MAUD LÜBECK + ANTOINE BIENVENU + GONTARD
Paris le 16/05/18
(Les Trois Baudets)


Revenir plus de six mois après sur cette date peut relever de deux choses, d’un retard sur les livrables ou bien au contraire d’une volonté de n’avoir pas mis l’eau à la bouche sur un album qui n’est sorti que début 2019 et dont je me sens presque coupable d’avoir eu la primeur. On ne va pas se mentir je suis venu ce soir aux trois baudets pour GONTARD ! qui m’intrigue mais c’est également par curiosité par rapport à la production de MAUD LUBECK, signée au sein de label d’amis de 20 ans. L’artiste joue ce soir un album de rédemption salvatrice après une rupture douloureuse.

Nous assisterons et je ne le savais pas encore à un moment de grâce, à une chair de poule qui n’est ressentie que lorsque les artistes à fleur de peau se mettent à nue. Le temps de monter sur la scène de s’installer au piano, MAUD LUBECK rayonne et irradie comme peu d’artistes le font. Il ne s’agit pas de charisme, mais d’une fragilité extravertie qui la rend même difficile à photographier, nous mettant dans une sorte de gêne heureuse. Ne pas la photographier, la laisser jouer. Le titre " Divine " porte ici merveilleusement bien son nom. Je n’ai toujours pas écouté l’album tant je me raccroche à ce piano voix qui m’a un jour arraché le cœur et on se demande comment quelqu’un a pu blesser un être comme MAUD de quelque sorte. Ce soir " Divine " sera joué dans l’ordre de la tracklist. " Ce qui ne tue pas rend plus fort " et je suis heureux de la retrouver « amoureuse » et revigorée elle qui avait été quasi exsangue de sa précédente relation. La voix se pose douce comme une FRANCOISE HARDY qui s’assumerait, sur des notes de pianos dont les accords s’apparentent parfois à du classique. On pense aux compositions de Gainsbourg qui s’avait tant mélanger les genres et mettre en avant les chanteuses. Là où le piano voix aurait pu s’avéré risqué, elle nous entraine avec elle par sa sincérité. Le temps de certains accords annonçant " ne me dis pas ", le temps est suspendu. La chanson part une première fois mais prise par l’émotion, la chanteuse reprend son texte. Amateurisme ? Non, passion musicale et amoureuse et s’en est même d’autant mieux, cela nous redonne une seconde chance d’être pris aux tripes par la sincérité. Le clip diffusé entre ce concert et la sortie de l’album en dévoile plus sur la chanteuse " ne me dis pas que tu m’aimes, d’autres me l’ont dit avant toi et sont parties ". Divine, elle se dévoile dans son couple et pour une fois la gente masculine n’est pas à l’origine du malheur d’une femme. Ce titre a la puissance émotionnelle de " j’envoie valser " de ZAZIE dépouillée du côté variété. Réhaussée du piano, cette chanson devient un hymne à l’amour silencieux.
" Cardiophonie " pourrait s’appeler " cardiophobie " vient préciser les peurs de la chanteuse, cette peur du cœur. Une fois encore, MAUD LUBECK se coupe dans sa chanson et elle se tourne vers nous dans un regard " qu’en pensez-vous ? " semble-t-elle nous demander " ce n’est pas trop transparent, on ne voit pas trop mon cœur ? " comme pourrait le demander une sœur à son ainée avant de sortir. Oui c’est transparent, oui nous voyons votre cœur MAUD mais c’est superbe et ce n’est pas de l’exhibitionnisme de votre part ni du voyeurisme de la nôtre, c’est beau, tout simplement beau.
Ce moment divin doit prendre fin et j’ai le souvenir que depuis le mois de mai j’attendais janvier pour réécouter ces merveilles. Auront-elles le même effet sur disque certainement pas ? C’est pour cela que les concerts sont essentiels et que celui aura toujours une place particulière.

Set-list:
1. divine
2. amoureuse
3. l’autre part
4. cardiophonie
5. ne me dis pas
6. A deux
7. l'absente
8. cœur
9. dernier amour



Vient ensuite ANTOINE BIENVENU. Simple interlude entre la beauté de MAUD LUBECK et la folie de GONTARD ! ?
Non bien au contraire, entouré d’un violoncelle, d’une guitare et d’une boite à rythme mais également des projections d’ALEXANDRE MALHEIRO, ANTOINE BIENVENU nous fait découvrir un autre univers. Son EP sorti quelques semaines plus tôt s’articule aussi autour du piano. ANTOINE nous fait voyager entre son accident de pied et des duos avec Laurence Weber et plus inattendu avec la GRANDE SOPHIE. " Pareil Pareil " est superbe d’envolée lyrique et encore une fois les projections d’ALEXANDRE MALHEIRO. ANTOINE nous présentera également une version inspirée de " Cézanne Paint ". La chason co-écrite avec ALEX BEAUPAIN est également une belle surprise.
Une excellente découverte et je pense qu’il nous aura également donné un moment de grâce, que nous aurions aimé interminable sur la reprise de la chanson éponyme du film " call me by your name " en quasi a capela accompagné d’un simple ukulélé.

Set-list:
1. Prélude
2. Très peu pour moi
3. Ton envie
4. Les pieds sur terre
5. Paloma (en duo avec Laurence Weber)
6. Mare sicuro
7. La nuit et le jour (en duo avec La Grande Sophie)
8. Pareil pareil
9. Cézanne peint
10. La voix d’or
11. Grozny
12. Les Trois Baudets
13. Call me by your name



MAUD LUBECK et ANTOINE BIENVENU m’auraient presque fait oublier que je n’étais quasi venu que pour GONTARD !
Cette énergumène en blouse et masque de lapin qui sort un album hors du temps " Tout nait, tout s’achève dans un disque ". Lui qui a su convoquer les cendres de DIABOLOGUM, EXPERIENCE voire même VIRAGO sur un disque qui fait partie des plus beaux opus que l’année 2018 nous a produit. J’ai récupéré la set-list mais ce ne sont pas les titres joués ; masque de lapin, setlist erronée, GONTARD est comme le lapin d’Alice, il veut nous perdre. Le lapin est possédé, son spoken word est à mettre au niveau des invectives d’un politicien face à public conquis mais il ne déroule pas ici son programme mais un quotidien, triste, parfois sordide. Sa musique est syncopée et colle avec le flux des paroles.
GONTARD remercie aussi Didier Varrod présent dans la salle car c’est un des rares programmateurs à le passer à la radio. Et c’est bien dommage car GONTARD a des talents pour raconter les choses souvent crues, parfois sales mais il les dit bien. Il n’hésite pas à reprendre " Maison " de Jean-Luc de Ténia et les cuivres accompagnent à merveille cet hommage que le chanteur rend à l’auteur originel décédé.
On aimerait voir plus GONTARD, l’entendre plus. GONTARD est inclassable dans le paysage musical actuel entre une variété souvent trop aseptisée et un rock parfois pas assez sombre. GONTARD est un troublions, faux branleur mais quand il éructe cela est construit et s’appuie sur de superbes mélodies.
Finalement nous aurons eu trois têtes d’affiche dans cette programmation hétéroclite mais cela fait que la soirée était excellente.

Set-list:
1. Il Fiasco
2. La Main tiède de la violence
3. Arcade Fire
4. Ostalgie
5. Cratère(s)
6. Alerte enlèvement
7. Real Doll
8. La saison des grands froids
9. Parkinson
10. Tout naît / Tout s’achève dans un disque
11. Intimidation
12. Notre maison







(Review et Photos réalisées par Djaycee)

<<< Retour >>>