Trust


Interview réalisée par Djaycee en Avril 2018 avec Nono.


JC : Salut Nono, j’ai sauté sur l’occasion de cette interview, cela me donnait l’occasion de rencontrer un groupe qui a fait l’histoire du rock français
Norbert : d’où vient ce nom Nawakposse ?
JC : Nous sommes nés au début des années 2000 avec l’émergence du néo métal, des groupes comme PLEYMO chantaient " Nawak ". Nawak, c’est un peu le coté bordélique, on fait ce qu’on veut.
N : OK, je vois " port’nawak ".
JC : Tout à fait et " posse " c’est que l’on est une bande de potes et d’ailleurs certains ne se sont jamais rencontrés. Maintenant je suis arrivé après la création du webzine mais je ne pense pas trahir l’esprit.
Le webzine est basé dans le Sud-est et étant sur Paris je couvre une partie de ce qui se passe ici. Ce webzine me permet d’avoir de beaux moments de rock et de sortir du quotidien un peu plus austère.

N : Allons-y.

JC : Je me suis fait les doigts sur les riffs de guitares d’" Antisocial " tant sur une vraie guitare que dans le jeu guitare Hero et c’est vrai que c’est une fierté de vous rencontrer.
Revenons à l’album, le fil conducteur de cette interview si tu le souhaites sera un peu un track by track.
Le disque s’ouvre sur " Ni Dieu Ni Maître ", le thème est récurrent chez vous mais Depuis Louis Auguste Blanqui le thème est-il toujours d’actualité en 2018 ? Ce n’est pas un peu galvaudé ?

N : Non je ne pense pas que cela soit galvaudé, c’est une bonne citation. Même si on perd un peu le coté anarchique c’est plutôt une volonté de liberté.

JC : Cet album est particulièrement juste pas de nostalgie pas de faux pas vous touchez juste, on parlait avant l’interview avec l’équipe de Verycords des Chœurs qui sont sur cet album, on y reviendra certainement. Comment conçoit-on un album de trust en 2018 ?
N : On a voulu le concevoir d’une manière très très spontanée. On est parti en tournée, on devait tourner un mois et demi, on a tourné pendant un an. Il y a eu du bouche-à-oreille, ça a fonctionné, c’était complet partout, pendant un an on s’est fait plaisir. Quand on a décidé de faire l’album, on voulait absolument retrouver l’énergie qu’on a aujourd’hui sur scène parce qu’on a une énergie incroyable, bien plus qu’avant. On a atteint une certaine maturité. Surtout le fait de se faire plaisir, à partir du moment où on se fait plaisir, on donne beaucoup en live et on voulait retrouver cette énergie sur l’album.
JC : D’où l’enregistrement live ?
N : Oui, on est parti sur un enregistrement live, on n’avait pas envie d’aller dans un studio, ni de séparer les instruments, que tu arrives dans une cabine, on connait on l’a déjà fait mais on ne voulait pas cela et on voulait absolument que cela soit fait rapidement. Parce qu’aujourd’hui, la vie va vite, la consommation va vite. La musique est devenu une consommation, et il est hors de question que nous passions des semaines voire des mois à faire un album. On a voulu faire cela très vite et surtout live pour conserver cette énergie qu’on a sur scène. Donc il était impératif qu’on soit sur une scène.
JC : Ah oui sur une scène ?
N : Oui, oui on était sur une scène. En fait, on a fait un concert à Saint-Ciers sur Gironde dans la salle des fêtes, on s’est aperçu qu’il y avait un super son sur le plateau et dans la salle. On s’est dit " tiens on va le faire là. " Parce que cela sonne super bien et qu’il y a une bonne acoustique.
JC : Une sorte de résidence ?
N : Voilà, c’est ça. On s’est mis là-bas, on a passé une douzaine de jour à composer sur place en configuration live, c'est-à-dire qu’on est installé comme en concert. Bernie a ses retours de scène, on n’est pas au casque ni rien. On est tous en live. Il a fallu un super travail de nos deux ingé sons et notamment Mike Fraser qui a fait les prises de sons. Il y a eu gros problèmes pour essayer d’éviter au maximum les repisses car on jouait fort comme sur scène. Et finalement ils ont trouvé les bons micros.
JC : Parfois les overheads de la batterie ont tendance à capter les sons des autres instruments.
N : Tout à fait, cela s’est réglé en deux jours, le temps de faire des réglages.
Et après, on a eu une douzaine de jours de compositions et d’écriture, on a fait l’album en trois jours. Dès qu’on a eu 18 titres on a fait " record ". On a composé 18 titres.
JC : Comme une set-list ?
N : Exactement, et on a enregistré les 18 titres en trois jours. Il n’y a pas de retouche, on a rien recommencé derrière, on a tout gardé. C’est du live et c’est ce qu’il y a sur cet album. La seule chose que l’on a rajouté ce sont les chœurs. Les chœurs des filles on les a rajoutés après.


