Entretien avec Reuno de LOFORA le 3 octobre 03 à la cigale à l’occasion des deux concerts parisiens à la Cigale enregistrés pour un DVD, dont la sortie est prévue pour 2004.
Interview faite par JC et A2 dans les loges de la Cigale.


A2: Quelles ont été les retombées médiatiques de l’album après ces quelques mois de tournée et les échos des journalistes ?
Reuno: On a eu une très mauvaise chronique et 99 bonnes, voire très bonnes. Que Jérôme Régeas crève dans sa merde.
JC: Pas de noms, on laisse les cons où ils sont.
Reuno: Si, si. C’est un ancien de chez Virgin qui a bossé sur trois album de LOFO et qui est devenu un peu aigri car ses anciens collègues sont placés chez des majors et lui n’est que pigiste chez " Rock and Folk " et il a fini son article en disant " 13 titres autant de raisons de ne pas acheter cet album ". Spéciale dédicace à Jérôme.
A2: Et au niveau du public lors des concerts, ça s’est bien passé ?
Reuno: Grave. En fait on n’a jamais connu ça avant, c’est à dire plus de monde et du monde plus réactif que jamais.

JC: LOFO a-t-il bénéficié de la vague néo métal qui s’est développée assez rapidement depuis quelques temps en France ? Car on a vu que le SRIRACHA s’était ouvert à ce genre. Reuno: Sans parler que des nouveaux rentrant du SRIRACHA, toute la nouvelle scène nous a énormément fait de pub en nous citant dans des interviews en disant que LOFO les avaient influencés. Les groupes nous citent en tant que " parrain, référence ou encore piliers " qui sont des termes qui nous font rigoler à la base alors nous avons joué avec cette image-là.
A ce moment là, un nouveau public est venu nous voir en se disant " bon on aime le néo-métal alors allons voir les tontons ". En général nous ne les avons pas déçus; nous avons des réactions de gens qui avaient déjà vu ces groupes de néo et qui se disent après " Putain on ne savait pas que des concerts comme ça existaient ", c’est-à-dire le coté un peu freestyle que conservent les concerts de LOFO; par exemple: un morceau peut commencer et si je l’ai décidé ou Daniel ou Phil, nous pouvons l’arrêter au bout d’une minute en se disant: " arrête, arrête y’a un truc à régler ". LOFO n’a jamais voulu faire un show réglé au millimètre, mais des concerts de punk-rock avec les imperfections, les aspérités qui font de ce moment là un moment unique plutôt que d’essayer de reproduire tous les soirs un concert identique car cela ne nous intéresse absolument pas. Le public, y compris celui de la nouvelle scène aseptisée du rock, apprécie cette démarche...
Ah une ' Pustulade ' (alias PUSTULE l’Ardéchois qui se joint à nous pour quelques minutes d’interview).
JC: Cela était visible lors de vos show case parisiens, car il m’a semblé que le public que vous n’attiriez pas que le public qui vous a suivi dès le départ mais qu’il y avait un nouveau public.
Reuno: Là je te rassure, si on avait que des métalleux trentenaires, on aurait fait un duo avec Bob Sinclar pour décrédibiliser tout ça. LOFO n’est le gardien d’aucune chapelle. Si nous avons fait cette musique au départ, c’est parce que il n’y avait rien de plus qui nous emmerdait que les chapelles musicales. La première impulsion rock même si après ça c’est appelé rap, raga ou punk, c’est de briser les conventions. Si c'est pour reproduire ensuite des conventions mesquines à l’intérieur de ton micro univers, ça sert à rien… nous essayons depuis le début d’avoir un public entre guillemets " métissé "…
JC: D’ailleurs avec EKOVA vous ne vous êtes pas gênés pour faire deux chansons ensemble. Assurent-ils toujours votre première partie sur certaines dates ?
Reuno: en effet c’est un bon exemple mais ça fait longtemps que nous n’avons pas joué avec eux. Nous avons pu par ce système là attiré des publics différents. Par exemple, un jour tu peux avoir un mec qui viens nous voir avec des cheveux jusqu’à la moitié du dos, le t-shirt death métal la bonne dégaine de graisseux et qui nous demande: " il est pas sorti le nouveau EKOVA ? " et le mec dit " depuis que j’ai découvert la chanson où ils jouent j’adore vraiment ça le fait. " C’est aussi pour cela que PUSTULE est là ce soir en première partie car il est jamais venu jouer à Paris et nous l’avons découvert sur un festival l’été dernier et nous l’avons gardé en stock dans un coin de notre crane en se disant un jour ça va être notre joker, et que nous allons le balancer à la gueule des parisiens et que ça va leur faire une bouffée d’air frais.
Je pense que LOFO n’est pas un groupe surmédiatisé mais le peu que l’on peut faire pour promouvoir des groupes ou des formations quelles qu’elles soient que nous kiffons. Je pense que l’on se doit de le faire.

A2: alors comment s’est passé la date d’hier soir pour vous deux (Reuno et Pustule ndlr) ?
JC: pour toi Pustule, la réception du public ?

