Lunar Tombfields


Interview réalisée par Hicks avec M (Guitare/basse/chant en studio, chant/guitare en live) et A (guitare/batterie en studio, batterie en live) le 26 novembre à Nantes au Ferrailleur à l’occasion de la Black Metal Night XI des Acteurs de L’Ombre Productions.


Bonjour, vous pouvez nous présenter le groupe pour celles et ceux qui ne connaitraient pas encore ?
M : LUNAR TOMBFIELDS, c’est un groupe qui a été créé pendant le confinement en 2020 suite à pas mal de réflexion de ma part dans un premier temps et puis j’ai rapidement proposé à A de me rejoindre et donc on a sorti 2 albums, le dernier sorti il y a 1 mois, toujours chez Les Acteurs de L’Ombre et on est là ce soir pour le défendre en live.
A : On a commencé en jouant du Black Atmosphérique assez marqué pour le premier album et sur le second, on n’est moins sur de l’atmosphérique même s’il y en a encore, on fait plus dans un Black “ traditionnel ”. On est un duo qu’on a agrémenté de 2 musiciens pour le live.

C’est quoi votre crédo ?
M : On se voulait hyper atmosphérique au début, on travaillait plus les ambiances, les mélodies, c’était assez triste, plaintif et mélancolique. Le deuxième album est lui beaucoup plus guerrier, beaucoup plus violent.
A : C’est une réflexion qu’on a à posteriori, qu’on a eu au moment de la composition, car on voulait savoir vers où aller. Et comme on n’aime pas non plus se poser 10 000 questions, qu’on écrit notre musique comme elle vient.
M : On n’a pas de truc prédéfini au début de la composition, ça vient comme ça vient…
C’est instinctif.
A : C’est même hyper instinctif.
M : le fait qu’on ne soit que deux ça va hyper vite, j’ai une idée, qu’est-ce que t’en penses… ? On se connaît bien, on a l’habitude de travailler ensemble, on ne passe pas énormément de temps sur la compo…

" An Arrow To The Sun " est sorti le 6 Octobre chez Les Acteurs de L’Ombre. J’ai trouvé l’album hyper épique, froid et planant à la fois…
A : Carrément, c’est notre ressenti et plus incisif aussi je dirais et plus violent.
M : Il est à la fois très froid dans les thématiques abordées et dans les sonorités, pour autant, je trouve qu’on a passé une étape et qu’il est un peu plus chaleureux et chaud que le premier album, plus lumineux, même si bien sur, les thématiques abordées restent les mêmes que le premier album.
A : C’est du brouillard sur la pochette du premier album, un mec dans un char, dans du brouillard. Sur le second, c’est un soleil sur la moitié de la pochette avec un gars qui lui tire une flèche, je pense que ça représente bien l’évolution d’un album à l’autre…
M : L’idée c’était de jouer sur la dualité entre les deux et épique, comme tu l’as dit. On écoute pas mal de chose en dehors du Black Métal et instinctivement, j’écoute beaucoup de choses épiques, forcément, ça se retranscrit dans la musique, c’est parfois compliqué d’essayer de faire quelque chose de cohérent entre quelque chose de triste épique, guerrier et éthéré…
A : C’est un album qui traite d’un combat perdu d’avance presque, d’une revanche à prendre sur un combat qui n’est pas encore complètement perdu…
M : Il y a ce côté fataliste effectivement…, on verra pour la suite.
C’est quoi justement la thématique de l’album ?
Il faut le prendre comme une suite au premier. Sur le premier, c’était un peu le constat d’une humanité complètement faillible, pieds et poings liés face à la course de l’histoire au mouvement des divinités. Le second c’est le sursaut combatif, digne et fier et même si les dés sont un peu jetés d’avance, on se bat quand même…

Lunar Tombfields

Au niveau du chant, tu as quelque chose de sludge et déclamé.
M : C’est ça. Sur le premier album, c’était la première fois pour moi en studio, j'essayais des choses, on n’était pas vraiment satisfait de ce qui en est sorti, donc on a pas mal travaillé dessus et puis ça s’est fait en live, sur les tournées successives, j’ai petit à petit trouver mon style. Je pense que c’est pas mal lié au fait que j’écoute beaucoup de groupe de Black Métal qui ont plutôt des voix graves, c’est quelque chose qui m’a toujours attiré, instinctivement je suis parti là-dessus.
A : Au début la première fois qu’il a chanté il y avait un tâtonnement et pendant les tournées, on voyait ce qui marchait, ce qui plaisait… et donc on a travaillé dans cette direction… et l’expérience aidant on a trouvé ce qui nous plaisait à faire, ça s’est fait naturellement…
M : Je comprends le rapprochement avec le chant sludge et après les déclamations dans le Black Death c’est toujours quelque chose qui m’a attiré.

