LES EUROCKÉENES 2019
Belfort le 4, 5, 6 et 07/07/19
(Presqu'île de Malsaucy)


La version 2019 du festival des Eurockéennes génère, une fois de plus, un sentiment partagé entre les puristes de la première heure et leur sempiternel " c’était mieux avant " et les publics moins exigeants venant juste faire la fête grâce à un panel d’artistes vaste et varié. D’ailleurs tellement varié que les humoristes MALIK BENTALHA et le COMTE DE BOUDERBALA foulaient la scène du Chapiteau Greenroom, ré-intronisée l’année dernière lors de l’anniversaire des 30 ans du mythique festival.


Prélude : la recette d’un succès qu’on ne présente plus.
Le secret de la réussite de l’un des événement estival les plus attendu des français réside dans son éclectique programmation, toute aussi alléchante que le cadre unique et idyllique conféré par la presqu’île de Malsaucy, permettant par exemple la scène de " La Plage ". Celle-ci, justifie à elle seule de s’essayer au moins une fois à cette kermesse musicale ! Elle est incontournable puisque comme son nom l’indique, elle permet de voir ses artistes préférés les pieds dans le sable. Les autres scènes ne déméritent pas puisque la plus petite, la Loggia, ombragée par des arbres lui conférant une sorte d’ambiance de bambouseraie permettent d’intercepter en plein vol les groupes les plus insolites et les moins populaires de chaque édition. De son côté, le Chapiteau Greenroom (autrefois Esplanade Greenroom ayant disparu quelques années), sorte de grand préau au cœur de la presqu’île, accueille bien souvent les groupes de moyenne ou grande envergure qui sont en passe d’être ré-invités sur la Grande Scène. Et enfin, comme son nom l’indique, la Grande Scène qui n’est pas abritée, permet d’inviter le plus grand par-terre d’amateurs de musique live du festival pour s’enjailler devant les plus prestigieuses têtes d’affiches. Les plus grosses pointures internationales s’y produisent.


Scène de la Plage

Le coup de génie logistique du cru 2019 :
L’une des anciennes grosses faiblesses de l’événement est devenu une anecdote anodine en l’espace de quelques années seulement. Cerveau en ébullition : l’équipe d’organisation du festival a utilisé toute sa matière grise pour résoudre le souci d’importation de ses bagages depuis son véhicule jusqu’au camping. À l’époque situé à largement plus d’un kilomètre des places du parking festivalier les plus proches, le camping et son accessibilité représentaient l’une des grandes épreuves de l’époque, un véritable challenge permettant de justifier à lui seul le concept " d’apéro de pré-construction de tente " et l’adage " après l’effort, le réconfort ". Aujourd’hui, le camping est situé à 200 mètres dudit parking, avec une étape buvette sur le parcours pour les plus assoiffés. Ensuite, il suffit de traverser la route pour trouver un emploi… euh… un emplacement pour sa tente. C’est une véritable avancée, car le calvaire d’il y a 3 - 4 ans est maintenant problème dissolu et le fait d’avoir à faire plusieurs allers-retours pour migrer ses affaires n’est plus un casse-tête fatiguant. De leur côté, les nombreuses navettes transportant en 10 petites minutes les festivaliers du camping au site sont toujours aussi nombreuses. Elles permettent d’éviter de faire 45 minutes de promenade pas forcément confortables en plein cagnard.
La petite astuce pour le festivalier avisé : les navettes étant la zone beauf et potache par défaut, il est recommandé d’apprendre par cœur le maximum de chansons paillardes, de Patrick Sébastien ou de la Compagnie Créole, afin d’être parfaitement crédible.


Le camping : une formule inchangée qui a fait ses preuves :
Concernant le camping, la règle est simple : premier arrivé, premier placé. Certains points stratégiques du camping placé sur l’aérodrome de Belfort - Chaux vont dépendre de la philosophie de chaque festivalier. On peut, par exemple, se placer en plein milieu du camping, pour être sûr d’être toujours confronté à l’ambiance bouillonnante de l’espace Quechua. Ou bien, on peut squatter les artères principales mais pas forcément centrales pour être sûr de pouvoir feinter les passants. Encore, on peut se placer proche des commodités, pour être sûr d’avoir une vue sur les douches, sanitaires et leurs horaires d’affluence. L’idéal pour les coliques liées à la forte conso d’alcool et de victuailles vendues sur place, rendant volontiers instable les estomacs les plus aguerris.






