Interview réalisée par Hicks au mois de Juin 2020 par mail avec Stavros (guitariste/chanteur).
Bonjour comment ça va ? Pouvez-vous vous présenter ainsi que le groupe ?
Hello, je suis Stavros (guitariste/chanteur/auteur-compositeur) du groupe DIRTY SOUND MAGNET (rock psyché, rock progressif, rock vintage).
Comment s'est passé votre confinement en Suisse ? Tout a été fermé plutôt qu'en France, il me semble... ?
Contrairement à la France, nous n'avons pas eu un confinement strict. C'était une sorte de semi-confinement et grâce à cela, nous avons pu continuer à travailler notre musique ensemble. Faute de tournées et de concerts, nous avons répété tous les jours et avons enregistré un nouvel album ainsi qu'une session live qui sortira en vidéo et sur disque.
Vous avez sorti votre album " Transgenic " en Octobre dernier. Pourquoi ce titre et quel est son concept ?
" Transgenic " est un concept album à 2 niveaux. Le premier niveau est thématique. L'album dépeint une société dystopique très proche de la notre. Dans cet univers, la technologie a pris le dessus sur l'humain. Les thèmes de l'album sont en fait très réels et actuels. On y traite de virus, de réseau sociaux et de la perte de notre humanité au profit de la technologie. La robotisation de l'homme y est annoncé.
Le deuxième niveau est musical. Etant un groupe de rock live dont l'énergie rappelle les années 70, nous avons voulu transformer notre son pour illustrer le concept " Transgenic ". Sur cet album, les sons traditionnels d'un power trio (guitare-basses-batterie) sont maltraités pour leur donner une couleur futuriste tout en restant très vintage et organique.
Comment s'est passé la composition et le processus de création ?
Quelque soit l'album, les bases (compositions et paroles) sont souvent créées sur une guitare acoustique. Une fois que j'ai cette base, commence le processus de groupe. C'est là que ma composition devient un morceau de DIRTY SOUND MAGNET. Les interventions de Marco (basse) et Maxime (batterie) permettent au morceau d'évoluer. Dès ce moment, l'arrangement peut aller dans beaucoup de directions différentes comme on peut l'entendre sur " Transgenic ". Sur cet album, l'expérimentation en studio a été primordiale dans l'élaboration du son. C'est probablement notre album le plus produit. Je le vois un peu comme notre " Sgt. Pepper's " (BEATLES) à nous.
Vous avez récemment sorti un clip que nous avons relayé et il est très prémonitoire de la situation actuelle du Corona Virus. Dans quel contexte a été écrit le titre " Organic Sacrifice " (titre d'ouverture de " Ttransgenic ") et que vouliez vous raconter avec le clip ?
La prophétie décrite dans " Organic Sacrifice " a finalement fini par se produire à 6 mois d'intervalles avec la sortie de l'album (octobre 2019). Le morceau décrit une société où les rues sont vides et où tout le monde vit à l'intérieur. Toutes les phrases de ce morceau peuvent être appliquées à ce que nous avons vécu récemment sur Terre. La grande différence avec la situation actuelle est que le virus, dont je parle dans mon texte, est technologique. Les réseaux sociaux qui ont apparemment été créés pour rapprocher les gens, ont réussi à faire le contraire. Mais justement, est-ce qu'il n'est pas là le vrai virus ? Dans la globalisation et la technologie ?
Le clip, lui, contextualise les paroles et y ajoute une petite histoire très simple. Au milieu du confinement, 3 musiciens intrépides décident de braver les interdictions et se produisent en live lors d'un festival underground.
Dans le cas de " Transgenic ", la musique était-elle déjà là avant le concept ou est-ce que ça s'est mis en place au fur et à mesure ?
" Transgenic " est un projet complexe où paroles, pochette, concept et musique n'ont cessé d'évoluer jusqu'à la dernière minute. Rien que pour l'ordre des morceaux, j'ai passé plus de 3 semaines à me creuser la tête.
Comment s'est passé l'enregistrement ?
L'enregistrement était dingue. On essayait des choses folles. Sans aller dans le détail, je dirais que s'il y avait une caméra pointée sur nous pendant ce mois passé en studio, une personne non familière à un enregistrement pourrait assimiler ça à un asile psychiatrique. :)
A qui avez vous fait appel pour le mix et mastering ? J'aime ce résultat très organique chaleureux et non aseptisé. Votre son, bien qu'ayant un aspect vintage, est très moderne. Comment avez-vous trouvé cette merveilleuse formule ?
Merci beaucoup. Je suis très content que les gens se rendent comptent du travail qu'il y a derrière cet album. Pour le son, ce sont des années d'expérimentations et de recherches personnelles qui nous ont amené dans cette direction. Un peu de hasard et de folie également.
Notre son est vintage de base et on l'a rendu moderne en studio pour illustrer le concept " Transgenic ". Le mixage a été une étape très importante. Nous avons travaillé avec notre ami et génial ingénieur du son Léopold Schwaller qui a compris exactement où on voulait aller. Pour le mastering, on a du lutter pour garder le coté vintage. Notre but était de préserver notre son. Le mastering est une étape de normalisation qui rend le son homogène et souvent aseptisé. Nous sommes des gens méfiants du mastering...
Avez-vous pris des substances durant la création de l'album ?
Non. Je pense qu'on aurait eu besoin de 2x plus de temps... C'était un enregistrement très vivant, pleins de moments de créativité et de jubilation mais aussi très technique.
Avez-vous une anecdote de studio pour cet album ?
