FLYING POOH + MUNSHY
Paris le 01/05/07
(Le Trabendo)


Paradoxalement, le 1er mai est la fête du travail et… on ne glande rien ce jour là ! Alors tant qu’à faire, on est venus assez nombreux au Trabendo pour voir MUNSHY et FLYING POOH, qui, eux, ne chôment pas !
Avant toute chose, cet article s’adresse plutôt aux non-initiés, puisque le but est de les attirer aux shows de ces groupes. Pour saisir le phénomène MUNSHY, il convient donc d’une présentation en règle : MUNSHY n’est pas une obscure première partie, mais, au contraire, bien connu de nos services : emmené par la charismatique Faustine, ce quintet Seine et Marnais a gagné les finales françaises et européennes du festival Emergenza (2nde place pour la finale Européenne en fait je crois bien) en 2002 ainsi qu’une édition sur la fameuse compilation “ La Pépinière ”, éditée chaque année par le réseau Pinces-Oreilles avec à la clé un processus d’accompagnement des groupes les plus prometteurs du secteur. Ils ne s’y sont pas trompé ; depuis MUNSHY a fait beaucoup de route et a gagné une certaine notoriété et un public croissant.

Ce soir, le public est venu en masse assister à la prestation du combo. On sait lorsqu’on les connaît que l’on va assister à un show de qualité, le jeu de scène est soigné dès l’entrée, introduite par des infrabasses sourdes et des sons sifflants, les musiciens s’installent sous les acclamations d’une foule initiée au spleen munshyen.
En substance, il s’agit d’une formule nommée “trip-core”, subtil mélange de trip-hop et de hardcore. Côté trip-hop, une section rythmique basse-batterie bien synchro, balançant des beats organiques sensuels et dansants malgré une noirceur qui affleure. Le guitariste joue quant-à lui avec son rack d’effets par lequel il fait flotter des nappes lancinantes, des sons voilés ou enroués dont delay et reverb sont les maîtres. Le bassiste le relaye parfois à ce petit jeu. Il est secondé par un guitariste plus discret dévolu aux arpèges et à la rythmique.
Côté hardcore, faut-il vous faire un dessin ? Reprenez les mêmes ingrédients et plombez les sur de la disto bien grasse et une batterie bien hargneuse. Vous obtiendrez donc une bonne force de frappe accouplée à une approche expérimentale ; pour prendre des références précises KORN avec PORTISHEAD ou MASSIVE ATTACK.
Loin de se cantonner à une fusion basique de deux styles, le combo brasse toutefois différentes influences sans perdre sa cohérence électro metal et gonfle parfois ses compositions avec de l’improvisation toujours sous contrôle. On retiendra notamment le passage dub particulièrement réussi de " On my Shoulder " ou bien l’introduction orientale du morceau de rappel.
Faustine constitue l’élément liant. D’abord parce qu’elle dégage un charisme époustouflant à tel point qu’elle pourrait se tenir assise sans rien faire pendant tout le set en fixant le public et on ne lui en voudrait même pas (enfin, n’exagérons rien tout de même…). Ca serait cependant tellement dommage de ne pas exploiter cette énergie dont elle regorge. Le chant autour de textes très personnels est en anglais, Faustine en est l’auteur mais également l’interprète dans un sens total : bien sûr elle le chante (lorsqu’elle ne le scande pas dans la tradition néometal) mais elle le vit également et le fait vivre au public : elle l’extirpe de son corps et tout son visage l’exprime. Artiste complète, Faustine met très judicieusement à profit son expérience du théâtre et de la danse pour proposer un show à la fois introspectif et physique. Tour à tour, elle s’affirme fragile, menaçante, mutine, angoissée, féline, enragée…
Son chant et son attitude varient en fonction de ces émotions, passant d’une voix aux teintes
enfantines à des rugissements de furie, tournoyant sur elle-même puis se repenchant doucement vers le public qu’elle scrute de son regard habité.
La formule quant-à elle reste simple mais riche de nombreuses trouvailles.
Le guitariste exploite à merveille le panel de son rack et la section rythmique affectionne les ruptures et l’aération. Le bassiste se plait à quelques lignes atypiques, comme ce morceau appuyé sur des accords rappelant le Wandering star de PORTISHEAD. Si la mélancolie domine sur des ambiances froides et hypnotiques, le spleen munshyen consiste constamment à jouer avec la colère, à la contenir puis à la hurler et à la rentrer à nouveau.
Faustine excelle à cet exercice, ses musiciens savent parfaitement occuper la scène avec elle et le public le leur rend bien.