De leurs côtés, les sanitaires sont fidèles à eux-mêmes : les douches sont nombreuses, permettant un turnover rapide, mais la température de l’eau s’avère souvent vraiment fraîche et sa pression varie en fonction de chacune et de qui utilise celles à proximité. Elles sont aussi souvent nettoyées que les toilettes, c’est-à-dire souvent. Et ça c’est cool.
La seconde astuce du festivalier concernant les toilettes : le papier toilette est le pétrole de ce genre d’événement et est ré-approvisionné un rouleau après l’autre. Il est donc vivement recommandé d’amener son propre stock de PQ sur le festival.


Et comble du bonheur, les toilettes sont placés à côté des stands de victuailles, histoire de lier l’utile à l’agréable. Au programme : un chapiteau Despérados où savourer de mauvaises bières, un restaurant au décor de Diner américain, des dealers de sandwichs chauds et autres foodtrucks.
L’un des partenaires intéressant des Eurockéennes cette année est l’Adapei du Territoire de Belfort qui propose de la petite restauration et des formules petit déjeuner à prix très abordables. Le but de cette association est d’aider, contribuer et inciter l’insertion socio-professionnelle d’handicapés des fonctions mentales, cognitives, psychiques ou en situation de polyhandicap. Ainsi, cela permet à beaucoup de personnes de tous âges de participer activement à des événements tels que les Eurockéennes, tout en leur permettant de se qualifier dans différents métiers et de découvrir divers univers professionnels et culturels.
Superbe et pratique initiative, ses acteurs étant en plus adorables.

Dans ce même espace " commodités ", on retrouve des jeux de plein air : un terrain de pétanque, un autre de beach-volley, un jeu de lancé de cerceaux, etc… Donc, au cas où tes potes ne sont pas créatifs où morts saouls, à toi de sociabiliser en jouant dans cet espace de débauche olympique !




Les grands concepts et bonus de l’année 2019 :

Le cashless :
Comme beaucoup d’autres festivals, les Eurockéennes font partie du clan " cashless ". Kézako ? Un système de bracelet à puce prétendument pratique pour le festivalier, que l’on recharge avec de l’argent. Il permet donc de payer les divers items achetés sur place. Sur le papier, l’intention est bonne, mais en pratique, l’initiative sponsorisée par le Crédit Agricole possède quelques effets pervers qui permettent de deviner que les avantages vont plutôt aux sponsors et à l’équipe des Eurockéennes plutôt qu’à l’utilisateur. Déjà, l’obligation de payer un coût d’activation de 1€ (rien à voir avec une consigne) pour un système de paiement qui demeure obligatoire puisqu’il est le seul en vigueur. Cet euro, multiplié par les quelques 128 000 festivaliers est douteux, allant potentiellement dans la poche d’une banque qu’on n’est largement pas forcé de cautionner. De plus, le prix des consommations étant aussi élevé qu’à l’habituel, le budget ne cesse de gonfler d’année en année, et cette fois-ci, sans raison valable sinon " l’activation " obligatoire d’un système de paiement pas si pratique que ça. Pas si pratique, parce que pour recharger son bracelet en argent, il est possible de passer par l’application dédiée, ce qui est dangereux si on se fait voler son portable au lieu de son portefeuille, mais surtout impossible lorsque vous n’avez plus de batterie. L’autre moyen de recharger son bracelet est de passer par des guichets qui vont… encaisser votre cash ou votre monnaie scripturale, donc le souci du porte-monnaie n’est pas résolu.
Un autre point subtil, c’est la facilité à se faire encaisser son argent sans trop avoir de visibilité directe sur son budget, ayant obligation de passer par l’application pour voir le solde dans son bracelet ou À POSTÉRIORI d’un achat, découvrir son solde restant.
Enfin, pour récupérer son argent si tout n’a pas été dépensé pendant le festival (et si la somme restante est supérieurs à 0,50€), vous avez deux semaines et demi après la clôture de celui-ci pour réagir via l’application. Le cas échéant, le reste des fonds resté sur votre bracelet est reversé à l’association " Territoire de Musiques " organisatrice des Eurockéennes.

