Joe la truite


Interview réalisée par Djaycee par mail au mois de septembre 2025.


D'où vient ce nom complètement barré, JOE LA TRUITE ? Et surtout, pourquoi l’avoir gardé aussi longtemps ? Un pari perdu qui vous colle à la peau ?
Ju : C’est toujours la première question qu’on nous pose. Le nom du groupe aurait-il été aussi interpellant s’il avait été en anglais ? A l’origine, le groupe a été créé sans objectif clair si ce n’est de s’amuser et d’aller où on veut. C’est ce nom qui a orienté notre style ; comme une truite qui va à contre-courant, on ne voulait pas suivre les standards actuels du genre.
Charles : A la base c'était un projet solo de Julien, qui s'est petit à petit transformé en trio ; au moment de choisir le nom on s'est dit que la folie qui s'en dégageait nous correspondait bien, on a donc gardé le nom.

Le nouvel album s’appelle " Ultimate Ninja Storm 2 : Full Zguen ". Est-ce un hommage au jeu vidéo ou une pure invention made in JOE LA TRUITE ?
Charles : C'est un hommage à un jeu de baston Naruto sur PS2 qui s'intitule " Naruto shipuden ultimate ninja storm 2 full burst ", on trouvait le titre à rallonge assez drôle !
Ju : C’est un hommage aux jeux vidéo de façon générale. On est tous très fan de ce que ce médium a pu nous faire vivre, on peut y vivre des expériences exceptionnelles aussi bien scénaristiquement que musicalement. Une pensée pour FF7.
Charles : On a même mis un logo ZguenStation !

L’album a été annoncé avec " Bad Death City ", " Light Speed ", et “ Octogone 8000 ”. Pourquoi ces morceaux en particulier pour lancer l’aventure ?
Charles : Pour rentrer dans une telle histoire, il nous fallait non seulement des morceaux percutants, mais aussi des morceaux qui soient des points " clefs " de l'aventure racontée dans ce concept album, le tout sans trop en dévoiler ; un peu comme une bande annonce.
Ju : On voulait que les gens aillent plus loin que l’écoute des singles en essayant de leur faire comprendre que l’album est à cette image : des styles et des ambiances radicalement différentes sur la totalité de l’album. On prend les codes de tous les styles qui nous plaise et on essaye de mixer ça de façon cohérente.

Musicalement, vous passez du punk au métal, du psyché au rap. C’est une méthode ou un lâcher prise total ? Sans compter la touche de folie à la Mike Patton…
Charles : C'est un lâcher prise total, le concept même de l'album nous a vraiment appelé à être très créatifs, parfois trop (référence aux millions d'heure de vidéos de nous en studio en train de tester tout et n'importe quoi). J'adore ces chanteurs comme Mike Patton qui mélangent voix chantées, screamées, chuchotements, bruits de zombie bizarre etc... pour utiliser toute l'étendue de leur spectre vocal.
Ju : De la même façon que MR BUNGLE, FAITH NO MORE ou IGORRR vont dans des directions aléatoires, on veut des morceaux avec des ambiances et des images très définies, en essayant de ne pas faire deux fois le même morceau.

Joe la Truite

Vous avez tout enregistré au studio dBd à La Barben. C’était important pour vous de garder ça en famille, en mode DIY ?
Charles : Effectivement c'est le studio de Julien. En fait, on avait une idée très précise du son, des morceaux, de l'alchimie qu'on voulait, et on avait aussi énormément d'idées à tester. On a pu faire tout ce qu'on voulait à notre rythme, en enregistrant mixant et masterisant à la maison.
Ju : Disons plutôt qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Enregistrer un album prend du temps et coûte cher, en faisant ça nous-même on a pu prendre le temps d’aller jusqu’au bout des choses. On aime la science du son et de la recherche, on peut passer 1 jour entier sur le son d’un ampli ou le choix d’un micro pour une caisse claire...

