THE BETHS + DATELINE
Paris le 30/09/25
(Le Trabendo)




Invité à la dernière minute par Guillaume Circus et Ted (merci les gars du W-Fenec), je n’avais pas vraiment le cœur à sortir ce soir-là. La fatigue, le moral en berne, et cette petite voix intérieure qui me soufflait que rester chez soi avec un disque en fond sonore serait peut-être plus sage. Mais j’avais écouté quelques titres d’ “ Expert in a Dying Field “ puis le tout récent “ Straight Line is a Lie “, et quelque chose me disait qu’il serait dommage de manquer le passage des Néo-Zélandais à Paris. Bien m’en a pris : ce fut l’un de ces concerts qui redonnent l’énergie qu’on croyait perdue.

Je demande à Circus s’il a écouté la première partie et il me répond : “ Oui, ils viennent aussi de Nouvelle-Zélande, et avec une oreille distraite, tu pourrais croire que c’est THE BETHS “. DATELINE va donc nous servir de mise en bouche avant la tête d’affiche.
Kathy Everingham, sourire large mais voix fragile, entre en scène et lâche un timide “ Bonsoir… and it’s all I can say in French “. Le ton est donné : la sincérité sera de mise. Elle raconte ensuite ses mésaventures parisiennes, expliquant qu’elle a eu du mal à se faire comprendre en voulant simplement commander un croissant. “ I wish I could speak more French to you, but it will be in English tonight “. L’aveu amuse le public et brise instantanément la glace.
Le set s’ouvre avec “ Please Knock Me Out “, une entrée en matière toute en tension contenue, qui installe l’atmosphère indie-pop teintée de spleen. Rapidement, “ Be Good “ et “ Slow Down “ emmènent le public dans des textures plus douces, presque rêveuses, où la voix de Kathy se pose avec une justesse touchante. On comprend vite que DATELINE joue sur les contrastes : lenteur assumée, puis accélérations bien senties.
Avec “ Wanting More “, la dynamique monte d’un cran, plus nerveuse, plus garage dans l’esprit, où le guitariste Reuben McDonald lâche quelques riffs tranchants. La complicité entre les musiciens saute aux yeux : ils se connaissent par cœur et se renvoient les sourires comme s’ils jouaient dans leur salon. “ Drama “ marque un tournant : plus sombre, plus tendue, elle séduit immédiatement les amateurs de grunge pop. Puis arrive “ Tell Henry “, titre au groove irrésistible qui arrache même quelques mouvements de tête au public, d’habitude si sage en première partie.
La fin du set s’articule autour de deux morceaux efficaces : “ What Is It Worth? “, nerveux et incisif, et enfin “ Hey! You Look Good “, hymne immédiat, parfait pour clore sur une note lumineuse. Le refrain, simple mais imparable, reste en tête bien après les dernières notes. En un peu plus de trente minutes, DATELINE aura conquis plus d’un spectateur. Les remerciements sont chaleureux, l’autodérision permanente, et l’énergie communicative. Beaucoup quittent la fosse pour passer par le stand de merch, preuve que la bande a marqué des points. Ils n’ont peut-être pas l’envergure internationale de THE BETHS, mais ce soir, ils ont planté leur graine dans les cœurs parisiens pour une de leur première sortie en Europe.

Set-list :
1. Please Knock Me Out
2. Be Good
3. Slow Down
4. Wanting More
5. Drama
6. Tell Henry
7. What Is It Worth?
8. Hey! You Look Good



Après une bière avec Circus et des échanges sur DATELINE et surtout après avoir félicité au merch Kathy, la chanteuse de DATELINE, il est temps d’aller écouter et découvrir en live THE BETHS. J’ai demandé à Circus si je devais mettre mes lentilles pour aller me frotter au public pour les photos (pas de crash barrière au trabendo…) et il m’a répondu du tac au tac : “ Pas de pogo, tu verras, le public est tout minou chou “. Mode lunettes “ On “ et je n’ai pas eu de souci sur DATELINE, le public étant de bonnes crèmes et le concert n’est pas sold out.