Sur l’album, y’a du chant en anglais et en français sur chaque morceau de fin de face du vinyle. Sur le prochain album, vous prévoyez de chanter entièrement en français ou bien comme la musique c’est instinctif le choix de la langue ?
M : Le choix du français s’est fait naturellement aussi, on écoute tous les deux des groupes de Black Metal qui chantent en Français, on a toujours été attiré par ça. Moi j’aimais bien l’idée de finir chaque face du vinyl par un morceau en français comme si ça clôturait un chapitre. Si le prochain sera entièrement en français ? Pour le moment, on n’en sait rien. Honnêtement, j’aime bien la dualité entre les deux, ça apporte toutes les deux quelque chose de différent.
A : Tu n’évoques pas les même sentiments et ambiances selon la langue choisie.
M : Le choix sera fait par rapport au message et à la manière de l’interpréter. Etant français c’est vrai que c’est quand même plus simple d’écrire en français, en tout cas moi j’ai l’impression de pouvoir dire plus de choses et de les dire plus profondément, après je reste persuadé que l’anglais pour la musique, c’est quelque chose qui se marie mieux.
A : Je n’ai jamais trouvé ça particulièrement bizarre le français. Regarde en Scandinavie, les groupes font des albums avec la moitié de leurs morceaux dans leur langue maternelle. De toute façon, on n’a pas encore commencé à composer le prochain album donc ses questions arriveront plus tard…

Vous aviez été rapide à composer les 2 premiers…
A : Oui mais on n’était dans la même dynamique, on a monté le groupe pendant le confinement et on a mis 3/4 mois pour le composer, on l’a enregistré, on est parti en tournée… En rentrant de tournée, on avait la dalle et déjà plein d’idées…
M : " An Arrow To The Sun " a été composé à 90 % sur la route. On a décidé d'arrêter les concerts pour finaliser l’album en mars dernier. On n’a pas vraiment eu de pauses entre les deux et justement c'est toutes les innovations qu’on a découvert sur scène qui ont influencé aussi ce 2ème album.
A : Y’a un titre du second album (" Solar Charioteer ") qu’on joue en live depuis 1 an pratiquement, il a pas mal évolué depuis sa première ébauche au fil des concerts, je suis un musicien qui improvise pas mal en live et comme on est encore un jeune groupe, cette manière de faire nous permet d’évoluer…
M : La trame du groupe c’est de se mettre aucune barrière sur la composition, tout en restant cohérent…
A : Il ne faut pas s’attendre à ce qu’on sorte un troisième album aussi vite que les deux premiers. On souhaite bien défendre ce second album, avec une bonne promo, pouvoir choisir nos dates, nos tournées…
M : On n’est pas friand de toute façon des groupes qui sortent un album tous les ans…
La composition est hyper fine.
A : Oui elle est ciselée.
M : On a trouvé notre méthode maintenant. J’arrive avec des idées et je les fais écouter à A qui va les réécouter à froid, proposer des arrangements, supprimer, ajouter des choses… On fait tout à deux, on sait où on va, pas de perte de temps à réfléchir à plusieurs…, ça va plus vite à deux mais tout est extrêmement réfléchi.
A : C’est ça qui est contre intuitif je dirais, c’est une musique assez ciselée, pleine de petits détails, les morceaux sont riches, c’est long… mais dans le processus de composition ça n’est pas bien compliqué entre nous, on ne s’est jamais pris la tête pour arranger quelque chose qui n’allait pas, c’est instinctif et organique.
M : Contrairement à des groupes que j’ai eu auparavant où on devait faire chacun pas mal de concession pour arriver à un compromis.
A : Pour le second album, on a fourni le même volume que le premier, ça a été composé en « /4 mois aussi.