Depuis " Trapped In The Cosmos " en 2020, qu’est-ce qui a le plus changé dans votre manière d’écrire et de composer ?
Ju : " Trapped In the Cosmos " nous a permis de nous rendre compte de notre potentiel en termes de voix. Crier c’est génial, chanter aussi, les deux c’est encore mieux ! Mike Patton l’a bien compris. Donc le nouvel album a été composé en prenant en compte ce facteur-là.
Charles : On essaye beaucoup plus de composer en écrivant les voix dès le début d'une idée de morceau. On aime les belles mélodies, les harmonies de voix, et même les gros screams ; on essaye juste d'utiliser tout ce qu'on peut, tout pour faire marcher le morceau.

Les couplets rappés de " Bad Death City " étaient une expérimentation ou vous allez continuer dans cette voie ?
Charles : Prochain album on fait un feat SCH fraté ! Ce n'est pas une direction vers laquelle on veut forcément se diriger...
Ju : Mais si l’occasion se représente à nouveau on le fera ! Peut-être en s’inspirant des BEASTIE BOYS ou STUPEFLIP pour le prochain ?
Charles : L'important, c'est de faire ce dont le morceau a besoin.

Il y a des références à " The Good Place " et à IRON MAIDEN dans les paroles. Vous êtes du genre bingewatchers et métalleux érudits à la fois ?
Charles : On regarde tous les trois pas mal de films et séries, on joue aux jeux vidéos, on écoute et on fait beaucoup de musique ; tout ça se retrouve un peu partout dans ce qu'on fait. Tu peux regarder une série et te dire " Attends, cette réplique que je viens d'entendre est trop cool ! ", ou composer un thème de jeu vidéo suite à un boss que tu viens de battre !

" Ultimate Ninja Storm 2 : Full Zguen " est un album concept. Vous pouvez nous expliquer ce fameux concept ? Il y a un scénario derrière ?
Charles : C'est l'histoire de Little Ninja, un guerrier ramené à la vie sous forme de cyborg zombie, qui mène une enquête pour retrouver CosmoRider, un super-héros disparu qui serait responsable de la destruction de sa planète. Ses recherches le mènent dans la ville de Bad Death City, dans un bar appelé le Cosmozouk... Si vous voulez en savoir plus faut écouter l'album !
Ju : Tout a été pensé comme un jeu vidéo : des sonorités 8 bits, des mélodies entêtantes issues du " fantastique ", l’artwork hommage à la PS1, et le scénario illustré par un livret qui met en scène chaque morceau.

Joe la Truite

Chaque morceau de l’album a une ambiance très différente. Vous avez pensé l’album comme un jeu avec des niveaux ?
Ju : Absolument, le premier morceau est un générique d’ouverture, le 2ème un niveau, le 5ème le Boss, le 6ème une course poursuite, puis arrivent les révélations scénaristiques dramatiques, etc etc... jusqu’à arriver au boss final puis au générique de fin.

Le clip de " Bad Death City " est bien perché. Qui sont les personnages qu’on y voit ? Vous construisez un univers visuel autour du groupe ?
Charles : On voulait faire quelque chose d'accessible pour des gens qui ne nous connaissaient pas forcément, quelque chose de simple. On a mis trois rideaux noirs, une caméra, et on a filmé plein de conneries dans une petite pièce où il devait faire 60 degrés. Le Rock.
Ju : Tout nos clips sont DIY, c’était extrêmement fun à faire. On a dû cogiter un bon moment pour arriver à faire ce qu’on avait en tête (vive le fond vert). Représenter le scénario dans des clips était hors de notre portée, donc on a trouvé d’autres solutions.

Il y a une vraie tension dans certains titres, un côté fin du monde. Est-ce que vous avez été marqués par l’époque, la pandémie, les incendies ?
Charles : On parlait de nos influences ; c'est aussi une part du mix on va dire...
Ju : Je pense qu’inconsciemment, c’est ce qu’on vit tous les jours qui nous inspire à créer quelque chose à un moment T. Au vu de la tournure que prennent les évènements mondiaux, on peut difficilement ne pas être marqué par le shitstorm permanent.
Charles : Tout le monde serait d'accord pour dire qu'on vit dans un monde fou. Et c'est clair que ça nous affecte, et ça se retranscrit d'une manière ou d'une autre dans ce qu'on joue.
Ju : Les actualités ont pris une tournure (trop) Netflix...

