Darcy


Interview réalisée avec Irvin par Djaycee par mail en Février 2019.


JC : Merci pour d’avoir accepté cette interview, j’espère que tu es comme convenu en train de prendre une petite mousse.
Irvin : Oh que oui. Et pas n'importe laquelle, une bière de brasserie bretonne. Ce qui permet de teaser notre futur clip " La Bière " que nous tournons le 17 février.

JC : Le groupe a été formé en 2016, a sorti son premier album sur Verycords qui est une belle écurie, mais votre EP " Fangio " qui succède à " Tigre " n’est plus sur ce label ? Vous êtes partis en autoprod pour plus de liberté ?
: Tu as tout compris. Signer sur un label pour un premier album est plutôt une bonne chose dans le sens où cela permet d'asseoir plus facilement ton nom dans une scène très florissante, mais en contrepartie cela peut être contraignant. Ton œuvre ne t'appartient plus vraiment, le contrat que tu signes peut t'obliger à racheter tes propres disques, bref... c'est une réflexion à avoir.
Pour l'EP, on voulait le réaliser entièrement maison, et à vrai dire aucun label n'aurait pu être intéressé par un disque que l'on comptait presser en édition limitée à 500 exemplaires. Ce disque est une friandise pour faire attendre le public avant le deuxième album.


JC : Revenons à " Tigre ", le style était plutôt rock engagé comme le faisait NOIR DESIR, alors que sur " Fangio " et sur votre bio on sent plutôt une orientation " punk rock ", les titres " 170 ", " Paris " et l’éponyme " Fangio " sont passés à l’épreuve du live ?
Irvin : Exactement. Nous avions cette étiquette rock français avec l'album " Tigre ", et le public qui nous a vu live nous disait " c'est marrant, on a l'impression que le Tigre a été dopé sur scène. Les morceaux vont plus vite, la voix est plus violente ". A force d'entendre cette réflexion, on a compris qu'il fallait aussi faire un EP plus représentatif de ce que nous faisons sur scène pour d'une part préparer le public à ce qu'il allait voir et d'autre part ne pas duper les programmateurs. Choisir DARCY dans sa programmation, il faut comprendre désormais que ce sera du punk rock.

JC : Si on reparle de " Fangio ", le titre ainsi que la pochette ont fait que je m’arrête sur vous, un peu aidé par KEMAR des NO ONE, il faut l’avouer. Cela m’a permis d’avoir cet EP comme point d’entrée pour votre univers. Pourquoi ne pas avoir décidé de faire un EP live ? Il y avait la nécessité de réenregistrer les deux morceaux de " Tigre " en studio ? Il était trop tôt pour un live ?
Irvin : Oui, nous sommes encore assez jeune comme groupe, on fait nos armes en live, on teste des choses, on apprend encore et toujours. Faire un EP live aussitôt après un premier album et une première tournée aurait clairement été une erreur. Mais à vrai dire, c'est presque un EP live, pas dans le sens enregistré en public, ni sur scène mais dans l'énergie. Tous les morceaux sont joués live, c'est à dire qu'ils ont été enregistrés en une prise sans un gros travail de studio derrière. C'est un EP brut qui donne l'idée de ce que donne DARCY en show.

JC : Troisième titre de l’EP " la bière ", la filiation est très punk des années 80, on sent les GARCONS BOUCHERS, les BERU aussi dans l’interprétation. C’est dans la lignée de " Alcool ", " putain ça pue l’alcool ! ".
Irvin : En fait, ce titre est carrément un morceau des GARÇONS BOUCHERS que nous nous sommes réapproprié. On l'a un peu durci, changer quelques mots par ci par là. Mais sentir la filiation c'est ce qu'on cherchait.
Sur " Tigre ", on nous comparait facilement à NOIR DESIR, EIFFEL, LUKE etc. Là on voulait que les gens comprennent d'où nous venons vraiment, nos influences sont plutôt la scène alternative des années 80 et les groupes plus durs de notre époque comme TAGADA JONES, NO ONE ou MASS HYSTERIA.


