Interview réalisée par Djaycee en Avril 2019 avec Didou et Viber.


Djaycee (JC) : Nous pouvons débuter l’interview chronologiquement.
Vous avez dans un premier temps lancer un teaser dans lequel on voit chacun d’entre vous " bugger " quelques secondes et faire apparaitre un crâne en lieu et place de votre visage. Puis la pochette avec la petite Nikoll qui tient un crâne trépané d’où sortent des flammes. Le clip est aussi très visuel. Dans le clip d’ " A vif " on vous voit défigurés, scalpé laissant apparaitre chair et os.
On sent que l’album va être dense, lourd et sombre. Le plus sombre de votre carrière ?

Viber (V) : on a voulu garder de la mélodie mais c’est vrai que la couleur globale est nettement plus métal. On voulait commencer à composer ensemble avec Sylvain qui est le nouveau bassiste qui est arrivé très récemment. On est allé vers ce son et avec ce que nous avions à dire, cela collait très bien avec quelque chose de très dur. On a voulu quelque chose de cohérent avec la pochette et avec le visuel. Avec le choix aussi du premier single.

" On va tous crever " nous renvoie à l’urgence écologique qui fait parler tout le monde à travers la planète, cela dit que l’on va droit dans le mur mais qu’à la fois il faut profiter du moment présent et qu’il faut réfléchir car il n’est peut-être pas trop tard. Un tout cas c’est une réalité donc changer la façon d’aborder la vie comme si elle était éternelle et le reste aussi. Il y a un point de non-retour.
Didou (D) : cela fait écho à notre grand âge et à nos vies personnelles. Il y a des envies personnelles plus claires sur comment vivre pleinement, mettre plus de sens à nos vies perso mais également à ce que l’on fait avec SIDILARSEN. Savoir d’avantage où on veut aller, ce qu’on ne veut pas. Il y a eu plus de clarté sur cet album, sur les choix artistiques, sur les envies. C’était plus net, ce qui nous a bien aidé, j’ai l’impression que c’est la première fois que l’on a défini un cadre visuel et le titre d’un album en amont. C’est dire avant même de finir de composer et d’enregistrer, on avait déjà travaillé sur la pochette et le titre de l’album. C’était intéressant pour nous, cela nous tenait à cœur de faire cela à ce moment-là. Ce n’était pas spécialement réfléchi, c’est venu comme cela. C’était intéressant d’avoir une ligne définie. Souvent, on a tendance à subir notre création et après on en dégage un titre d’album, un concept. Là c’est l’inverse, nous sommes partis d’un univers et nous avons construit autour.
JC : c’est assez étonnant car de l’extérieur, on sent vos albums travaillés. Notamment " Biotop " en 2003, on a l’impression d’avoir un concept album.
D : " Biotop " était un album un peu concept car c’est le premier et le premier album synthétise souvent plusieurs années de travail. Plusieurs maquettes, démos, c’était la synthèse d’une époque, il y avait déjà notre emblème, le fameux tire bouchons de Gaulle. Il y avait un concept sur la dualité Homme/machine, Métal/électro. C’est peut-être le seul pour lequel il y avait autant un concept. Le but n’est pas d’avoir un concept mais pour cet album c’était intéressant d’avoir un univers visuel établi assez tôt.
Et un titre d’album qui était bien dans l’air du temps et de ce qu’on ressentait. Qui correspondait à ce que nous étions en train d’écrite et qui a influencé l’écriture jusqu’au bout.