Pustule: c’est à moi de causer là ? Ah bah ouais les parisiens ils sont sympas. Vous êtes beaucoup trop nombreux mais putain qu’est ce que c’était sympa. J’ai eu un super accueil, putain qu’est ce que j’était content…C’est vrai que c’est surprenant de se poser en tant qu’ardéchois paysan.
Chez nous, les Parisiens y font chier ils achètent toutes les maisons… a priori ils auraient tendance à nous gonfler un peu mais j'ai eu du bol je suis tombé que sur des Parisiens sympas alors c’est vrai que ça m’a fait plaisir… et pourtant ce public là n’est pas le mien je suis plus habitué aux keupons mais c’est rigolo de jouer devant un public différent.
D’habitude je fais toujours " y a des keupons dans la salle ? " et hier j’ai fait un flop et je me suis dit " putain merde où je suis tombé ? " et j’ai enchaîné " y’a des métalleux ? ".
Reuno: tu vois c’est ça qui nous permet de ne pas nous enfermer dans un stéréotype ni dans une image trop définie qui est super chiante. Moi si j’ai fait de la musique, c’est pas pour qu’on me mette une étiquette sur le dos " employé du mois, fonctionnaire ou contribuable " et c’est pas pour qu’après on me colle une étiquette métalleux, hardcore ou quoique ce soit. J’en ai rien à foutre de tout ça. Moi je fais du rock parce qu’il y a des gens qui m’ont donné envie de faire ça quand j’étais petit et je le fait, et surtout pas rentrer dans un carcan car il n’y a rien de plus glauque… notre société essaie de faire ça de nous à tout bout de champs, à tous les coins de rue. Essayons de nous créer des espaces de liberté où ce soir EYELESS, PUSTULE L’ARDECHOIS et LOFO peuvent partager la même scène.
A2: LOFO a toujours aimé les plateaux variés.
Reuno: tout à fait, hier c’était ALI SOUND SYSTEM et c’est encore autre chose. Mais pour nous ça paraît logique, parce que dans ma platine à la maison il se passe la même chose ; c’est aussi varié que ça.
JC: Souvent le public metal est assez fermé et très cloisonné grâce à vous, cela va permettre de changer les choses et de s’ouvrir à des horizons différents.
Reuno: et bien tant mieux. Car tu vois, un jour j’ai fait l’erreur d’aller au Tatoo the Planet à Bercy je me suis baladé dans la foule et en une minute 30 il y avait 50 mecs autours de moi en train de gueuler " waaaaarrrrrrrrrgh ", carrément j’avais peur.
A2: c’était des bon bourrin quoi…
Reuno: nous en avons beaucoup avec nous des comme ça. Mais nous essayons de les sensibiliser à d’autres choses.
A2: avec le dernier album, certains titres passent mieux pour un autre public vous risquez de toucher des gens plus différents. De plus vous avez joué dans des festival et les gens ne viennent pas forcement vous voir et au final vous touchez plus de monde.
Reuno: c’est pour ça que j’adore ça les festivals. Quelque part, LOFO ne fait pas de la musique commerciale, ni de la musique qui caresse le public dans le sens du poil mais jouer dans un festival où il y a des mecs qui sont venus voir les SKATELITES et qui passent devant la scène où joue LOFO, je me dis qu’il faut être bon pour qu’au moins ils bloquent une minute voire pourquoi pas jusqu’à la fin du concert. C’est un bon challenge.
LOFO a réussi à montrer à pas mal de gens que notre groupe c’est pas seulement un mec qui braille, une musique puissante mais c’est avant tout un esprit. Y'a des gens même des plus âgés, la cinquantaine, qui se sont retrouvés dans nos concerts, nos familles et des gens qui nous écoutent aussi et qui ont perçu l’esprit de prôner la liberté, le tolérance, le respect même si nous le faisons d’une manière un peu brutale, c’est dans ce sens là que nous voulons aller. JC: pour le Sriracha Tour à la Cigale, les parents de Poun étaient venus…
Reuno: nous avons fait une " tournée des mamans " il n’y a pas très longtemps. Sur 3 semaines, il y a eu 4, 5 mamans des mecs du groupe qui sont venues nous voir.