JC : Ce type d’enregistrement est assez rare, de mémoire, il n’y a que RAGE AGAINST THE MACHINE avec " Evil empire " qui avait été enregistré ainsi. C’est un challenge ?
N : C’est clair que c’est un challenge, parce que franchement, Bernie était un peu inquiet au début, moi je l’étais aussi, dans le sens où c’est du " one shot ", c’est du sans filet, si bien que si un de nous se plantait, on devait tout reprendre. Un peu à l’ancienne.
JC : Comme avec les bandes ?
N : Oui l’analogique, comme les trois premiers albums que l’on a faits. Tous les groupes faisaient comme cela, s’il y en a un qui se plantait, on recommençait. Bref, il y avait un peu de pression mais ça s’est bien passé.

JC : J’ai un déjà ma réponse connaissant Mehdi et l’équipe de Verycords mais comment vous vous êtes-vous tournés vers Verycords ? Quand on est TRUST, a priori, toutes les portes doivent s’ouvrir sans problème ?
N : Absolument, écoute je vais te dire sincèrement, on a sollicité plusieurs boites de booking, de tourneurs, il y en avait quatre ou cinq qui étaient très intéressés. C’est moi qui ai mis Veryshow dans le panier, parce que je les connaissais, déjà, j’avais travaillé avec eu en 2011 sur mon premier album solo. Je savais qu’ils avaient une structure adéquate pour nous, je sais que ce sont des gens sérieux, qui maitrisent bien et notre choix, après avoir étudié les différentes propositions, notre choix s’est porté sur Veyshow, tout simplement.
Quand on a remis le couvert en 2016, on a changé toute la structure qu’il y avait autour de nous, c'est-à-dire on a trouvé un nouveau manager Cyrille Teranga qui est pour nous le meilleur manager du monde. On a trouvé Veryshow donc, et puis on s’est entouré d’une nouvelle équipe avec un nouveau batteur. Je tiens à dire que dans TRUST, il y a eu beaucoup de formations, Christian Dupuy, qui est notre treizième batteur, il a 21 ans. Ce n’est pas par plaisir que l’on change de batteur régulièrement. Ce n’est vraiment pas plaisir, il se trouve qu’on a toujours eu des soucis avec les batteurs, bref… on a 5 ou 6 guitaristes, plusieurs bassistes, ce que je veux dire par là c’est que tout est neuf dans cette nouvelle aventure 2017/2018... A part Bernie et moi !

JC : Passons au 2e titre de l’album, " Démocrassie ", vous aviez éprouvé certains de vos titres en live. Celui-ci Vous l’aviez déjà testé au Hell fest.
N : Sur la tournée, on jouait 5 titres de l’album dont " Démocrassie ".
JC : Le live est une épreuve au travers de laquelle passe vos titres parce que finalement il n’y a que 5 titres joués au préalable en live sur les 18 enregistrés
N : Je fais juste une parenthèse par ce que sur les 18 enregistrés, on n’a pu mettre que 13 titres sur l’album.
Oui le live est important pour tester les morceaux. C’était important pour nous de voir comment réagissaient les gens. Tous les nouveaux titres passaient très bien en live, d’ailleurs les gens nous disaient – parce qu’on allait à la rencontre des gens après chaque concert, pour discuter, signer des autographes – " super les nouveaux morceaux ". On s’est aperçu qu’au fur et à mesure des concerts, les gens connaissaient même les paroles. On savait qu’ils avaient adhérer aux nouveaux morceaux.

JC : Je reviens sur le Hellfest parce que Ben, le président du Hellfest a mon âge, on est tous les deux de 1981, comment s’est fait le contact ?
N : Je pense c’est notre tourneur Veryshow qui a dû solliciter Ben. On devait le faire mais il y a eu un gros malentendu, bref on ne va pas revenir sur le passé, ce qui est fait est fait. Cela n’avait pas pu se faire mais on était ravi d’y aller l’année dernière. Et c’est vraiment un festival, je n’ai pas besoin de le dire, tout le monde le sait, extraordinaire. Tout dans le festival, l’ambiance, les décors, le cadre, les ondes, les groupes, c’est un truc génial, il faut absolument faire le Hellfest une fois dans sa vie ! Et on est très fiers d’avoir un festival comme cela en France. Je suis admiratif devant ce qu’ils ont créé, Ben et ses acolytes car Ben est un des responsables mais ils sont plusieurs à travailler avec lui, il ne porte pas tout cela seul sur ses épaules. Mais je suis admiratif devant l’ampleur et l’essor qu’a pris ce festival. Ils ont commencé très petit, comme les vieilles charrues. Félicitations, Bravo, on est fier ! J’ai été ravi d’être au Hellfest.

