P.O.BOX


Interview réalisée par Djaycee et Lionel au mois de mai 2025
durant le Gros Tonneau Festival.


Comment est né P.O.BOX ? Qu'est-ce qui vous a poussés à créer un groupe alors que vous n'aviez jamais touché un instrument ?
P.O.BOX est né d’un élan de passion pure, un mélange d’enthousiasme adolescent et de rage créative. À l'époque, on était un groupe de potes à Nancy, attirés par la scène punk-rock et ska qu’on voyait grossir autour de nous. L’énergie des concerts, les messages portés, l’esprit DIY... Tout nous parlait. Le hic ? Aucun de nous ne savait jouer d’un instrument. Mais au lieu de nous freiner, ça nous a justement motivés. On s’est dit que si d’autres l’avaient fait avant nous, on pouvait le faire aussi. On a acheté des instruments d’occase, squatté des garages et on a appris sur le tas. C’était brut, maladroit, mais sincère. C’est ça qui a posé les fondations de P.O.BOX : une envie de créer, de partager, même sans le bagage académique.

Quels ont été les premiers défis que vous avez rencontrés en tant que groupe de débutants ?
Les défis étaient partout ! Trouver un local de répète, comprendre comment accorder une guitare, jouer ensemble sans se marcher dessus... Mais plus encore, il fallait apprendre à exister dans une scène locale déjà très dynamique. On n’avait pas de nom, pas de matos, pas de réseau. Chaque concert, chaque démo était une bataille. Mais ces galères ont aussi forgé notre identité : l’autonomie, la solidarité, l’entraide. On a appris à tout faire nous-mêmes, du booking à la sérigraphie de nos t-shirts.

Comment Seb, avec son expérience, a-t-il contribué à la formation et à l'évolution de P.O.BOX ?
Seb, c’est un peu le capitaine silencieux du navire. Il est arrivé avec une vision, une exigence musicale, et surtout un cœur énorme. Il nous a aidés à structurer notre approche, à affiner notre jeu et à développer une vraie identité sonore. Avec son recul, il a souvent été la boussole dans les moments de doute. Il a aussi amené un souci du détail qui a élevé le niveau, sans jamais trahir l’énergie brute qui nous caractérisait.

Pouvez-vous nous parler de l'évolution de votre son depuis vos débuts en 2001 ?
Au début, notre son était très marqué par la scène ska-punk américaine – très rapide, très cuivré, très foutraque aussi. Puis, au fil du temps, on a mûri, intégré des influences plus diverses : un peu de reggae, des touches plus mélodiques, parfois même des riffs plus lourds. On a appris à jouer avec les dynamiques, à laisser respirer les morceaux. Mais ce qui est resté constant, c’est l’envie de faire danser, réfléchir, et surtout, de tout donner en live.
Ce qui a changé aussi, c'est le matériel. On a enregistré nos premiers albums dans des caves humides sombres. Ensuite, on est allé chercher des réf pour le mixage, le mastering, le studio...

Comment décririez-vous l'alchimie entre les membres du groupe, surtout avec plus de 21 musiciens ayant participé à votre histoire ?
C’est un joyeux bordel, mais un bordel familial. On a la même formation depuis 10 ans maintenant, mais ça beaucoup bougé. Chaque musicien qui est passé par P.O.BOX a laissé une trace, une vibe, une anecdote. Bien sûr, il y a eu des hauts et des bas – comment pourrait-il en être autrement ? Mais cette diversité nous a toujours enrichis. Aujourd’hui encore, malgré les vies qui changent, les enfants, les déménagements. Et ceux qui sont là sur scène maintenant, ce sont ceux qui vibrent encore à l’unisson. Les changements de Line Up, ils sont inhérents au groupe. On est 6 musiciens, on a un ingé son, un ingé lumière, qui souvent fait roadie, ça fait une meute de 8 personnes. Tu ne peux pas conserver 8 gars sur 20 ans. C’est très chaud. Chaque départ est une épreuve, un challenge, parce que j’ai vu défiler des musicos dans P.O.BOX, avec qui j’ai tellement adoré jouer… après, les gars sont bourrés de talents, donc ils vont aller chercher une intermittence un jour, un truc qui tourne officiellement, rentrer des thunes, voir plus grand. Et c’est tellement compréhensible.
P.O.BOX a été la première marche de pas mal de copaings qui aujourd’hui font de la zic professionnellement. Et c’est bien comme ça. C’est notre fierté, par procuration. Néanmoins, je pense que d’avoir un savant mélange d’historiques (Seb (chant), Jay (guitare) et moi (Yul trompette), qui sommes à l’origine du groupe et étions déjà sur « scène » en décembre 2000) et de sang neuf permets de poursuivre cette aventure et de vivre le groupe comme un organisme vivant, qui ne se nécrose pas. C’est un savant dosage de jeunes nouveaux éphèbes doués et des vieux cons encore drôles. Entre fougue et expérience. C’est un vrai plaisir ce panachage.
Enfin, concernant l’éloignement géographique, il est « relatif » mais pesant à la longue, d’autant qu’aujourd’hui, on est réparti entre Paris, Anvers et Nancy… ça n’aide pas à répéter ou composer. Mais ça aide à apprécier chaque moments de retrouvailles.