Et l’enregistrement ?
M : On a été chez Raphaël Henry au Heldscalla Studio en Charente. Il nous a été conseillé par des amis et il a compris où on voulait en venir, c’était intuitif aussi pour le choix du son, ça a un peu été le troisième homme de la compo en vérité et il nous a donner des idées, le seul petit regret est qu’on avait que 12 jours de studio, on a dû bâcler quelque chose, le chant a été fait en 1 après-midi. Pour le reste, on savait qu’on voulait travailler sur le mastering avec Benoît du Drudenhaus Studio les deux se connaissent très bien. Raph est un peu comme le jeune padawan de Benoît dans le milieu. Ils ont l’habitude de travailler ensemble et on a pris 2 semaines pour le master.
A : Mis bout à bout, on a du passer 1 mois bien intensif : 12 jours d’enregistrement et 2 semaines de mix/master.
M : … qui ont été des semaines éprouvantes en ce qui concerne le mix et mastering. On était sur place donc tout aller vite mais les journées furent intenses et longues, c’était éprouvant. Mais on est extrêmement satisfait du son.
A : En ayant fait cet album avec ces 2 personnes différentes, on a eu 2 visions extérieures différentes qui nous ont bien aidé. Raph a une approche rock, très instinctive du son, c’est brut, ça va vite, c’est instinctif. Benoit lui a une approche plus fine, plus tempérée. Leurs personnalités sont différentes et ça nous a donné un spectre large musicalement parlant, c’était super intéressant…
Le fait d’avoir fait le chant en une seule après-midi, ça donne quelque chose de beaucoup plus brut et d’instinctif…
M : Oui mais on n’a pas trop eu le choix, tout a été fait en une prise, on a repris quelque mot par-ci par-là, ça donne un coté urgent qu’on aime bien finalement. On est assez content du résultat final même s’il y a des choses qu’on aurait aimé améliorer mais ça colle assez bien avec toutes les thématiques abordées sur l’album.
A : Il est vraiment allé jusqu’au bout, on a enregistré la voix jusqu’au dernier moment, on devait terminer à 19h et il chantait encore à 18h55… A 18h58, il cassait sa voix :)
M : Instinct de survie à la fin.

Lunar Tombfields

Tu peux me parler du morceau " Représaille " où tu déclame sur la fin…
M : C’est un des points qui a pas mal été discuté. Avec le recul, on aurait aimé lui donner une forme différente plus dynamique. Le côté poésie/déclamé/scolaire c’est quelque chose qui était voulu, ça avait été écrit comme ça en tout cas. Mais avec le recul, peut-être qu’on aurait pu prendre plus de temps pour l’étoffer. Au final moi j’aime bien quand même, en live, ça fonctionne bien d’après les premiers retours qu’on a…
A : ça aurait mérité une heure de plus en studio…
Je trouve que c’était un des meilleurs moments de l’album…
M : C’est un des rares moments qu'un auditeur français va comprendre, il peut plus se poser. On est assez content de son placement dans l’album.
A : Ce passage fait quasiment la moitié du morceau, le reste des instruments s’articule autour de la voix.
M : Le chant a été écrit en premier et la musique après, chose rare pour nous. J’avais cette idée et on a brodé l’instrumentation autour.
Quelle est la thématique ?
M : " Représailles " comme son nom l’indique, c’est le sursaut, c’est le morceau le plus doom de l’album avec un passage de funeral doom, extrêmement lent, sombre et épique à la fois et cette fin est presque folk avec les guitares, c’est un petit peu le chant du cygne de cette première révolte. L’album est conçu en différents chapitres, il y a forcément quelque chose qui se passe après mais c’est un peu la fin du premier chapitre et de la première face qui ne finit pas très bien.
A : Ce qui est marrant avec ce morceau, c’est qu’il a une place particulière, c’est celui qui nous a le plus résisté :)
M : Que ce soit pour la composition, pour les arrangements, l’enregistrement, le mix, le mastering.
A : C’est un peu le dernier gamin :)
M : Je trouve que c’est le morceau avec le plus de facettes, le plus progressif avec le plus de rifts, le plus de parties différentes, celui qui nous a demandé le plus de tout au final.
A : Je disais tout à l’heure que c’était instinctif la composition chez nous mais il y a des moments où on a du se battre, se creuser un peu plus… cette partie en poésie déclamée ne s’est pas offert à nous.

