DEMAIN DES L'AUBE, on le retrouve aux chœurs sur 80% des morceaux de l'EP. Pour terminer avec les guests vocaux, je tenais absolument à inviter William, chanteur d'OVTRENOIR, qui se trouve être le meilleur groupe de post métal français, en toute simplicité. Il a vraiment apporté sa patte à " Wild ". Je n'ai pas pu assister à ses prises mais quand j'ai découvert le résultat, j'étais au sol. Voilà pour les chanteurs. Pour la basse, on a fait confiance à Thomas, bassiste de THE RANDOM MONSTERS, autre groupe de Jeff, qui a également un somptueux projet de black métal atmosphérique qui s'appelle ECLOSS, que je recommande. Puis Jeremy, bassiste de MIME, de très bons potes de la scène post rock, qu'on adore et qui nous inspire pas mal. Et enfin, pas des moindres, nous avons Duff Rodriguez, qui joue actuellement dans WRØNG et a fait partie de SUBLIME CADAVERIC DECOMPOSITION, THE DISTANCE, INHATRED ou encore SICKBAG. Non content de jouer dessus, Monsieur a également enregistré, mixé et masterisé notre EP à son Mejej Studio. Bosser avec lui a été un pur plaisir. C'est un excellent accompagnateur. Il m'a sensibilisé à l'interprétation, et mon jeu n'aurait vraiment pas été le même sans lui. Alors encore un immense big up à lui, cet EP c'est aussi le sien, c'est important de le souligner. JC : C’est toujours délicat pour la scène d’avoir autant de guests sur un disque, vous aurez un bassiste pour la scène ? J. : On tient à rester à deux sur scène et à ne pas rajouter de musiciens. C'est une expérience différente de ce qu'on peut proposer sur l'EP. Nous jouons la plupart du temps en face à face, c'est notre truc ! Je pallie l'absence de basse en utilisant deux amplis sur scène, un ampli basse et un ampli guitare. Quant aux guests chant, on n'a encore jamais essayé mais ça pourrait être intéressant. C. : On a quand même l'intention de les inviter quand on pourra faire notre release party. On espère aussi pouvoir reprogrammer tous les groupes qu'on avait invité, j'en place une petite pour eux : MONTAGNE, BLACK BILE, TOUL EN IHUERN et SPACE NERDZ. On était d'ailleurs censés proposer un set collaboratif avec ces derniers, qui font de la psytrance. Rien à voir avec nous donc, mais on avait enregistré un morceau en commun pour une compilation, qu'on a joué en live. C'était tellement un kiff qu'on ne pouvait que réitérer. Wait and see ! ![]() JC : La promo de l’EP est ajournée, on ne sait pas de quoi demain sera fait, mais souhaitez-vous faire une tournée par la suite pour défendre cet EP ou un LP est déjà dans les tuyaux ? J. : Oui on a bien l'intention de le défendre sur scène autant que possible, on a envie de bouger et de jouer un maximum hors de Paris dès que ça sera possible ! A côté de ça, je compose pas mal de choses en ce moment mais il est trop tôt pour dire où ça nous mènera. Pour l'instant l'important est de se concentrer sur les lives qu'on pourra faire dès que les concerts reprendront. C. : Des copains nous ont proposé pas mal de dates pour l'automne, on espère bien concrétiser ça, mais ce qui est sûr c'est qu'on a hâte d'enfin remonter sur scène. Et puis j'avoue que le regard de braise de Jeff quand on joue face-à-face me manque un peu. On cherche aussi un label afin d'offrir une digne sortie physique à ce premier EP ! JC : Pouvez-vous aussi nous parler de la pochette qui est intrigante mais qui participe de l’atmosphère dégagée par l’EP ? J. : L'artwork de l'EP a été réalisé par Vilain Villot, une artiste chère à notre coeur ! Le visage sur la pochette représente un homme fatigué, presque éteint, derrière ce visage s'incrustent plusieurs niveaux de réalité comme pour montrer le trouble qu'il y avait à l'intérieur. Nous avons travaillé sur une dimension de contraste avec une partie figurative qui tend à représenter la notion de masque, de seconde peau, très présente dans l'EP. La partie abstraite illustre une forme de chaos. Le titre est en rapport direct avec cette thématique du conflit interne, du trouble enfoui. JC : Je termine toujours par : quelle question je ne vous ai pas posé et quelle serait la réponse à celle-ci ? J. : Quels groupes et artistes on recommande en 2020 ? Je mise tout sur 30,000 MONKIES et MOURIR. C. : Oui l'album de MOURIR est taré, je l'écoute en boucle aussi. Et puis LORD BUFFALO, qui a sorti un incroyable album qui s'appelle " Tohu Wa Bohu ". C'est un mélange de dark blues/folk à la WOVENHAND et JAYE JAYLE, et de post rock orchestral façon GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR, c'est vraiment magique. Sinon, j'invite tout le monde à suivre une artiste anglaise qui s'appelle A.A. Williams, qu'on a vu en première partie de CULT OF LUNA cet automne. Son premier album est prévu pour cet été et j'ai hâte ! JC : Le mot de la fin ? C. : On tient à remercier toutes celles et ceux qui se sont procuré notre EP depuis sa sortie et qui nous témoignent de leur support par message ou commentaires. C'est ultra gratifiant. C'est un petit engouement mais pour nous ça signifie vraiment beaucoup, je crois qu'on ne s'y attendait pas trop à vrai dire. Et puis on salue les copains : MONTAGNE, FORGE, PARLOR, FILTHCULT, MIME, SAAR, BLACK BILE, TOUL EN IHUERN, SPACE NERDZ, VESPERINE, POINT MORT, DELIVERANCE… |