JC : l’album est allé vite, l’enregistrement s’est fini fin 2018, tout début 2019 ?
D : oui c’est tout récent, on est fous ! cela s’est terminé fin février, donc tu as reçu l’album tout chaud, masterisé fin février. On a tourné le clip, il y a peu et on atout fait d’une traite comme des fous.
JC : on parlait de Sylvain, c’est fou qu’il ait dit " on double la basse au médiator " on sent toute la lourdeur de la basse, je lui ai dit d’ailleurs que je pensais au premier KORN avec la basse de Fieldy. On découvrait une nouvelle façon de faire sonner la basse.
D : en fait ce n’est pas exactement ça. Ce qui s’est passé c’est qu’il y a eu un besoin de la part du réalisateur de l’album Plume, que cela serait bien de faire également des prises médiators, pour consolider en cas de besoin. Sylvain a une grande dextérité, donc lui il a tombé cela direct, " bim, bam " c’était un défi aussi pour lui. C’est bien d’avoir une machine dans l’écurie car il enquille tout direct. Cela n’était une fin en soi, c’était plus une sécurité pour avoir plus de sécurité au mixte et plus une sécurité en cas de besoin. C’est vrai qu’il est revenu avec un jeu au doigts ce qui existait déjà chez SIDI avec Fryzzzer et puis ensuite Fryzzzer a fait le choix de partir sur du médiator. Le jeu au doigt est assez intéressant car cela replace l’instrument dans une zone qui nous parle aujourd’hui au niveau des fréquences et du rôle de la basse, cela permet aux guitares d’avoir plus d’air. Un son plus fat. La basse vient moins concurrencer les guitares, elle est ailleurs.
V : pour le chant c’est bien, pour l’expression vocale c’est beaucoup mieux dans la globalité. Cela va aussi avec une façon d’aborder le son des basses plus clair et plus naturel.
Cela reste de la " basse métal " mais moins saturée. Le médiator sur du saturé segmentait l’attaque et là il y en a moins besoin. Cette construction du mix de l’album, on a voulu mettre chaque chose à sa place en vue du mastering que nous voulions mettre en place.
D : cela permet aux guitares d’être plus épaisses, d’avoir une basse moins saturée.
JC : plus respirante, cela donne du souffle.
D : oui c’est cela. On entend bien le jeu de la basse et celui des guitares. On entend bien la basse sans que cela fasse fouillis. Cela permet aussi de retravailler du basse/batterie.
V : pour l’expression de la grosse caisse c’est important.
D : on voulait laisser une dimension électro mais laisser le jeu basse/batterie prendre le dessus.
JC : l’électro est plus un fil conducteur.
V : on a voulu mettre l’accent sur les basses et les toms. Il y beaucoup de jeu de batterie sur cet album, c’est assez fourni. Sam s’est fait plaisir, il y a des breaks. On voulait vraiment que cela soit expressif et lourd.
Cela ne peut pas marcher s’il y a de la concurrence dans les fréquences, il faut qu’il y ait de l’air. Plume a fait un bon boulot.
JC : j’étais effectivement privilégié d’avoir l’album en avant-première. Au niveau des textes, cela s’articule comment entre vous pour la compo. Vous parliez de concept album mais on sent une dualité vie / mort, balancée par l’amour au centre qui fait basculer vers l’éternité. On retrouve aussi la finitude d' " on va tous crever " et l’éternité des riches. C’est une lutte des classes.
V : il y a une lutte des classes c’est évident. Et cela ne va pas aller en s’arrangeant, en fonction des ressources de la planère mais également de la possibilité à voyager et à fuir.
JC : la fameuse ile déserte que tout le monde cherche…
V : c’est ça. Effectivement on parle toujours de social, c’est toujours d’actualité. Il y a tous ces thèmes à aborder. On a écrit sur la musique. On a attendu vraiment que la couleur globale émerge que les idées émergent avec les rythmiques. On a essayé de coller au maximum à la musique.
D : c’est une évolution principale dans l’écriture. On a pris la plume beaucoup plus sur la musique, dans un souci de musicalité. Pour le fond et la forme fassent sens. Tout est devenu une évidence, la musique plus brute et plus métal, le texte aussi et cela correspondait à ce qu’on vit et ce que l’on est en ce moment. La grande différence c’était vraiment d’écrire sur la musique. C’est peut-être parce qu’on était dans le speed. On a toujours des textes en stock mais là on a vraiment écrit sur le son, on s’est réparti le travail avec Viber. Tout a été assez évident dans la compo, dans l’écriture, l’esthétique, l’univers du clip. Si on regarde dans le rétroviseur, on est étonné d’avoir été aussi vite car on a changé de line-up, il y a tout pile un an. Sylvain est arrivé en mars 2018.
JC : oui le Download était sa première date.
D : sa première grosse date, il avait fait une date de rodage avant. C’était presque sa première date. Pour lui c’était violent… il se chiait dessus, c’était violent. Il arrive dans une aventure de vieux briscards, ça fait 20 qu’on joue et lui il arrive… Il se demandait où il était.
JC : " rassure-toi, Sylvain, ce n’est pas la main Stage… " quoiqu’il y ait eu beaucoup plus de monde pour vous que pour OPETH par exemple.
D : il parait qu’il y avait plus de monde pour nous… c’était fou l’affluence, c’était cool, ça nous a étonné. L’intégration de Sylvain se fait encore aujourd’hui mais on est étonné que tout soit allé aussi vite. C’est tombé à un moment où on avait besoin de foncer.