En parlant de passage plus calme, plus acoustique, sur " As Iron Call " il y a un que je trouve très onirique.
A : C’est un passage que j’ai écrit il y a longtemps, un hiver au coin d’une cheminée quand il faisait très très froid où j’étais tout seul. A une époque aussi j’adorais la scène folk avec des groupes comme VÀLI, OCTOBER FALLS, ce genre de chose. Ce passage a trainé longtemps dans un tiroir et je l’ai ressorti à un moment où l’on avait évoqué l’idée d’un interlude folk…
M : Peut-être juste après la sortie du premier album. J’avais ça dans un coin de mon PC. Il nous manquait quelque chose.
A : C’est le seul moment de l’album où l’on ne joue pas d’ailleurs. C’est un invité qui le joue, un proche car on a voulu invité Loïc pour l’enregistrer, on avait besoin de quelqu'un qui puisse le faire sonner du mieux possible et je pense qu’il avait le niveau. On ne l’aurait probablement pas fait sonner comme ça.

J’ai eu l’occasion de vous voir au Klub à Paris lors de votre tournée de 9 dates et 3500 km.
M : C’était une des meilleurs dates de la tournée, on a adoré, le KLUB c’est petit, les conditions sont parfois un peu roots mais il y a toujours une pure ambiance, on a eu plein de bons retours, on a beaucoup vendu ce soir-là. C’est une cave mais il y a une atmosphère particulière et le public est toujours réceptif. On a joué 3 fois là-bas maintenant.
A : On a joué 3 fois là-bas et même si le Klub est quelque peu snobé par les parisiens, c’est toujours top d’y jouer pour nous, c’est la cave des provinciaux comme ils disent, mais pour nous c’est bien, y’a toujours du monde, l’ambiance est cool et quand tu es en tournée on ne peut pas toujours avoir de plus grosses salles sur Paris.
M : Si on a l’occasion de jouer dans une plus grosse salle on sera heureux mais en attendant, on y joue toujours avec plaisir.

Lunar Tombfields

Vous avez une anecdote de la tournée ?
M : Beaucoup, on a tourné avec des copains donc au niveau de l’ambiance, c’était très chouette, il y a eu des dates vraiment excellentes, d’autres un petit moins bien avec des soucis d’organisation, le temps qui a du décourager les gens, mais dans l’ensemble c’est un bon souvenir. On voulait justement faire une tournée juste après la sortie de l’album pour lancer la machine et être prêt scéniquement pour les plus belles dates qui arrivent après et je pense que le contrat est rempli à ce niveau-là.
A : C'est un plaisir de tourner avec des gens comme JOURS PALES. Dans LUNAR on s’entend tous bien, on est ami avant d’être des collègues de musique.
M : On a croisé sur la route les collègues de RUYYN qui sont des copains de label.

On va revenir un peu sur la cover de l’album faite par Sözo Tozö...
M : Le premier album a été fait par Denis Forkas, le peintre russe, qu’on aime beaucoup mais il n’était pas dispo pour le second album. On aime tous les deux avoir une continuité dans l’identité visuelle mais ça n’a pas pu être le cas. J’avais un peu flashé sur le tableau que Sözo avec fait pour un album de FERRITERIUM sorti il y a quelque années. J’en ai parlé à A qui était d’accord, ça collerait bien notre délire donc on lui a demandé et elle a été complètement partante. On lui a envoyé un croquis, les paroles, les thématiques abordées, elle savait où il fallait aller et ensuite, son talent a fait le reste. Elle nous a envoyé la pochette, on a fait quelques petites retouches et le tour était joué.
A : Ca a été vachement bien d’avoir contacté Sözo car elle a son style, c’est une peinture avec beaucoup de relief, de la texture et de l’épaisseur, ça contraste bien avec la première pochette qui était plus éthérée. Les deux pochettes sont quand même liées, même si le style est différent, l’ambiance est la même pour les deux, donc au final ça a été un bon concours de circonstances que de travailler avec elle, on est très content de son travail et elle aussi, il semblerait…

Je vous laisse le mot de la fin pour les lecteurs.
M : Merci en tous cas de ton temps, on espère que le concert de ce soir va bien se passer et que les prochains concerts, qu’on espère nombreux, le seront aussi en France et à l’étranger car on a vraiment envie d’exporter de défendre cet album le plus loin possible.
A : L’hiver arrive, recentrez-vous, réchauffez-vous entre proche, ne vous éparpillez pas, c’est le moment de le faire. Faites des choses que vous aimez, écoutez de la bonne musique, allez voir des bon concerts…
M : On a fait tout ce qu’on avait à faire pour cet album, on est content, maintenant, il y a plus qu’un seul juge de paix, c’est le public, donc on verra ce qu’il en pense…