JC : Je reviens sur le titre " Démocrassie " avec un jeu de mot. " La démocratie est le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres. " Winston Churchill.
TRUST il y a toujours dans la veine TRUST, ce côté revendicatif, ce côté anti institutionnel.

N : On n’est pas anti-institutionnel. On est un groupe engagé. " Démocrassie " écrit avec deux S comme crasse, effectivement car on est dans un monde cynique ou les gens sont centrés sur eux-mêmes ; tant que cela ne se passe pas chez nous, ils s’en foutent. Aujourd’hui, il n’y a plus de courage politique, c’est François Mitterrand qui disait " après moi il n’y aura que des comptables ". On est dans un monde qui va vite et les politiques ont un manque de courage total, il y a le monde de la finance. L’humain n’est pas l’élément principal alors que cela devrait être l’inverse.

JC : Le lien est fait avec le troisième titre, " Fils de pute, tête de liste 12 :14 ".
N : Voilà effectivement. C’est Bernie l’auteur des paroles mais j’assume en grande majorité ce qui est dit. Les politiques ont aujourd’hui un manque de courage flagrant, c’est clair.
JC : A qui se fier alors ?
N : On a le gouvernement qu’on mérite…
JC : J’ai vu une photo qui était postée sur Instagram, sur laquelle Bernie est en costard cravate et je me suis demandé s’il n’était pas un peu en campagne pour défendre l’album et des idées ?
N : Non un coup il est en costard cravate, un coup il est en veste. Il est toujours dans son coté revendicatif. Lui ce dont il a envie c’est de sensibiliser les gens. Il termine chaque concert en disant aux gens " restez en colère ", mais ce n’est pas dans le sens « restez en colère et cassez tout ». Le message, c’est plutôt : " Restez vigilants ".
JC : Sur le qui-vive
N : Oui, c’est cela, " réfléchissez, posez votre portable, éteignez vos ordinateurs et essayez de réfléchir par vous-même avec votre cerveau et surtout soyez vigilants sur tout ce qui se passe autour de vous ".


JC : Le fameux portable c’est l’exterminateur (titre 7 de l’album) si j’ai bien compris ?
N : Oui mais ce n’est pas que cela même s’il y a des allusions au portable. La vie ne se passe pas derrière un écran, la vie elle se passe dehors. Il faut arrêter avec internet et aussi s’intéresser à l’Humain et aux gens qui nous entourent.
JC : Tu parlais tout à l’heure des chœurs qui ont été rajoutés en studio
N : Oui c’est la seule chose que l’on a rajouté après.
JC : Les chœurs apparaissent sur plusieurs titres dont sur le titre partiellement chanté en espagnol.
N : Oui on a voulu se faire plaisir sur ce titre, avec une ambiance sud-américaine.
JC : Mais quand on fait du rock, le fait d’avoir des chœurs, ça n’est pas dévoyer le genre un peu ?
N : Non il n’y a pas de règles. Tu peux prendre tous les albums que l’on a enregistrés, il n’y en a aucun qui se ressemble déjà, d’une part. Sur le premier album, il y a du piano, il y a du synthé, il y a des choristes, du saxophone. Sur le premier album de TRUST qui a cartonné, on en a vendu plusieurs millions. Sur le deuxième album, " répression ", il y a du saxophone. Sur le troisième, on est sur du basse batterie guitare, on a fait simple. Sur le quatrième, il y a un orchestre symphonique, il y a les chœurs de l’opéra.
JC : De prime abord, cela est surprenant car sur les premiers titres c’est du TRUST et sur le quatrième les chœurs viennent alléger les riffs.
N : Bernie a souhaité rajouter des chœurs et on a tous été d’accord car il faut que cela nous plaise. Cela apporte un peu de miel à notre musique, et après ca plait tant mieux, ca ne plait pas tant pis. Nous nous faisons plaisir.

JC : Il y a effectivement ce coté miel, cela permet d’apaiser le son. Ne revenons pas sur le titre " Le gouvernement comme il respire ", je pense que nous avons déjà abordé le sujet avec les titres précédents, passons au sixième titre, " j’m’en fous pas mal ". J’ai été étonné à la lecture de la track-list du disque, mais je me suis dit que cela n’était pas possible. La chanson commence comme du Brassens mais c’est une reprise de PIAF.
Qu’est-ce qui vous a poussé à reprendre PIAF le titre précisément ou le mythe de PIAF ?