La bière des Eurockéennes :


Cette année, le festival surfe sur une des hype du moment : la bière artisanale. Ainsi, deux promesses alléchantes étaient au rendez-vous : de nombreuses bières sont disponibles cette année, ainsi qu’un brassin collector spécial Eurockéennes ! Il était donc possible de déguster quelques Lagunitas ou autres Vedett au stand de bières belges. En revanche, le brassin dédié à l’événement était une vaste blague, consistant ni plus ni moins à de la Heineken vendue sensiblement plus chère. Et puisqu’on parle d’Heineken qui est l’un des sponsors emblématique de cette année, évoquons leur stratégie marketing agressif auprès du festivalier, à coup de nombreux représentants de la marque distribuant des mini-canettes de " Heineken 0,0% " leur nouveau produit. Cette mixture barbare, sans alcool, qui combine donc le manque d’intérêt de la Heineken et l’absence d’alcool provoque une Jean-Pierre Coffe à qui la teste : " c’est de la merde ! " ou " plutôt mourir de soif ! ". Il n’y a donc aucune raison de boire un tel liquide qui possède un goût si synthétique. Disposés avant l’entrée du site de la presqu’île du Malsaucy, ces sbires sataniques obligeaient leurs pauvres proies à ouvrir les canettes devant eux pour en éviter la revente ! Revendre ça ? Ce monde ne tourne plus rond.


Les dessoiffeurs, la brigade de service de bières ambulante

La Grande Roue : Au beau milieu des stands de souvenirs et nourritures en tous genres, on tombe nez-à-nez avec une magnifique grande roue bariolée bleue et blanche permettant de prendre de la hauteur. Plus imposante encore que celle de l’année dernière, du haut de ses 33 mètres, en vous délestant de quelques euros, vous pourrez scruter l’ensemble du site du festival en éloignant vos oreilles du brouhaha ambiant pendant quelques précieuses minutes.


Le stand de dédicace FNAC & France Bleu :
Accolé au stand de merchandising des Eurockéennes, le stand FNAC / France Bleu permettait d’acheter vinyls et autres disques dans une distro dédiée aux artistes se produisant cette année, que l’on pouvait ensuite faire dédicacer lors des séances prévues à cet effet. Ainsi, il était possible de taper la causette avec FRANK CARTER, tchecker GEORGIO ou féliciter CLOZEE pour ses prods. C’était également le lieu où voir / écouter les interviews de nombreux artistes diffusées en live sur France Bleu.

Le stand Coca-Cola :
Grand partenaire des Eurockéennes cette année, le bracelet du festival arbore plus largement le sigle de la marque américaine que le nom du festival. Ayant une place de choix à côté de la scène de la Plage, l’élégant stand Coca permet de jouer à des mini-jeux pour espérer gagner des cadeaux et goodies, tester des produits de la marque ou encore se faire prendre en photo dans un photobooth.

Et tout le reste :
Au milieu de tout cela, on retrouve les incontournables échoppes de boulettes végétariennes et autres réjouissances stomacales, le point gratuit de recharge de batteries de portables, les espaces de ventes d’objets de mauvais goûts (t-shirts à vannes grivoises, narguilés, tentures de hippie, etc…) et même un point de vente de " VOTRE VIDEO EN 3D " dont le néon aguicheur brillait tel celui de ta maison close préférée.


On alpague le chaland avec des boulettes végés, bonnes mais un peu sèches


Parlons bien, parlons live !
Un festival, c’est d’abord le savant équilibre entre budget et sélection d’artistes qui plairont au plus grand nombre, sans léser les connaisseurs. Les Eurockéennes peuvent se targuer d’avoir toujours su concilier l’aspect familial et les chercheurs de pépites mélomanes qui peuvent aussi bien voir la tête d’affiche Pop qui traîne dans tous les festivals de l’année, que ce petit artiste déniché dans un pays asiatique dont on ignorait l’existence. Sans oublier les prestigieux artistes Rock, voir Métal. Et dans cette branche cette année, la dominante est aux petites mais fiables renommées, à quelques exceptions près telles que SLASH, MYLES KENNEDY AND THE CONSPIRATORS, par exemple.