JC : le dernier album est vu par certains comme un retour au source mais personnellement je le trouve plus réfléchi voir plus calme. Jag (chanteur de SARKAZEIN et ex-BLACK BOMB A) le perçoit vraiment comme un retour aux sources.
Reuno: On sent qui est le journaliste et qui est le musicien…(rires) Ca n’est pas vraiment un retour aux sources; enfin, il " le Fond et la Forme " a ce coté retour aux sources de LOFO, il est plus éclectique que les deux derniers albums. Il y a le coté groovy, le coté bourrin et des côtés atmosphériques plus ambiances. Il y a tout ça qui se côtoie dans le dernier album, c’est en effet un retour à la diversité que l’on pouvait trouver dans notre premier disque. C’est aussi un retour aux sources par le fait qu’il a été composé en grande partie à la campagne et que ça change pas mal de choses, histoire de ne pas avoir que des mauvaises pensées dans le crane.
Lorsque j’ai commencé à écrire " le Fond et la Forme ", j’ai réécouté " Dur comme Fer ", et je me suis dit " c’est un peu une pierre tombale cet album " il a quelque chose de très dark et moi-même, j’étais dans une période où je ne le sentais pas bien dans ma tronche et c’était justement le moment où j’habitais à Paris. Cet album est un peu claustro, il commence par " Regarde tomber les étoiles… ". Enfin moi je le trouve réussi mais lourd; c’est un peu du Cronenberg. J’avais envie de sortir de ça et d’aller dans une direction puissante mais avec de l’air entre les mots.
C’est un peu cela que je retrouve dans le dernier de JANE’S ADDICTION, dans un genre musical différent. Leur album a la même patate que les précédents mais tu as une atmosphère positive et qui donne envie de se lever le matin et d’affronter la vie avec le smile mais en étant un guerrier quand même. C’est un peu ça que nous voulions sur notre album. Nous ne voulions plus une attitude simplement dure et sombre moins cynique.
Le texte du titre " Dur comme Fer " est du cynisme à l’état pur, chose que je n’ai plus trop envie de pratiquer parce que ça laisse toujours des traces.
A2: et c’est souvent mal compris…
Reuno: en plus oui mais ça je le savais. Je sais très bien que pour, disons 7 personnes sur 10, le texte de cette chanson a été pris au premier degré. Pour moi ça voulait dire à l’époque qu’être dur comme fer, c’est être un piquet planté dans la terre qui rouille et qui n’avance pas. " Dur comme Fer ", c’était cynique de ma part; même d’appeler l’album comme ça. Mais bon, j’assume c’est fait, c’est fait.

JC: LOFO a toujours aimé parrainer des groupes et comme nous avons déjà parlé de Jag, tu sais de qui nous allons parler…
Reuno: Bien sur de SARKAZEIN.
JC: un mensuel vous a contacté pour faire de la promo d’un groupe qui monte, pourquoi eux ?
Reuno: Parce que mes potes en avait marre que je mette tout le temps EYELESS en avant… (rires).
Non mais parce que nous avons plein de potes musiciens et que évidemment, quand on me demande de choisir un groupe en première partie ou pour faire un peu de promo dans un mag, il y a une notion de copinage qui est évidente et qui est là. Mais j’aime bien SARKAZEIN pour les textes en français dont certains sont simplistes mais sont super justes, cash et j’adore ça. C’est une forme d’encouragement car nous savons quels sont les membres qui forment le groupe. Il y a Maya qui joue dans NOXIOUS ENJOYMENT et ex-CALL US AS YOU WISH
JC:…Daniel pour l’enregistrement.
Reuno: Exact notre gratteux a posé sa patte sur l’enregistrement mais c’est aussi le nouveau groupe de Jag qui est pour moi un des mecs qui a le plus gros potentiel en chant rock, métal en France. Un mec que moi j’essaie de pousser à écrire en français parce que je sais qu’il a un vrai talent d’écriture en français.
JC: pour votre première partie, pourquoi PUSTULE et pourquoi pas GRUMLEE, vu que vous aviez fait de la pub pour lui sur Ouï FM.
Reuno: parce que GRUMLEE il fait ses chansons chez lui et il a juste fait deux concerts pour l’instant. La formule GRUMLEE acoustique live n’est pas encore vraiment rodée. Mais c’est quand même un truc que j’ai suggéré. J’aurais bien vu un soir PUSTULE, un soir GRUMLEE mais c’est pour plus tard.
Sinon il y a un truc qu’on aurait bien pris si on les avait vu avant, ce sont des mecs, l’un joue du violoncelle, l’autre chante et ils ne font que des reprises de hard rock avec les paroles traduites en français. On a vu ça à Dour au moi de juillet…

A2: maintenant tu vas pouvoir nous parler du DVD qui est en préparation.
Reuno: Disons que nous avons intérêt à être bon ce soir si nous voulons mettre quelque chose dessus, sinon ça va faire un méchant trou dans notre budget si nous enregistrons de la merde.
A2: Ca sera que du live ?
Reuno: non, ça sera un maximum de titres live, on virera les plus mauvais, on fera un tri sur les deux concerts. Il y aura aussi les 5 ou 6 clips que l’on a fait depuis le début de LOFO, un reportage à partir d’image d’un pote qui nous suivait lorsque nous jouions dans les bar en 94, 95 avec nos bouilles de gamins. Des conneries, des cartes postales de tournée, des pétages de boulards un peu comme sur la piste CD-Rom de notre album, le mec dans l’arbre et la station service.
A2: ça sortirait quand ?
Reuno: prévu début 2004 mais il y a le montage et c’est du boulot. Il y a aussi l’interface à faire, la page d’accueil.
JC: un bonus caché pour faire chier le monde ?
Reuno: moi je n’aime pas du tout les conneries comme ça. La mode des chansons cachées qu’est ce que ça a pu me faire chier. Sur le dernier album nous avons mis un morceau qui n’est pas indexé mais il s’enchaîne avec les autres. Tu achètes le disque tu crois qu’il y a treize morceaux mais non il y en a 14; ça c’est du vrai bonus, bordel !