N : C’est une idée de Bernie. En la réécoutant, le texte est excellent et il y a très peu d’auteurs aujourd’hui capable d’écrire une chanson de cette veine-là. Il y a des bons auteurs mais avec cette plume là, cela devient rare. Bernie adore ce texte, j’adore aussi ce texte et cela a un sens. Cela donne un sens à l’album car " on s ‘en fout pas mal ".
JC : Tu pourras dire à Bernie que la reprise est super tellement elle est réorchestrée à la TRUST, j’ai du la réécouter pour savoir que c’était du PIAF.
N : Cela a été fait très rapidement. Au départ, je voulais la rendre avec un son à la Keith Richards mais je n’ai pas eu le temps car on l’a enregistré live, comme je t’ai dit et cette version était dans la boite mais on en est assez fier.

JC : " Christique ", j’ai regardé les paroles. C’est ciblé sur Pinochet et Jean-Paul II ?
N : Cela aurait été bien que tu aies Bernie en face de toi car c’est lui l’auteur de cet album. Lui pourrait t’expliquer exactement la finalité de l’écriture.
Qu’en as-tu ressorti toi ?
JC : " Peuple aveugle et sourd ", finalement on est toujours dans le ni Dieu ni maitre et historiquement je voyais la rencontre entre Pinochet et Jean-Paul II dans des situations un contexte historique détestable.

JC : Passons au titre " Dans le Même Sang ".
N : On est tous sous le même ciel, sur la même planète, dans le même sang. On est responsable mais les gens s’en foutent parce que c’est loin. Les millions de réfugiés ont les mêmes envies que nous : avoir un toit sur la tête, avoir la paix. Ils sont en train de fuir les bombes qu’ils reçoivent sur la tête comme nous en 40. Et effectivement oui on a les pieds dans le même sang.


JC : Est-ce qu’on peut revenir sur " Caliente " c’est la deuxième chanson qui dénote du style TRUST. A quel moment on se dit que l’on fait une chanson comme celle-là ?
N : On écoutait un truc sud-américain à un moment donné et on s’est dit, cela serait sympa que se faire un truc dans cet esprit-là. Bernie m’a fait écouter un ou deux morceaux de ce que type là qu’il aimait bien. J’ai trouvé cela intéressant et j’ai dit : " pourquoi pas ? " et puis j’ai pondu une idée qu’on a arrangé en façon sud-américaine, le chansons traite des cartels. Et puis on aime bien, comme je te l’ai dit on a aucun album qui se ressemble et on avait envie de se faire plaisir en faisant un truc un peu différent.

JC : Vous avez enregistré 18 titres, qu’est-ce qui fait que l’on retient celui-ci ?
N : En fait, chacun a fait sa liste des titres que l’on souhaitait conserver, on a comparé, on a un peu argumenté, cela n’a pas été évident. Il reste donc 5 autres titres, qui sont là, que l’on garde et on les sortira certainement plus tard en bonus.

JC : " F-Haine ", cela commence vraiment punk un peu comme " Anarchy in the UK ".
N : C’est vrai, j’ai toujours adoré les PISTOLS, Bernie aussi.

JC : Tu as posté hier une photo de toi avec Bernie à vos débuts, qu’est-ce que tu retiens de ces années et quels combats reste-t-il à mener ? Que retient-on de 40 années de carrière ?
N : Quand j’ai rencontré Bernie en 77, il revenait de Londres, et moi je revenais du Club Med au Maroc, et il avait flashé sur l’explosion Punk. En France, ce mouvement n’était pas encore arrivé. On était à 100% dans le disco. Je rencontre Bernie avec sa veste, ses patchs et ses badges. Il s’était punkiffé. Moi de mon coté j’écoutais des groupes sudistes, 38 SPECIAL j’étais plus en mode Santiags et cow-boy. C’est finalement ce qui fait la richesse d’un groupe. Les mélanges ont toujours fait des bons groupes. Quand je l’ai vu on a joué ensemble et cela a matché tout de suite.

JC : On a parlé du passé et les combats qui restent à mener ?
N : Il y en beaucoup malheureusement. C’est sans fin, il y a toujours eu des combats à mener depuis le début de l’humanité. Des choses qui nous bouleversent, il y en a tous les jours, je ne pense pas que Bernie ait un jour pénurie de thème pour ses chansons.

JC : Nono, je te remercie pour cet échange.
N : JC, merci à toi.