Benighted


Interview réalisée par Virgile le 21 février 2020 avec Emmanuel (guitare) et Juien (chant) au Hellfest Corner à Paris.


Bonjour, peux-tu te présenter ainsi le groupe ?
Emmanuel : Salut c'est Emmanuel, guitariste de BENIGHTED, groupe de Métal extrême qui existe depuis 1998 et formé par Julien Truchan et Gab, l'ancien guitariste, et on est de retour avec notre 9ème album.

Vous allez sortir le 10 avril votre nouvel album " Obscene Repressed ", tu peux m'en dire plus et notamment au sujet du concept qu'il y a autour de l'histoire de Michael ?
Emmanuel : Depuis un certain temps maintenant, Julien écrit, pour chaque album, une histoire autour d'un personnage. Il a choisi d'appeler son personnage Michael et c'est basé sur ses expériences personnelles et professionnelles qu'il a au travers de son métier. Julien est infirmier en psychiatrie, c'est une mine d'or pour des sujets de Métal Extrême. Il est confronté à des gens pas très net, l'histoire parle d'un enfant qui est né avec une énorme fente palatine. Pour celles et ceux qui connaissent pas, le terme plus approprié c'est un bec de lièvre vraiment grave avec os fêlé et donc un trou dans le palet. Cet enfant dégoûte sa mère qui éprouve une vraie répulsion envers lui, l'obligeant à porter constamment des bandages pour masquer sa difformité mais pourtant au-delà de l'aspect physique qui la rebute, elle est malgré tout surprotectrice avec lui, elle l'aime quand même, ce qui crée une espèce de frustration. L'enfant ne comprend pas, du coup, d'un côté il la dégoûte mais il est aimé aussi, ce qui va créer chez lui une certaine psychose. A côté de ça, son père le maltraite à cause de sa difformité donc ça rajoute un problème en plus pour lui et plus les années passent, plus il commence à tomber amoureux de sa mère car il s'aperçoit qu'elle le surprotège et il commence à se convaincre que son père l'a conçu difforme pour que sa mère le trouve repoussant et dégoûtant. Il va commencer alors à imaginer qu'il tue son père dans ses rêves les plus fous, on en parle dans la chanson " Brutus ", qui est aussi une allusion à l'assassinat de César par Brutus. Au final, Michael finit par péter un câble, il s'arrache ses lèvres, les glisse en douce dans le repas que sa mère a préparé pour qu'elle les mange sans s'en rendre compte... bref, c'est très très tordu, Julien en parlerait mieux que moi car c'est lui qui écrit les paroles. Comme d'hab' avec lui, on a droit à un concept-album bien tordu inspiré d'un de ses patients qui avait une fente palatine dans le palet et quand il fumait, la fumée rentrait dans son palet ce qui lui provoqué des hallucinations. Il entendait des voix et croyait qu'on lui demandait de faire des trucs chelou avec le trou qu'il avait. C'est inspiré de ça mais Julien a développé quelque chose de beaucoup plus malsain autour de ça.
Si j'ai bien compris les paroles, ce sont les parents qui ont refusé de soigner Michael à sa naissance ?
Emmanuel : Oui.
Ça fait très film d'horreur à la " Massacre à la tronçonneuse "...
Emmanuel : Oui bien sûr, on fait toujours en sorte de rendre l'histoire plus glauque qu'elle ne l'est, on fait du Métal Extrême donc on peut et on veut que ce soit le plus glauque possible...
Ce n'est pas vraiment du cannibalisme, c'est juste que la mère mange les lèvres de son fils sans le savoir...
Emmanuel : Oui, il arrache ses lèvres et les fait manger à sa mère, il n'y a aucun mort dans la famille, c'est juste psychologique, mais quelque chose de vraiment violent psychologiquement.


Je trouve qu'il y a encore une étape de franchie par rapport à l'album précédent, comment s'est passée la phase de composition ?
Emmanuel : Depuis " Necrobreed ", c'est la même façon de faire, je m'occupe de toute la partie musicale et instrumentale, je fais des démos/maquettes que j'envoie aux autres ensuite ils me donnent leur avis et on avance comme ça. Une fois qu'on a une bonne base et pas mal de morceaux de construits, Julien vient chez moi et on retravaille les structures de sorte que le chant puisse s'y prêter le mieux et qu'il soit le plus efficace possible.
Vous retravaillez ça en répétition après ?
Emmanuel : On ne répète pas, maintenant, notre line-up est éparpillé aux quatre coins de la France, on a un batteur qui habite au fin fond de la Lozère, l'autre guitariste est à Amiens, moi j'habite à Dijon, Julien dans la campagne vers St-Etienne et le bassiste aussi. C'est le gros bordel pour composer en répétition, c'est pour ça que je fais tout depuis chez moi, ça facilite les choses. Ce n'est pas facile de composer tout seul c'est sur mais finalement, on avance plus vite comme ça. On répète juste avant les tournées. On essaie de le faire dès fois quand on a une nouvelle chanson mais c'est compliqué.