JC : il y a un certain nombre de groupe que j’ai interviewés de l’écurie Verycords qui sont beaucoup plus sombres qu’il y a 20 ans. Est-ce que c’est l’époque, est-ce que c’est l’âge et la prise de conscience ?
D : les deux se nourrissent.
V : il y a une perte d’insouciance. Il y a aussi le fait que l’on a déjà dit des choses dans un autre cadre et que pour se renouveler, on part vers un cadre plus sombre. Ce n’est pas le jour et la nuit.
D : tu fais du métal, tu n’es pas là pour épiler des framboises. Il y a un moment où on a besoin de donner du sens quand tu fais du métal à plus de 40 ans. On a eu ce besoin de radicaliser la démarche. Enfin radicaliser n’est pas le bon terme.
JC : cela me permet de rebondir sur des paroles qui sont un peu polémiques. Il me semble que c’est dans " Start-up nation ", vous vous définissez " comme un nouveau black bloc ".
D : là on joue avec le feu.
V : ça a fait polémique au sein groupe.
D : ce qui est intéressant c’est que cela a fait débat au sein du groupe sur " est-ce que l’on garde ou pas ? ". On dit comme un " Nouveau " Black bloc. Si les gens ont envie d’être con et de le lire de manière conne, ils le peuvent. Ils peuvent aussi avoir envie de creuser.
JC : creusons, alors.
V : cela sonnait bien. On a une esthétique plutôt sombre, on est habillé en noir. On est quand même du fait de notre mode de vie des militants et des révoltés. On a envie que les chose changent et qu’elles soient meilleures. Que ceux qui souffrent, souffrent moins. C’est notre black bloc à nous. Les médias ont brandi cela comme le mal absolu, je ne pense pas que cela soit le mal absolu. Cela n’engage que moi.
JC : dans le contexte actuel, les gens ne vont retenir que la partie négative.
D : même si on ne retient que la partie négative, on peut se poser la question de savoir ce qui génère tout cela. D’un coup, comme cela des termes sont sortis comme le flashball qui devient un LBD, cela nous interpelle. Il y a des consignes qui sont donnés dans le lexique. Les black blocs ont toujours existés mais on n’en parle qu’à certaines périodes.
V : ce qui est intéressant, avec David on a passé 40 ans, tout le monde sait qu’on est de gauche. Si tu dis des banalités avec les gens qui t’entourent et que cela ne provoque rien, autant dire autre chose pour essayer de provoquer des réactions et a priori cela marche.
JC : c’est le cas.
D : on dit bien " comme " un nouveau Black Bloc.
V : si tu ne prends pas de risque, si tu ne mets pas en danger, cela ne sert à rien. Les Blacks blocs sont les ennemis désignés de la start-up nation. Les gens pourront être outrés s’ils le souhaitent. Mais si cela interroge, certaines personnes peuvent aller voir ce que cela recouvre. Cela est intéressant de créer le débat. Il y a de l’extrême droite, de l’extrême gauche des altermondialistes, des gens qui sont allés combattre Daesh dans des milices… il y a de tout. Voir d’où cela vient, c’est une question de société qui n’est pas à éviter.

JC : cela crée le débat. Sur une autre chanson, la chanson éponyme vous lancez " on nous demande d’être écoresponsables […] faut être bio et équitable / mais tu sais y’en ad es milliers obligés d’aller cher LIDL, faut les moyens pour se payer une conscience zéro carbone" . On a toujours cette altérité entre les classes populaires qui vont crever, cette fois-ci c’est la mal bouffe, on retrouve " des milliards " contre les classes dirigeantes.
V : c’est pour souligner le fait qu’on s’est mis à culpabiliser les gens, les politiques plutôt que de mettre en œuvre des décisions claires pour améliorer le quotidien, lutter contre la pollution, faire des changements de fonds ; progressivement fermer un certain nombre de nos centrales. Moi-même je ne dis pas il faut arrêter le nucléaire du jour au lendemain, on serait complètement dans la merde, mais initier des choses. Au lieu de cela on dit aux gens, " vous êtes des cons, vous faites n’importe quoi, arrêtez de polluer… "
D : et on va te punir avec la taxe Carbonne…
V : c’est pour cela que j’ai nommé LIDL car tout le monde connait. Les gens vont vers le hard discount car ils ont des gamins et n’ont pas assez d’argent pour faire autrement. Ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas.
JC : finalement la paupérisation engendre la paupérisation, quand tu n’as pas d’argent, tu vas acheter moins cher sur internet en Chine, et tu dégrades les emplois en France.
V : il faut responsabiliser et éduquer les gens. Il ne faut pas les culpabiliser.
D : il faut aussi dire que chacun peut agir à son niveau, il ne faut pas tout le temps compter sur les autres. Il y a un problème de fond sur la pédagogie. Je suis frappé par l’incompétence dans la communication de la part de nos élites. Après on s’étonne ‘tiens, il y a des gilets jaunes.
V : dans un vieil épisode de Groland, il y avait un type qui roulait en vieille R25, qui achetait du jambon reconstitué, et tu avais un compteur de sa pollution journalière, qui fumait comme un connard, qui ne triait pas ses déchets ; et à coté tu avais la famille super écolo, et après ils partaient en vacances en avion et ils polluaient plus que l’autre type. C’est gentil de stigmatiser les gens qui galèrent. Il faut faire en sorte que les gens galèrent moins et aient la capacité de faire des choix.