À 21h, la salle est plus remplie que pour DATELINE et l’attente palpable. Dès l’ouverture sur “ Straight Line “, THE BETHS installent leur atmosphère si particulière : à la fois modeste et incroyablement précise. Elizabeth Stokes, loin de jouer les frontwomen dominatrices, préfère la complicité avec ses compagnons de route : Jonathan Pierce (guitare, humour pince-sans-rire), Benjamin Sinclair (basse discrète mais essentielle) et Tristan Deck (batterie solide). L’alchimie fonctionne : c’est une petite famille, et le public parisien s’y glisse naturellement. Dès le deuxième morceau, “ No Joy “, la surprise arrive : Jonathan et Benjamin sortent chacun une flûte à bec pour un caméo incongru et délicieux. Paris rit, Paris applaudit : la soirée est lancée.
La set-list alterne habilement nouveautés et classiques : “ Silence “, “ Future Me Hates Me “ et “ Metal “ se fondent parfaitement avec les extraits du nouvel album. Mais c’est avec “ Til My Heart Stops “ que tout bascule. J’avoue : sans cette chanson, je serais sans doute resté dans mon terrier. C’est elle qui m’a convaincu de bouger ce soir, et quand elle résonne enfin dans la salle, je comprends pourquoi. Tout y est : la fragilité des couplets, comme un aveu chuchoté (“ I pull away like I’m used to… ”), le poids des murs invisibles qu’on se construit (“ Built a wall to the sky, made of glass I can see through ”), et ce refrain qui explose comme une libération : “ I wanna ride my bike in the rain, I wanna fly my kite in a hurricane… ”. En l’entendant, je me rends compte qu’Elizabeth a mis des mots et une mélodie sur cet élan contradictoire : la peur de vivre trop fort, et le désir brûlant de le faire quand même. “ I wanna love til my heart stops ”. La salle entière vibre avec elle, et moi je me surprends à chanter, à sourire, à sentir que quelque chose se recolle. À ce moment précis, Paris n’est plus une ville grise et morose, mais une bulle où tout devient possible.
Le concert est ponctué de ces petites confidences qui rappellent que THE BETHS restent des musiciens du quotidien. Elizabeth bataille avec son accordage sur une guitare acoustique qu’elle avoue encore mal dompter : une partie de leur matériel a été volée il y a quelques jours, et elle confie que cette guitare de remplacement lui résiste encore un peu. Elizabeth prend aussi un moment pour évoquer la mésaventure qui a frappé le groupe il y a quelques jours : le vol d’une partie de leur matériel. “ La quantité d’amour et de soutien que nous avons reçue a été incroyable et tellement réconfortante. Merci “, dit-elle avec émotion. Highway Holidays leur backliner leur a prêté un van et du backline pour pouvoir continuer la tournée, et DATELINE ont partagé instruments de leur côté pour les dépanner. Mais tout n’est pas encore résolu une partie du matériel manque à l’appel… “ Les concerts sont un vrai remède, même si parfois c’est triste “, conclut-elle, en expliquant qu’ils prennent soin les uns des autres et que la bonne humeur finit toujours par revenir.
Le public la soutient, applaudit et commence “ Mosquitoes “ une chanson qui va lorgner sur le plan de la voix chez les premiers CRANBERRIES. Plus tard, Jonathan raconte avec son humour pince-sans-rire que le groupe s’est perdu dans le parc de la Villette en arrivant à Paris, et qu’ils ont passé de longues minutes à se demander ce qu’était cette étrange boule futuriste qu’on appelle la Géode. Tout le monde rit, et l’ambiance gagne encore en complicité. Elizabeth va même jusqu’à sortir un triangle sur un morceau.
L’émotion revient de plein fouet sur “ Mother Pray For Me “, interprété presque en apnée, la salle suspendue aux lèvres d’Elizabeth. À l’inverse, “ Jump Rope Gazers “ et “ Uptown Girl “ réveillent la salle dans une énergie sautillante.
Les morceaux “ Best Laid Plans “ et “ Knees Deep “ rappellent combien le groupe sait naviguer entre la mélancolie feutrée et l’indie-pop la plus directe. La fin de set monte encore en intensité : “ Not Getting Excited “ accélère les battements de cœur, et “ Expert in a Dying Field “ décroche l’instant choral de la soirée, repris en chœur par un public conquis, bras levés et regards complices. C’est le genre de moment qui vous réconcilie avec le monde. Et alors qu’on croyait la soirée terminée, THE BETHS reviennent pour un rappel avec “ Take It “, nouveau titre déjà armé pour devenir un incontournable.
Au sortir du concert, sous la grisaille parisienne, je repense à mon humeur d’avant. Si j’avais écouté cette petite voix pessimiste, j’aurais manqué un grand moment. Je ressors heureux, Circus légèrement sur la réserve aurait préféré plus d’anciens morceaux mais il a le smile car il adore le groupe… je vais aller me plonger dans leur discographie pour voir ce que j’ai manqué. Mais ce soir la set-list a proposé 8 titres du dernier album qui a été ma porte d’entrée sur le groupe et j’étais dans ma zone de confort.
Ce soir, THE BETHS n’ont pas seulement joué un concert : ils m’ont rappelé pourquoi on sort de chez soi, pourquoi on s’entasse dans des salles moites et bruyantes — parce qu’au détour d’un refrain ou d’un sourire partagé, la musique sait, encore et toujours, réparer un peu de nous.

Set-list :
1. Straight Line
2. No Joy
3. Silence
4. Future Me Hates Me
5. Metal
6. Til My Heart Stops
7. Mother of Pearl
8. Out of Sight
9. Knees Deep
10. Mosquitoes
11. Uptown Girl
12. Jump Rope Gazers
13. Best Laid Plans
14. Little Death
15. Not Getting Excited
16. Expert in a Dying Field
Encore
17. Take It



Merci à Camille pour les invits, Ted pour la logistique et Circus pour ses (HuGUI(GUI)) bons tuyaux que l’on retrouve ici http://www.huguigui.fr/ et THE BETHS était dans la saison 2 (comme quoi je ne suis pas le seul à naviguer sous plusieurs bannières).


(Photos et review par Djaycee)

<<< Retour >>>