Vous avez participé à la compilation " Aid For LA " avec le morceau " Where Is The Ground ". Comment ce projet est arrivé jusqu’à vous ?
Charles : En fait, c'est notre manager qui est venu vers nous avec cette opportunité, on s'est dit que partager de la musique pour un bonne cause serait cool à faire.

Est-ce que JOE LA TRUITE est aujourd’hui votre projet principal à tous les trois ? Ou vous jonglez encore avec d’autres formations ?
Ju : Oui il l’est. On a toujours eu d’autres projets parallèles, dans le passé j’ai eu entre-autres JACK FACE (Death/Black), PRIMHATE CIRCLE (Death), ou BORD DU MONDE (Post-Rock). Actuellement, je suis dans ODD BEAST (Stoner/Hardcore).
Charles : Oui on est des musiciens, c'est notre vie et on n’en a jamais assez ; de nouveaux projets sont encore à venir !

" Trapped In The Cosmos " avait reçu d’excellentes critiques, notamment de W-Fenec. Est-ce que ça vous a boosté ou mis la pression pour la suite ?
Ju : Boosté a bloc ! Les reviews donnent du sens à ce qu’on fait et offrent des points de vue variés auxquels on n’avait pas pensé.
Charles : On se dit qu'il faudra être à la hauteur pour le prochain, mais on est toujours chauds !

Joe La Truite

Dans votre bio, vous parlez de liberté totale dans l’ambiance de chaque chanson. C’est quoi votre limite créative, s’il y en a une ?
Charles : La seule limite qu'on pourrait avoir serait de faire quelque chose qu'on n’aime pas, tant qu'on aime ce qu'on joue on n’a pas vraiment d'interdit.
Ju : J’imagine que notre limite pourrait être notre technique de l’instrument ? S’il fallait faire un morceau dans l’esprit de LORNA SHORE, ce serait compliqué...

Comment se passe la répartition des rôles entre vous trois, surtout côté écriture des textes et composition ?
Charles : Julien fait beaucoup de démos, parfois on les tord dans tous les sens, parfois on les joue telles quelles, on compose aussi beaucoup en jammant. Pour les paroles, c'est surtout moi qui m'en charge.
Ju : Le plus souvent Charles écrit les textes, je fais des maquettes des morceaux pour tout de suite avoir une " vision " de la direction.

Vous avez commencé avant la pandémie, avec deux EP’s. Comment regardez-vous cette première époque aujourd’hui ?
Charles : Il y a eu pas mal de chemin parcouru, en termes de son de composition et d'univers... On aime bien revisiter parfois d'anciens morceaux, même si on préfère composer pour la suite !
Ju : C’était l’origine du Zguen (force incontrôlable qui vous oblige à headbanger). Cette 1ère époque nous a permis de nous découvrir et de " justifier " le nom du groupe. Faire comme tout le monde et suivre les modes ne nous intéresse pas vraiment.

Il y a beaucoup d’humour dans votre musique, parfois noir, parfois absurde. C’est un filtre ou une manière d’être ?
Charles : On a tous une manière de survivre dans ce monde de fous. Nous on aime faire de la musique et dire des conneries. Alors c'est ce qu'on propose ; une musique faite de manière sérieuse, qui crie " Ne te prend pas trop au sérieux ".
Ju : Notre musique nous fait énormément rire, particulièrement quand on enregistre. Parfois l’actualité te plombe le moral et tout ce qu’il te reste c’est le rire, à l’image de South Park qui tourne au ridicule certains comportements humains.
D’une certaine manière, JLT nous permet d’expulser ce mal-être via l’absurde.

À quoi doit s’attendre quelqu’un qui n’a jamais vu JOE LA TRUITE en concert ?
Charles : A bouger son corps de manière incontrôlable, c'est le pouvoir du Zguen.
Ju : Du fun, du Riff, de la surprise à chaque morceau et bien sûr, du Zguen.

La question que je n’ai pas posée et la réponse à celle-ci ?
Charles : Mais qui est JOE LA TRUITE ?
Ju : JOE LA TRUITE est une entité cosmique giga-surboostée à l’énergie cosmo-tellurique.

Le mot de la fin ?
Ensemble : Zguen now!