JEUDI 4 JUILLET 2019 :

SLASH, MYLES KENNEDY AND THE CONSPIRATORS - Grande Scène :
En bon démarrage sur la Grande Scène, l’un des emblème du Hard Rock affublé de son chapeau haut-de-forme nous fait l’honneur d’ouvrir les Eurockéennes en compagnie de Miles Kennedy, le leader d’ALTER BRIDGE, célèbre combo qui distille un Power Rock humant le beurre de cacahuète. Sur album, c’est pas si mal, mais chaque groupe pris séparément l’emporte largement sur cette alliance pourtant alléchante sur le papier. Parce qu’en pratique, eh bien c’est pas la même ! Passé la petite palpitation d’excitation lorsque les deux légendes montrent le bout de leur nez, on est face à un live totalement linéaire. Un contact avec le public plus que rudimentaire, beaucoup de sobriété dans l’attitude des musiciens de manière générale lorsqu’il ne s’agit pas de chorégraphie à base de cheveux au vent et peu de plus-value scénique. On peut regretter également l’absence de connivence entre les deux protagonistes qui jouent tous deux des rôles bien distincts : SLASH enchaîne les riffs d’un air placide, comme une routine facile mais sans montrer d’émotion, tandis que les projecteurs sont majoritairement sur lui ; pendant que MYLES KENNEDY, tout sourire, pointe les gens du doigt en leur attribuant des pouces bleus, probablement un peu au hasard. L’un semble désinvolte, le deuxième cordial. Mais il n’y a pas de fibre amicale entre eux, laissant entrevoir une liaison intéressée basée sur les billets verts.
Leur live est taillé pour les fans invétérés et autres nostalgiques. Un comparse de la foule m’avoue n’être heureux de les voir sans condition, uniquement parce qu’il a scoré sur un morceau des GUN’S dans Guitar Hero. Autre petite déception : si on a le droit à un " Back From Cali ", morceau de SLASH en solo, ou à l’évident " Nightrain " des GUN’S, on regrette l’absence totale d’allusion à ALTER BRIDGE. Ne serait-ce qu’un clin d’œil… Et pas non plus de cover de l’irrésistible mais dissolu VELVET REVOLVER.
Ce premier effort divise : trop calibré, trop aseptisé, mais bien joué, les morceaux du set se suivent et se ressemblent, et sans être dégueulasses, on se demande quand est-ce que ça va enfin réellement commencer. Et quand est-ce qu’on aura un moment d’échange, un minimum intimiste, ou à graver dans nos mémoires qui ne serait pas une énième reproduction d’un effet de style sur leur tournée ? Jamais. Cette prestation en est donc belle et bien une, ravissant les fans via une exécution exemplaire de titres effectués par des musiciens virtuoses mais qui laissent définitivement les profanes de côté. Aucune plus-value humaine ne dépasse de l’intervention, pas moyen de vibrer. Comme quoi, il ne suffit pas d’être une légende pour conquérir les cœurs. Voilà une entrée en matière loin de faire l’unanimité…

Slash, Myles Kennedy and the Conspirators

THE HU - La Loggia :
Loin de moi l’envie de museler les groupes moins importants, mais si je racontais tout ce que j’ai vu et qui était juste " sympa " ou sans plus, vous fuiriez. Alors avant l’ascenseur émotionnel faisant passer de la déception en haut-de-forme à l’extase à base de popopop, je vais tout de même mentionner les atypiques Mongols de THE HU et leur Rock qui mêle instruments traditionnels, voix rauque évoquant instantanément leur ethnie, et un côté plus métallique, presque texan. C’est ludique, exotique, et ça envoi un coup de frais totalement dépaysant. Au même moment jouait le poids lourd INTERPOL, avec une mollesse déconcertante.