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Quels sont les moments les plus mémorables de vos plus de 700 concerts donnés depuis 2001 ?
Il y en a tellement… Jouer dans un squat en Croatie avec 20 personnes en transe. Ouvrir pour des groupes qu’on écoutait gamins. Voir un public inconnu chanter nos paroles à l'autre bout de l’Europe. Et puis, il y a les ratés mémorables : des pannes de van en Pologne, des tempêtes en plein set, sur une grosse scène extérieure, des cuivres explosés sur scène. Ces moments deviennent des légendes internes qu’on se raconte encore autour d’une bière.

Comment avez-vous réussi à maintenir la motivation et l'énergie du groupe pendant plus de 20 ans ?
Parce qu’on n’a jamais fait ça pour autre chose que l’amour de la musique et des gens. Le groupe, c’est une bouffée d’oxygène, un espace de liberté, de création, d’amitié. Chaque concert nous recharge. Et on a toujours su évoluer, se réinventer, sans se trahir. Il y a une sincérité dans notre démarche qui nous a gardés vivants, ensemble, même quand la vie perso devenait plus dense.

Quels sont les festivals européens qui vous ont le plus marqués ?
Le Mighty Sounds en République tchèque reste un moment fort – une ambiance incroyable, une scène qu’on a foulée avec des étoiles plein les yeux. Le Dour festival en 2005 nous a aussi bluffés par sa démesure. Et en France, les petits festivals comme Le Gros Tonneau ont souvent une intensité unique, une proximité magique avec le public.

Comment intégrez-vous les éléments punk, ska et reggae dans vos compositions ?
C’est une alchimie instinctive. Le ska donne le groove, le reggae l’espace et la profondeur, et le punk l’énergie et le message. On construit souvent autour d’un riff ou d’un skank, puis on laisse chaque musicien apporter sa patte. On aime casser les codes, surprendre, passer d’une vibe joyeuse à un refrain plus sombre ou engagé. C’est cette liberté qui nous plaît.

Quels sont vos morceaux préférés à jouer en live et pourquoi ?
les nouveaux titres, encore frais, qui nous excitent parce qu’ils incarnent notre évolution. Ce qu’on aime, c’est sentir le public vibrer, peu importe le morceau en vérité.

Comment préparez-vous vos sets pour un festival comme Le Gros Tonneau ?
A la base, on part du temps qui nous est imposé : 45 minutes de set. On construit nos sets comme une montagne russe émotionnelle : des titres punchy pour accrocher, des breaks plus lents pour respirer et reposer nos oreilles, des moments de chant à reprendre en chœur. On pense aussi à l’espace : comment occuper la scène, interagir avec le public. Et puis, on laisse toujours une part d’impro, pour que chaque concert reste unique.

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Qu'attendez-vous le plus de votre participation au festival Le Gros Tonneau ?
Retrouver cette communion rare avec le public. Le Gros Tonneau, c’est un festival à taille humaine, avec une âme. On y vient pour donner, mais aussi pour recevoir. On espère vivre une de ces soirées où tout s’aligne : le son, les sourires, la sueur, les pogos... et les surprises de fin de set. Et les productions locales, toujours aussi bonnes !

Comment vos valeurs et messages se reflètent-ils dans vos performances live ?
Sur scène, on ne fait pas que jouer, on milite. Nos textes parlent d’engagement, de justice sociale, d’utopies nécessaires. Et en live, on essaie d’incarner ça : par nos prises de parole, notre manière de traiter les techniciens, d’inviter d’autres artistes, de vendre nos merchs à un prix raisonnable. La scène est politique, même dans la fête.

Comment transformer un garage deux places en bar ?
Avec beaucoup d’huile de coude, de récup’ et de passion ! On a pris des palettes, des frigos abandonnés, des canapés trouvés sur le trottoir. On a bricolé un comptoir, accroché des vinyles, des affiches de concerts, installé une petite scène. Et surtout, on a ouvert nos portes, à nos potes, puis, aux potes de nos potes. Un vrai bar, ce sont les gens qui le font vivre. D'autant qu'on a à Nancy deux des meilleures brasseries de France !

J'aime bien votre post récent sur les tiers lieux, cela vous dit de cultiver nos lecteurs ? [le post reprenait la définition suivante : Tiers-lieu est un terme traduit de l'anglais « Third Place » faisant référence aux environnements sociaux qui viennent après la maison (premier lieu) et le travail (deuxième lieu) (concept en lien avec les mobilités triangulaires et pendulaires). NDLR]
Avec plaisir ! Les tiers lieux, c’est l’avenir de la scène indépendante : des espaces autogérés, ouverts, où se croisent concerts, débats, ateliers, cuisines collectives. L'objectif, c'est "le mieux" pas "le plus". Ce sont des lieux de résistance douce, où l’on fabrique du lien. Cultiver ces espaces, c’est défendre une autre manière de vivre ensemble.

Quels sont vos projets futurs après avoir célébré vos 20 ans de carrière ? Les 30 ?
On va essayer de fêter dignement nos 25 ans de musique, les 12 et 13 décembre 2025, à Nancy, à la maison, en invitant nos amis musiciens à partager la scène avec un grand feu de la joie. Et ensuite, on retournera en studio. Et ensuite, on repartira sur la route.
ET TOUT RECOMMENCERA :) jusqu' à ce que tout cela ne nous fasse plus rire.
Merci à toi.

Merci au gros tonneau et à Yul pour sa disponibilité pendant le fest.