JC : vous n’avez pas été tenté par faire un album plus en anglais.
V : on a déjà fait sur l’album précédent " I feel fine ", mais c’est simplement parce que je n’y arrivais pas en français.
D : quand on choisit l’anglais, c’est vraiment pour des raisons artistiques parce que cela sonne bien. On privilégie le français par sincérité. De la niaque, pas de filtre, pas de masque. On ne va pas s’inventer une culture que l’on n’a pas. Le français ce sont nos racines et notre entité. Cette dualité française/anglais peut artistiquement entrainer des choses.
V : cela peut faire écho à pas mal de gens.
D : il y a pas mal de métalleux qui ont du mal avec le chant en français. Le Hellfest a eu une bonne influence en programmant des groupes qui chantent en français notamment MASS HYSTERIA. Il y a un retour même si c’est long. Cela a marché avec les années néo métal que tu as connu avec Nawakposse, avec LOFOFORA, WATCHA, PLEYMO. Cela a vite disparu, il y a un complexe encore. Il y a beaucoup de groupes qui préfèrent chanter en anglais, les groupes de Djent notamment. J’aimerai bien voir du Djent avec du chant en français. Une bonne manière de ramener des gens vers cette langue c’est de les habituer et de les éduquer un peu. C’est un constat. Avec des refrains avec un peu d’anglais et du français, on amène des gens vers ça. Je trouve que cette recette avec un peu d’anglais cela fonctionne.
V : cela permet d’être catchy. Le cahier des charges était vraiment d’éviter le côté " chanson ", " variété " que donne souvent le français surtout quand tu as de la mélodie… parfois c’est plus simple de passer à l’anglais, c’est plus mélodique sans flirter avec ça. Le titre " on va tous crever " était forcément en français.
D : les deux derniers titres d’album étaient en anglais, on a trouvé que celui-ci était direct. On rassure donc les fans de SIDILARSEN, on ne va pas laisser tomber le français.

JC : quand le titre de l’album a été publié, je me suis dit : " comment vont-ils exploiter cela ? " comme tu disais, le visuel, le teaser étaient dans la même lignée, je me suis vraiment demandé si nous n’allions pas tomber dans le pathos morbide et lourd. Au contraire vous avez réussi à " alléger " le thème. Une dernière question concernant la tournée, Ben et Sylvain ont leurs autres groupes (HIPPOSONIK et UPON US ALL) cela ne va pas gêner la tournée ?
D : SIDILARSEN est clairement prioritaire, c’est dans le contrat.
V : c’est dans le contrat, ils le savent.
JC : ce n’est pas le moyen d’avoir des premières parties que vous connaissez ?
D : ah non, on n’est pas adepte de cela. Car cela fait trop consanguinité. Cela n’empêche pas de se soutenir, on a fait un festival avec Antistatic, on a fait jouer les deux groupes à Toulouse, mais nous organisions, SIDILARSEN n’a pas joué. On était dans l’organisation avec Viber. C’est déjà difficile pour un groupe local d’obtenir des premières parties, on ne veut pas être de ceux qui verrouillent les plateaux.
V : nous sommes pour les rencontres.
D : ils ont besoin d’une reconnaissance en tant que telle sans être affiliés à SIDILARSEN.
JC : le " on va tous crever tour " passera par Paris ?
D : ce sera le 23 novembre à la maroquinerie, le 20 on sera à Lyon. On invite tous le monde à suivre l’actualité car il y a beaucoup de dates qui vont arriver petit à petit.
V : c’est le début d’un nouveau cycle.
JC : merci à vous.
D : merci à toi et à NAWAKPOSSE.