Pour l'enregistrement, ça c'est passé comment ?
Emmanuel : Pour l'enregistrement, j'ai enregistré les guitares chez moi, après on a réservé une semaine pour enregistrer la batterie au Kohlekeller studio en Allemagne, le même studio depuis l'album " Identisick " et une autre semaine pour faire la basse et le chant.

J'ai trouvé l'album hyper varié dans les styles, tu as de l'acoustique sur l'intro de " Brutus ", du Black, du Grind, du Death et même du Jazz aussi...
Emmanuel : Ça c'est une idée de Julien, d'ailleurs, on peut l'entendre sur les samples en anglais, en gros ça dit " Maman, regarde, j'ai essayé de faire quelque chose de beau pour toi ", d'où la partie acoustique qui est très jolie je trouve avant que la suite ne parte sur un massacre (cf. " Brutus ") et à la toute fin de la chanson on peut entendre une voix, c'est celle de Kohle le producteur. Pour la partie jazzy, c'est une de mes idées, j'avais pensé à ça pour trancher avec un morceau assez basique de Grind/Death que je trouvais encore trop classique et basique d'où la présence d'un solo assez déroutant en plein milieu qui apporte une certaine touche de fraîcheur et d'humour, tout en restant dark pour coller au maximum avec les textes sombres de Julien. Et ça montre aussi, sans être trop démonstratif je trouve, qu'on est capable de faire autre chose dans BENIGHTED.
Ça reste technique BENIGHTED...
Emmanuel : Oui et non, c'est de la technicité mais utilisée à bonne escient je pense, on n'est pas dans la démonstration, on ne fait pas un concours de Guitar Hero non plus, il faut que ce soit efficace avant tout.


Y'a pas mal de bruits malsains sur l'album, je pense à l'intro et la fin du premier titre...
Emmanuel : Oui, l'intro de l'album c'est un espèce d'Asmr, tout le monde connaît cette mode, c'est censé te détendre mais en fait c'est la chose le plus stressante possible. On a fait faire des bruits de bouche à Julien sur un micro et on les fait courir de gauche à droite, si tu les écoutes au casque, ça te traverse la tête, t'entends des bruits de mastication dégueulasse, et d'un coup sans prévenir ça part sur un gros blast avec une voix ultra saturée Black Métal, on a voulu créer un effet de surprise, une sorte de jumpscare comme dans les films d'horreurs, t'écoutes un truc dégueu, tu te doutes que quelque chose va arriver mais tu ne sais pas trop quoi...
Et sur la fin du morceau, y'a les vomissements...
Emmanuel : Les vomissements, c'est une idée de Julien. Pour l'anecdote, l'intro en ASMR c'est une idée de notre batteur, c'est à souligner d'ailleurs, car c'est rare que les batteurs aient des idées, ahah. Sinon pour la fin, Julien a pensé que ce serait une bonne idée de mettre des samples de vomissements, du coup, on s'est tous mis à vomir et à enregistrer ça et puis ça collait assez bien aux textes de la chanson, puisque dans la chanson, la mère découvre qu'elle a mangé les lèvres de son fils...

L'histoire est racontée dans l'ordre ?
Emmanuel : Non comme dans la plupart des albums, il y a concept mais qui n'est pas forcément raconté dans l'ordre.

Concernant la production, comment avez-vous procédé pour avoir ce son si reconnaissable ?
Emmanuel : Alors là sans te mentir, 80% du boulot sur le son de la prod a été fait par notre producteur, il sait ce qui est bien ou pas pour nous, ce qui va bien sonner ou pas. J'avais une petite idée, je voulais un truc un peu old school comme on avait eu sur " Necrobreed " qui misait beaucoup sur les grattes et qu'on pouvait retrouver sur les premiers ENTOMBED et sur toute la vague Swedish Death Metal de la fin des 80's/début 90's. Mais comme sur ce nouvel album, les riffs sont un peu plus techniques et précis, on ne pouvait pas avoir un son aussi crasseux, le rendu aurait été compliqué, on a donc du faire un mix entre un son crasseux old school et un son plus moderne et je trouve que le mix final pourrait se définir comme étant un bon compromis entre " Carnivore Sublime " et " Necrobreed " et du coup, on s'est laissé guider par Kohle pour ça, on lui a dit qu'on voulait avoir un son dans ce genre et il nous a conseillé de jouer avec tel ampli... On lui a fait confiance à 100% là-dessus. Et donc, le mixage c'est 80% de ses idées.
En tout cas, moi j'ai préféré cette production à celle de " Necrobreed "...
Emmanuel : C'est le fait je pense d'avoir gardé un son granuleux à la " Necrobreed " mais avec un rendu plus moderne qui rend le tout facilement audible...