Nous avons commencé à l'enregistrer dans le studio de notre ami Sergio Gautier (Studio Eko), avant que celui-ci ne finisse en feu. Tout ça pour une histoire de pizza dans un micro onde. Finalement, nous avons été re-localisé dans un studio supersonique avec du matériel incroyable qui nous a permis de développer le son de cet album. On dira que sans cette pizza, le son de " Transgenic " aurait été très différent.
Parlez moi de ce titre qui m'intrigue " USA LSD BNB HIV ". Je le trouve assez planant et aérien avec l'ajout des choeurs...
" USA LSD BNB HIV " est le titre, musicalement, le plus " Transgenic " de l'album. J'ai écrit ce morceau quand quelqu'un m'a dit un jour qu'on faisait de la musique de drogués. Je me suis dis que le rock était aujourd'hui noyé dans ses propres clichés et n'est aujourd'hui plus considéré à sa juste valeur autant par les artistes que part le public. Pour moi, le rock est un art merveilleux qui nécessite énormément de passion et de travail. Ce morceau est assez défaitiste et souligne que le rock que j'aime est malheureusement mort. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de bons groupes mais que la culture elle-même s'est perdue dans des clichés tel que " Sex, drugs et Rock'n'roll ". Pour illustrer mon propos, j'aimerais souligner que Hendrix n'était pas un drogué mais un génie obsédé par son art.
Le clip c'est du " en veux-tu, en voilà ". Il contient pleins de petites histoires mais surtout c'est une réponse directe : " vous croyez qu'on est sale ? Eh bien regardez à quel point nous sommes sales ". Il y a beaucoup de sarcasme dans ce morceau. Musicalement, " USA LSD BNB HIV ", c'est aussi le morceau le plus léger de l'album. De part sa production, il ne nous ressemble pas mais personnellement je l'adore.
Vos inspirations en terme de musique et bande originale pour cet album et en général ?
Les influences de DIRTY SOUND MAGNET se trouvent dans le rock majestueux des années 60-70 (LED ZEPPELIN, THE DOORS, PINK FLOYD, FRANK ZAPPA, BLACK SABBATH, JETHRO TULL, KING CRIMSON, JIMI HENDRIX et pleins d'autres).
Par contre pour cet album, l'esthétique du son est inspiré par des productions plus modernes tel que TAME IMPALA ou encore POND et KING GIZZARD AND THE LIZARD WIZARD.
En terme de bande originale, le son des Western Spaghetti sera toujours une influence. A chaque fois, que je ne me souviens plus du son que j'aime j'écoute la bande originale du " Bon, la brute et le truand " écrite par le génial Ennio Morricone.
Qui a fait la pochette de l'album et que vouliez vous raconter avec ? Expliques moi la symbolique avec la serrure et l'oeil. Cette pochette me fait penser à une cover de comics psychédélique kitch et futuriste type pulp comme Flash Gordon.
La pochette a été faite par notre batteur Maxime Cosandey. Le fait de faire tout nous-même permet de garder un contrôle total sur nos créations artistiques. La pochette est une illustration du monde que l'on présente dans les paroles de l'album. Ce monde est haut en couleur mais il est faux. Il est transgénique.
Les 3 membres du groupe sont présents dans la pochette et sont, malgré eux, submergés par la technologie. Ils sont les gardiens d'un monde ancien, qui est lui, organique et qui est représenté par le trou de serrure. La clé de ce monde organique est en quelque sorte la musique présente sur cet album.
J'ai lu que vous aviez fini d'enregistrer le successeur de " Transgenic ". Cette fois le processus a été plus roots ? Qu'elle était le mood pendant l'enregistrement ? Comment comptez-vous le financer ?
Oui pas de gros studio cette fois. Nous avons tout fait nous-même avec les moyens du bord. La grande surprise est que nous avons réussi à obtenir un son excellent. On ne s'est pas laissé décourager malgré l'annulation de nos tournées. Ca fait mal et contrairement à la France, l'intermittence du spectacle n'existe pas. Il est assez rare de trouver en Suisse des artistes rock qui sont engagés à 100% dans la musique. Il faut être un peu fou et je crois que nous le sommes un peu :)
Cette situation avec le Coronavirus vous a coupé l'herbe sous le pied vous empêchant de pleinement promouvoir votre nouvel album. Comment l'avez-vous pris et quelle est la situation actuelle en Suisse concernant les concerts ?
On fait avec. On a essayé de jamais se plaindre et de travailler encore plus notre musique. Dès que les concerts seront à nouveau possible, on sautera sur scène à pieds joints. En Suisse, il y a une lueur d'espoir mais pour nous l'essentiel de nos concerts se déroulent à l'étranger. On espère aussi bientôt jouer en France où nous avons jusqu'à maintenant peu joué. Nos expériences avec le public français ont toujours été très positives. Le public français est plus connaisseur que ce que l'on veut bien croire en Suisse.
Vos projet pour cet album où peut on se le procurer ? La différence entre la version album physique, numérique et la version vinyle ?
Il est sur toutes les plateformes numériques. En physique, sur le site de notre label Hummus Records, sur Bandcamp et ailleurs aussi. Il est distribué physiquement en France aussi.
La version vinyle est peu plus longue. La version vinyle est la version définitive pour moi. C'est ainsi que l'album devrait être écouté.
La question que je n'ai pas posée et à laquelle tu souhaitais répondre ?
Toi : Pourquoi vous ne jouez pas plus en France ?
Moi : Invitez-nous !
Merci pour l'interview et meilleures salutations.
Stavros