SUPRÊME NTM - Grande Scène :
Heureusement, on peut parler sans rougir de notre premier poids-lourds bien à nous : SUPRÊME NTM. Difficile pour moi d’admettre à quel point leur énergie les rends imparable en live tant je trouve leurs paroles creuses lorsqu’écouté en digital. Pourtant, il y a un an, la magie avait déjà opéré au Cabaret Vert, et l’immense gifle vient de se reproduire !
L’intro est lourde, plus rock que la plupart des groupes rock ayant performé cette année. Du flash, de l’écran géant, de la puissance. Le Jaguarr pour la hargne, Kool Shen pour la sérénité, le duo est en osmose, le spectacle est directement sur-dosé en testostérone malgré leur mise en garde qu’à eux deux, ils ont 100 ans. Ils n’ont pourtant pas perdu un seul atome de leur hargne d’antan, au contraire. On constate cette aisance, presque ce besoin de contact avec le public ! Si JoeyStarr joue des rôles de fragile au cinéma, et mentionne son activité d’acteur qu’on ne peut que regretter au même prix que ses interventions en télé-réalité, on lui excusera ces frasques tant il s’investit dans NTM. C’est une machine, sa voix ne faiblit jamais, toujours juste et gonflée à bloc. C’est avec les deux protagonistes, mais également un bon banquet d’invités, que l’on va pouvoir revivre tous les cultes de " Paris Sous Les Bombes " et de " Suprême NTM " : " On Est Encore Là ", " Qu’Est-ce Qu’on Attend ", " C’est Clair ", " Popopop !! ", " Tout N’est Pas Si Facile ", l’IAMesque " Laisse Pas Trainer Ton Fils ", " Pose Ton Gun ", " Seine-Saint-Denis Style ", " Qui Paiera Les Dégâts (Remix) ", et " That’s My People " qui viendra fermer le bal. Issu de leur petit premier " Authentik ", on ne retrouvera qu’une adaptation du morceau old school " C’est Clair " revisité sur " Ante Up ". Et malgré les 25 ans d’âge de ces morceaux, on se rend compte que les instrus et les problématiques soulevées par le groupe, même si exprimés avec la naïvité et l’insouciance des années 90, sont encore et plus que jamais actuelles et contemporaines.
En dehors de toutes ces pépites, on pourra savourer " Police ", seul morceau issu de " 1993… J’Appuie Sur La Gachette ", pas aussi probante que le reste. D’autres surprises nous attendent, telles qu’une apparition de Lord Ko venant poser sur " Ma Benz " ou un feat avec RAGGASONIC avec " Aiguisé Comme Une Lame ". La tension redescend lorsqu’est scandé " Dans Mon Secteur II " et " Murda " en compagnie de NATHY. Ces deux morceaux tirés de sa carrière solo ont définitivement moins d’impact, moins de saveur, et le deuxième est même mou et décevant. En fait, il est dommage que certains bons morceaux aient été éclipsés par ces quelques minutes dédiées à aller aux toilettes.

NTM

Enfin, on notera un dantesque DJ set de la part de DJ PONE et DJ R-ASH, la progressivité de leur intervention passant d’une ambiance survoltée à quelque chose de sombre et méchant. Finalement, on ne se rend pas compte qu’une heure et demi viennent de défiler parce qu’on ne s’est ennuyé que lors de certains passages d’invités, mais également parce que les deux comparses semblent avoir fait monter en crescendo l’énergie de leur live. C’était devenu tellement bouillant ! Ils auraient probablement pu faire durer leur concert le double du temps tant ils étaient à fond. De notre côté, on ne pouvait que rester jusqu’à la fin, s’imprégner de leur énergie jusqu’à la dernière goutte tant leur énergie est transmissible et nous galvanise pour la suite des opérations.
Difficile de ne pas être conquis par cette maîtrise scénique qui fera probablement de l’intervention d’NTM le meilleur concert de l’édition 2019.
Plutôt bien joué de leur part, quand on sait qu’avant le Cabaret Vert où j’ai pu les voir pour la première fois, je ne pouvais pas les supporter…

ROMÉO ELVIS - Chapiteau Greenroom :
Et malheureusement, la suite, c’est ROMÉO ELVIS. Faute de mieux, allons-y. Nous voici arrivés à quelques dizaines de mètres de la cultissime seule scène couverte des Eurockéennes. La foule y était tout simplement la plus compacte et la moins disciplinée de tout le séjour. Impossible de bien se positionner tant les pressions physiques sont intenses. Chaque musicien rentre sur scène un à un, transformant la foule en métaphore de gradation sonore. Finalement, le grand dadet arrive, relax, joue des morceaux pas mauvais mais loin d’être captivants pour le néophyte que je suis. Le style nonchalant et bienveillant du mec le rend chaleureux, et je n’ai pu être gratifié d’un " Drôle de Question " uniquement parce qu’il l’a joué en troisième ou quatrième morceau. C’est linéaire et j’ai pu voir le single qui rend hystérique son incroyable par-terre de fan. Je peux mourir tranquille.

