| STYLETO + NUMAH Juvisy-sur-Orge le 03/10/25 (Les Bords de Scène - Espace Jean-Lurçat) ![]() Il y a des soirées où l’on enfile le pass photo non pour cocher une case ou remplir un quota de clichés, mais pour le plaisir d’être là, au bon endroit, au bon moment. Ce concert de STYLETO, dans le cadre du Festival de Marne à Juvisy-sur-Orge dans les salles les Bords de scènes, avait tout de ce genre d’instants. L’air était doux, la lumière dorée, et le public venu en famille, entre poussettes, jeunes fans surexcités et parents ravis de partager un moment musical sans excès ni prétention. Perchée sur scène comme sur une falaise imaginaire, NUMAH semble venue d’un autre monde. Un décor minimaliste l’entoure : une petite maison d’enfant derrière laquelle se cache un piano, une boîte aux lettres à l’américaine posée sur le côté, et cette présence à la fois douce et singulière qui emplit tout l’espace sans jamais le forcer. Dès les premières notes de " Dans la foule ", la salle se tait. Pas un silence pesant, mais ce genre de recueillement que provoque une voix rare. Cette voix androgyne, presque enfantine, qui flotte quelque part entre la fragilité et la sérénité. NUMAH chante comme on confie un secret — chaque mot semble choisi pour apaiser quelque chose en elle comme chez nous. Son univers oscille entre chanson française introspective et textures aériennes proches du RnB ou de la folk. On pense à YSEULT pour la sincérité ou à ANGUS & JULIA STONE pour la nostalgie lumineuse. Mais NUMAH, surtout, a déjà trouvé son territoire : celui d’une artiste qui écrit pour comprendre, qui chante pour se réparer. Entre deux morceaux, elle s’approche de sa boîte aux lettres, en tire une enveloppe. Elle la tend au public, simplement : " Ce sont toutes les lettres que mon ex m’a écrites. Quelqu’un veut en lire une ? " Une spectatrice hésite, puis s’exécute. La voix tremblée du public se mêle à celle de l’artiste, et l’émotion monte d’un cran. Le morceau qui suit " oh boy ", une chanson d’adieu sans rancune, toute en retenue, agit comme une vague lente. Elle balance toutes lettres dans la salle dans un moment que les photographes apprécient. Tout au long du set, NUMAH alterne entre guitare, piano et chant sur samples. Chaque transition est fluide, habitée. Il n’y a rien de démonstratif, mais tout respire la sincérité et la maîtrise. On devine derrière cette simplicité une solide formation, forgée à Londres, peaufinée dans les bars et les petites salles parisiennes. Pas étonnant qu’elle cite BANKS ou CHARLOTTE CARDIN. L’un des temps forts de son concert arrive avec une chanson récente pour les " Yes Girls ", dédiée " à celles qui disent toujours oui à tout ". Le morceau, plus affirmé rythmiquement, déploie un message clair : apprendre à se poser, à dire non, à se choisir. Un instant d’émancipation tout en douceur, accueilli par de nombreux sourires dans la salle, preuve que le message touche juste. L’univers de NUMAH, c’est celui d’une poétesse des émotions retenues. Chaque chanson agit comme une petite potion intime, une missive sonore envoyée au vent. Dans la symbolique de sa mise en scène - ces lettres, cette cabane, cette falaise invisible - se dessine un rapport à la création presque mystique : écrire pour relier les mondes, chanter pour garder trace des instants. Quarante minutes plus tard, elle s’efface dans une lumière tamisée, sans fracas, laissant derrière elle un écho doux, persistant. En dérushant, je vois que la poésie est même sous son visage, elle s’est maquillée avec un emoji " lettre avec cœur " sous chaque œil. Une parenthèse suspendue avant le tumulte joyeux de STYLETO, comme une respiration nécessaire. Set-list : 1. Dans la foule 2. Pantins Heureux 3. Oh Boy 4. Le matcha attendra 5. Marie Claude 6. Papier Vernis 7. Yes Gir Trois morceaux derrière l’objectif. Trois titres pour capter l’essentiel : un groupe au naturel, des visages lumineux, une sincérité palpable. Ce soir c’est “ la dernière de la première partie de la tournée “. Dès “ Mamamamamia “ la mécanique est bien huilée. Les refrains accrochent immédiatement, le son est rond, précis, et