On se remet de ses émotions, la foule transite et le show de FLYING POOH commence. Sur scène, chemises noires et cravates blanches de rigueur, Satanas au micro cache ses yeux de cinglé derrière des lunettes noires. Fini donc le temps de " San Antonio " et les costumes bariolés et excentriques, aujourd’hui, les crottes volantes distribuent des fessées avec le plus grand sérieux et sont devenus plus rock’n’roll que jamais. Mais ils n’ont rien perdu de leur frénésie ni de leur côté délicieusement déjanté.
Ce que le premier morceau ne vient d’ailleurs pas mettre en avant. Il s’agit d’un nouveau titre, que le combo rode sur scène en prévision d’un nouvel album pour la fin de l’année. Et là je dois dire que les quelques inquiétudes que j’avais pu avoir sur « Spanking day » rejaillissent illico : le groupe en a visiblement marre de galérer et s’ouvre à un plus large public en proposant un rock plus basique et surtout plus britannique qui marche très fort en ce moment. Perso, je commence à en avoir marre de ce genre de choses, j’emmerde les ARCTIC MONKEYS ou les Klaxons et ça me déçoit du FLYING de plaquer un poil son intégrité pour ça. Cela dit c’est une opinion toute subjective et je pense que le groupe apprécie lui-même le rock britton. Simplement, sur ce morceau, ça manque un peu de leur sauce particulière. Bon passons, de toute façon le public contient de nombreux fidèles qui connaissent déjà le titre et qui commencent à animer la fosse, alors admettons.
Le sourire me revient lorsque le combo entonne " Get Drunk ". On retrouve cette ambiance quelque peu malsaine, la puissance des guitares mélangées à ce flot psychédélique échappé du clavier. Le groupe a techniquement un peu de mal à démarrer sa mise en place, le batteur stabilise peu à peu sa régularité et le guitariste joue désaccordé.
Le public s’en moque, Satanas l’emporte avec lui et lui fournit cette bonne ivresse.
Petit à petit, la tension monte et le set donne la part belle aux morceaux de " Spanking day " en enfilant d’abord le monologue schizophrène de Good Morning Sweetheart, suivi de sa décharge de disto " I can’t breathe ! " puis le trépidant " Wanna kill a rock superstar " sur lequel la fosse s’allume pour de bon, les mains en l’air, les épaules s’entrechoquant et les gamins slamant sans relâche.
Entre ambiances psychotiques et énergie rock festive, le groupe a trouvé son créneau. La magie vient définitivement de ce clavier qui envoie ses sons d’orgues et de clavecins démodés et décalés et qui donnent tout leur charme aux compositions du groupe. A l’instar de MUNSHY, on se retrouve souvent dans des atmosphères un peu lancinantes et hypnotiques, le tout relevé par une puissance fiévreuse. La fête s’affirme avec Be fat et son groove presque house ; la foule jumpe et on touche à une joyeuse hystérie lorsque des gens du public constituent une chenille au milieu de la fosse (!) Un grand moment. Le FLYING envoie quelques nouveaux morceaux dont certains sonnent dans la lignée du " Spanking Day " en gardant une bonne place au clavier et d'autres s'abiment dans un trip plus large public, rock'n'roll fun comme j’en ai parlé plus haut ; on y prête une oreille mitigée. Mais on ne néglige pas pour autant les bons vieux titres de " Viva San Antonio " : on a droit à un Mecztow revolution balkanique et à la traditionnelle " Benny's Party " et sa partition d’orgue sixties; la fosse est toujours debout et toujours frénétique. Le set touche à sa fin avec la grandiloquence de la pièce majeure du dernier album Spanking day puis Le tueur au texte délicieusement décalé que la foule scande en chœur ("je joue au foot avec ta tête") Le groupe calme un peu le jeu (d'autant que le claviériste s'est pété le doigt - mais il joue quand même, c’est beau !) et revient pour un premier rappel avec une special guest. Je n’ai pas très bien compris de qui il s’agissait (si vous le savez écrivez moi) mais c'est un petit brin de fille bien foutu et rock'n'roll qui vient hurler sur un Your life survitaminé. Puis elle reste sur scène pour jouer la Super Pin-up, braillé en choeur avec un public déchaîné, totalement acquis à la cause.
FLYING POOH sort encore et revient pour un deuxième rappel, on lui réclame " Psychiatrik core " depuis un bout de temps, ok, c'est parti, Satanas revigore les troupes à coup de whisky pour l'assaut final (authentique : il a distribué quelques gobelets et certains se sont laissé asperger directement) La fosse scande les paroles avec ferveur et se défonce et chavire jusqu'à finir sur les rotules. On sort de là au final en nage et le sourire aux lèvres. J'ai passé un excellent moment et j'ai vraiment beaucoup apprécié cette fosse.

En résumé, une excellente soirée, conviviale sans être molle pour un sou avec deux incroyables groupes de scène, des ambiances atmosphériques et expérimentales pour des explosions jouissives. MUNSHY joue définitivement et depuis longtemps dans la cour des grands et vous ne tarderez pas à l’apprendre de visu si vous l’ignorez encore. Leur album est prévu pour octobre, ne le manquez pas !
Le FLYING est toujours aussi déjanté et il a un public fidèle, dévoué et bien remuant avec lequel c'est un plaisir de se mêler. J'attends quand même le nouvel album avec appréhension.
A suivre dans ces pages…


(Review réalisée par Kapt'n Frakass )

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