JC : Je te parlais de KEMAR tout à l’heure, comment s’est faite la rencontre ? C’est un peu le seul de la scène française à faire des duos, pour faire passer des messages. Il y a un peu REUNO de LOFOFORA mais c’est plus il y a une 15aine d’années (TREPONEM PAL, EKOVA, MASNASA, BOOST, etc.), mis à part son feat avec AQME en 2017.
Irvin : Nous avons signé comme tu l'as dit tout à l'heure sur Verycords qui est le même label que NO ONE. Le directeur du label a fait écouter à KEMAR qui a kiffé notre son et l'idée de nous faire tourner avec eux en première partie est vite venue sur le tapis. Au fil des dates, on a de plus en plus accroché l'un et l'autre, on s'est trouvés des points communs, et surtout des engagements communs. Quand j'ai vu les prévisions annoncées dans les sondages pour le Front National, j'ai écrit un morceau en 15 minutes, très vénère et l'idée m'est tout de suite venu de lui proposer de la chanter avec nous, et connaissant son dégout féroce pour l'extrême droite, ça tombait sous le sens ?
JC : Revenons sur ce duo, " La Marine ", vous ne souhaitiez pas le sortir sur " Fangio " ? Il y avait déjà " L’ode " à son père sur " Tigre " sur " 170 " ?
Irvin : On s'est posés la question et puis rapidement je me suis dit que ça ne devait pas se faire. Ce titre a été écrit comme un coup de poing, un morceau presque indispensable à un moment T. Je ne voulais pas le commercialiser sous forme de disque, ça n'avait pas vraiment de sens. C'est le seul morceau de DARCY qu'on n'a pas déclaré pour être honnête alors que c'est celui que tout le monde réclame en live. On voulait faire un hymne anti Marine et c'était vraiment le principal. Le morceau vit sa vie très bien, il n'a pas besoin de se retrouver sur un disque.
JC : il y a une volonté de choquer avec les clips ? Ou ce sont des choses naturelles pour vous qui entrainent des réactions (des émeutiers qui embrassent des policiers et des buchers des effigies des dirigeants du FN) ?
Irvin : Un peu. Je dis souvent que pour réveiller les gens, certains tapotent du doigt sur l'épaule, alors qu'avec DARCY, on utilise carrément un marteau. S'il faut en arriver à des extrêmes pour réveiller les gens, pour leur montrer le monstre qui se cache derrière le parti de l'extrême droite, alors on choquera autant que possible. Pour les policiers c'est pareil. On a reçu des centaines d'insultes homophobes avec le clip de Paris, et je dois dire que ce clip a toujours autant sa place aujourd'hui quand je vois comment sont traités les manifestants dans la rue ces derniers temps ou quand je vois le nombre d'agressions homophobes augmenter chaque année en France.


JC : " Darty " / " Darcy ", il y a de l’eau dans le gaz ? Vous en êtes où ? Vous y retournez un jour ? Ils vous ont vraiment attaqués en justice ? Vous avez eu les droits de " Capri, c’est fini " ? HERVE VILLARD a décliné l’invitation sur le feat ? Et Benoît Jaubert ?
Irvin : Hahahah. J'ai la tête qui tourne avec cette question. Oui, nous avons vraiment été attaqués en justice par Darty, ce n'est pas une blague. Je vais finir par scanner leur courrier sur notre page Facebook tellement les gens hallucinent. A vrai dire, on a de la chance, les poursuites ont été abandonnées du fait que Darty a été racheté par La Fnac donc on est tranquilles à ce niveau-là.
Et non, nous n'avons pas demandé à Hervé de faire un feat avec nous mais comme c'est une parodie, on a le droit de se lâcher autant qu'on veut.

JC : " Bile Jaune " / " Gilet Jaunes " même combat ? " Nous serons combien à partir au front ? ", un certain nombre dans le mouvement des GJ part au Front mais plutôt aux FN/RN. La révolution humaniste reste-t-elle une utopie ?
Irvin : Non, Bile Jaune et Gilet Jaune ce n'est clairement pas le même combat. A la base, je ne soutiens pas vraiment le mouvement des gilets jaunes. J'étais assez effrayé d'entendre ces gens dire " C'est la première fois de ma vie que je manifeste ". Je leur répondais que ça me choquait et leur disais " mais vous étiez où alors pendant les manifs anti FN ? Vous étiez où pendant les manifs pour les migrants ? Où étiez-vous pour les marches du climat, contre les réformes des retraites, contre les inégalités hommes/femmes etc. ? ". Et les réponses que je recevais étaient effrayantes. Ils trouvaient réellement que la hausse du prix du carburant était la seule raison qui les feraient descendre dans la rue.
Aujourd'hui, je pense tout de même que le mouvement gilet jaune est révélateur d'un vrai mal être, et même si j'avais du mal avec leur mouvement au début, je trouve que leur coup de gueule met en lumière une misère trop invisible et une France à qui on ne demandait même plus son avis. La révolution humaniste est peut-être une utopie oui, mais je préfère toujours le bruit et le bordel, à un peuple silencieux et résigné.

JC : Vous avez fait des dates avec DANKO JONES ou PAPA ROACH. Le fait que vous chantiez en français n’est pas parfois une barrière sur ce genre de date pour les tourneurs ? Certains n’aiment-ils pas de la " consanguinité " quand ils cherchent des premières parties à leurs poulains ?
Irvin : Non pas du tout, ça s'est très bien passé. A vrai dire, on ressent un véritable nouvel engouement pour le rock à guitares. Quand tout le monde écoutait du bon son avant, c'était la p'tite guéguerre entre métalleux, punk, rockeurs, rockab' etc. Puis la guitare a fait place aux machines et ça a bien refroidi tout le monde. Alors maintenant, qu'on chante en français, en suédois ou autre, qu'on fasse du néo metal ou du rock steady, je vois que les programmateurs et les publics sont surtout contents de voir de nouveau du monde à ces concerts.

JC : Merci Irvin. Le mot de la fin ?
Irvin : Le début. Le début d'une nouvelle période, on sent vraiment que le rock français repart de plus belle ces derniers temps et on est impatients de voir ce que va donner cette aventure.