Comment Jamey Jasta s'est retrouvé sur votre morceau " Implore The Negative " ?
Emmanuel : On y est allé au culot. On avait déjà 2 guests et on en voulait un 3ème surtout sur cette chanson qu'on trouvait assez différente du répertoire de BENIGHTED. Pour nous la présence d'un guest se justifiait et comme Julien est fan de HATEBREED on s'est dit qu'on pourrait tenter le coup de le contacter et de lui demander, surtout qu'on a appris qu'il appréciait le groupe et qu'il avait déjà parlé de nous sur son podcast qu'il fait sur une radio américaine. On a réussi à avoir son contact grâce à un mec de chez Nuclear Blast qui est aussi fan de BENIGHTED. Il l'a contacté à notre place, lui a demandé. Jamey a accepté sans trop savoir ce qui l'attendait. On lui a envoyé la maquette du morceau et nous a répondu favorablement. Et quelque semaines plus tard, on a reçu les pistes voix...
J'aime beaucoup l'intro de batterie de ce morceau et d'une manière générale, j'adore le son de batterie sur ce nouvel album.
Emmanuel : Il y a eu un gros travail de Kevin Paradis même si c'est moi qui ait écrit les grandes lignes. Kévin a tout réadapté à sa sauce, il a fait un boulot de dingue, j'adore, je suis vraiment fan de son jeu sur l'album, il a fait des trucs inattendus, dont cette intro assez tribale, qui fonctionnent vachement.
Si vous partagez l'affiche avec HATEBREED, vous pensez que ça pourra se jouer en live ce morceau ?
Emmanuel : Si on se retrouve sur un festival, ce serait bien oui.


Julien, comment tu enregistres tes parties en studio ?
Julien : Généralement, je fais du one shot pour commencer et ensuite je reprend les parties qui ne me semblent pas assez puissantes..., C'est souvent comme ça que ça se passe, du coup, ça va assez vite. En général, je mets 2 jours pour enregistrer les voix de l'album.

C'est quoi ton pire souvenir de tournée et ton meilleur ? La croisière 70 000 tons of Metal par exemple ?
Emmanuel : Oui entre autre mais je dirais la tournée en Inde/Asie qu'on a fait en 2017, j'ai vraiment adoré, c'était tellement dépaysant, on a eu un public tellement différent de ce qu'on a l'habitude d'avoir. Je me rappelle d'un show au Vietnam qui était sold-out, la salle était au premier étage d'un bâtiment, le public a tellement foutu le bordel que le sol a commencé à s'écrouler, c'était sold-out et là-bas la sécurité c'est autre chose qu'en Europe, ils n'étaient pas très regardant si on peut dire, des gens continuaient à rentrer dans la salle par les fenêtres, c'était un concert de malades, ce sont des choses qu'on ne peut pas vivre en Europe car il y a les normes de sécurité, t'as des crash barrières, là-bas, t'avais des gens qui dégueulaient par les fenêtres, c'était une invasion de zombie, ahah, c'était fou l'Asie et rien que pour ça c'était génial. La croisière dans les Caraïbes, c'était un peu le trip en mode luxe, tu voyages dans le 2ème plus gros paquebot du monde, dans les Caraïbes avec tes potes, pendant 1 semaine, tu n'as que 2 sets de 45 minutes à faire et tout le reste du temps, tu glandes... c'était un autre monde aussi et c'était génial.

C'est quoi les projets pour la tournée en plus ?
Emmanuel : on aura tout les festivals d'été comme le Summer Breeze, le Motocultor, on aura une autre tournée européenne en fin d'année et pour 2021, on voudrait rejouer aux Etats-Unis et en Asie. On a un festival au Mexique qui est entrain de se négocier. Y'a l'Amérique du Sud qu'on a encore jamais fait mais on a quelques pistes...

Vous avez un partenariat étroit avec Hyraw, tu peux m'en dire plus ?
Emmanuel : Notre ingé-light bosse chez Hyraw d'où ce partenariat...

Quelle est la question que je ne t'ai pas posé et que tu aurais aimé que je te pose avec sa réponse ?
Emmanuel : Quel guest j'aimerais avoir sur un de nos morceaux ?
Réponse : Mikael Åkerfeldt d'OPETH et de BLOODBATH. Ce mec a le meilleur growl qui existe, ce serait tellement énorme de l'avoir sur un morceau. En tout cas, je ferais tout pour l'avoir un jour.

Je te laisse le mot de la fin...
Emmanuel : Merci d'être là, de toute façon, on sait que vous nous soutenez que vous serez toujours là. Vous êtes le meilleur public qu'on puisse avoir, c'est comme une famille, on a l'impression de se connaître, on vous rencontre souvent au final et avec le temps, certains d'entre vous deviennent des potes et quand ton public c'est tes potes, y'a rien de mieux.
Pour celles et ceux qu'on ne connait pas encore personnellement ou assez bien, merci de nous soutenir, on grossit de plus en plus et c'est grâce à vous tout cela !