la voix pleine d’une fraîcheur désarmante. STYLETO n’a pas besoin d’artifices pour embarquer la foule : la justesse du ton et la proximité émotionnelle font le reste. “ Dans ma tête “ et “ Fier de ta mère “ confirment ce que l’on pressentait : la force du groupe réside dans cette façon de parler à tout le monde, avec des mots simples, une autodérision bien dosée et une tendresse sous-jacente. Les textes sont pleins de ces détails du quotidien qui font sourire ou réfléchir selon l’âge qu’on a. Dans la foule, on croise des adolescentes qui connaissent les paroles par cœur, et juste derrière, leurs parents qui finissent par chanter aussi, parfois malgré eux, parfois de leur plein gré. L’émotion est telle que la chanteuse s’effondre en larmes au milieu de la 3e chanson, nécessitant de reprendre après quelques secondes de flottement. Le photographe en moi se laisse rapidement remplacer par le spectateur. L’appareil photo reflex rangé après le troisième morceau, je rejoins les miens dans les gradins. C’est peut-être ça, la réussite de STYLETO : cette capacité à créer un lien sincère, immédiat, où l’on oublie les distances entre scène et public. La proximité est constante, sans jamais tomber dans la connivence forcée. On sent une écoute réelle, un plaisir partagé. Le photographe n’est jamais loin, je prends mon petit compact pour faire quelques vidéos et photos pour mes filles. “ Dans la moyenne “, puis “ OK très bien “, s’enchaînent avec une fluidité remarquable. La section rythmique est solide, les guitares bien placées, et le chant navigue entre énergie pop et fragilité assumée. Chaque morceau devient une petite chronique de vie, un fragment d’expérience collective. STYLETO réussit à parler de banalité avec élégance, à transformer la normalité en mélodie. Les morceaux plus intimes, comme “ Histoire d’amitié “ ou “ Parle-moi “ installent une atmosphère douce et recueillie. Les lumières se font plus sobres, les visages se tournent vers la scène, les conversations s’interrompent naturellement. Dans ces moments-là, le groupe prouve qu’il peut être à la fois léger et profond, drôle et touchant. Moment plus étonnant pour celui qui ne connait pas la discographie de l’artiste “ Paroles “ de DALIDA… mais pourquoi pas. Sur “ Gaffe aux autres “, reprise de BEN MAZUÉ, qu’elle enchaine avec “ Changer de vie “ qui est pour le coup une chanson qu’elle a coécrite avec Ben. Elle demande au public de chanter les paroles de Ben qui n’était pas présent. La dernière partie du concert prend des allures de célébration. “ Les visages et les odeurs “ qui fait figure de madeleine de Proust, “ Faut que tu m’aimes “ single pop qui l’a fait connaitre, “ Trop bonnes “ et “ Fille lacrymale “ envoient une vague finale de bonne humeur et de mélancolie mêlées. Pas d’esbroufe, pas d’effets de manche : juste des chansons bien écrites, des musiciens sincères et un public conquis. En sortant du site, les échos de la scène résonnent encore. Les filles fredonnent les refrains en marchant, et moi je souris intérieurement : ce n’était pas un concert “ pour enfants/ado s”, ni un moment doudou, mais une vraie soirée pop, généreuse et humaine. STYLETO rappelle qu’on peut faire de la musique populaire sans sacrifier la finesse, ni la pudeur. Un concert lumineux, chaleureux, sincère. On y vient pour faire plaisir aux enfants, on en ressort le cœur un peu plus léger, convaincu qu’il y a encore une place, dans la chanson française, pour cette honnêteté-là. Et quelque part entre les refrains, la lumière et les rires, on se surprend à penser qu’il n’y a peut-être pas de plus belle façon de passer une soirée que celle de la vivre en famille, ensemble, simplement. Set-list : 1. Mamma Mia 2. Dans ma tête 3. Fier de ta mère 4. Chanson remerciements 5. Dans la moyenne 6. OK très bien 7. Histoire d’amitié 8. Parle-moi 9. Seule 10. Paroles 11. Gaffe aux autres 12. Changer de vie 13. Amour cyclone 14. Les visages et les odeurs 15. Tout va bien (se passer) 16. Ficello 17. La petite chanteuse 18. Faut que tu m’aimes 19. Trop bonnes 20. Fille lacrymale (Photos et review par Djaycee) <<< Retour >>> |