FONTAINES D.C. - La Loggia :
Passons l’ouvertement m’enfoutiste passage de FONTAINES D.C. : attitude désinvolte et totalement statique, un frontman qui plagie l’attitude de LIAM GALLAGHER jusqu’à en singer les postures. Leur froide distance du public est pédante et impraticable, sans le génie d’OASIS, alors qu’ils transpirent l’influence de la légende par tous les ports. C’est pas jouable de la part des Irlandais et ça ne bouge pas, vraiment décevant.

THE CHAINSMOKERS - Grande Scène :
Dernier nom de la soirée : THE CHAINSMOKERS, ce duo de DJ américains que j’ai tant de mal à cerner puisqu’ils enchaînent les collaborations et ne semblent jamais boxer deux fois dans la même catégorie. Et directement, on déballe les gros moyens scéniques : des lights, de la fumée en pagaille, des plateformes, tout un panel d’artifices qui colle à merveille à leur musique qui part dans tous les sens. On a droit à du Dubstep très coloré, de l’Electro Pop fait pour capturer les cœurs tendres, de l’Emo Electro Rock, des effluves plus chill… Tout un panel de saveurs vraiment très proche des live de NETSKY, avec un côté visuel qui rappellera de temps à autre THE CHEMICAL BROTHERS. Le binôme a une patate d’enfer et bouge dans tous les sens sans interruption, et même si la musique oscille entre morceaux très élégants et facilité catchy pour le grand public, force est de constater que le moment est puissant et agréable. C’est véritablement la fête à base de confettis, de fumigènes, de flares, de fumée, et d’une énergie à à équidistance du Rock, de la Pop et de l’Électro, et de la bonhommie, la nostalgie et l’euphorie. Même lorsqu’on n’adhère pas au style d’une partie de la setlist, c’est une très bonne surprise, en dehors des moments vraiment trop mellows…
Excellente clôture de première soirée !


VENDREDI 5 JUILLET 2019 :

JOHN BUTLER TRIO - Grande Scène :
Souvenez-vous de ce raz-de-marée australien lorsque " Sunrise Over Sea " déferlait sur le monde entier en 2004. Leur bluegrass épicé au dobro a permis de démocratiser certains instruments de par l’incroyable dextérité de JOHN BUTLER, qui non content d’être technique, pondait de somptueux morceaux. Entre nostalgie, spleen, chaleur solaire et énergie, c’était l’album qui l’a propulsé dans la cour des grands. Impossible de résister au rebondissant " Treat You Mama ", au touchant " Peaches & Cream ", à la bouleversante " What You Want " ou à l’incontournable " Zebra ". Puis, dès l’album suivant sorti en 2007, " Grand National ", les choses n’étaient déjà plus pareilles, les accents australiens étaient biseautés vers un rendu plus Pop, moins exotique que j’avoue avoir lâché à ce moment là. Alors, lorsqu’on m’offre la chance de voir le bonhomme qui, il faut bien le dire, commence à coûter bonbon lorsqu’on va le voir sur ses propres tournées, je ne me fais pas prier.

John Butler

Sourire aux lèvres, le groupe débarque devant une foule venue en masse déguster ses hymnes estivaux. Le contraste avec le groupe d’ouverture de la veille est flagrant : le contact humain est l’une des clés fondamentales d’un bon live et JOHN BUTLER TRIO le saît. JOHN BUTLER explique ses morceaux, expose ses philosophies personnelles concernant bien des sujets, nous enrobe de bienveillance. Il y a tellement de contact avec nous que l’heure de musique, se divise en 8 morceaux seulement, aussi à cause d’un " Ocean " plutôt long qui créer une douce cassure un peu trop brutale en concert. On commence avec des morceaux de " Home ", son dernier album. Ils rendent vraiment bien. La scénographie très minimaliste, ne proposant qu’un énorme backdrop de la taille de la scène sous-entend que le groupe se suffit à lui-même, et c’est vrai. JOHN BUTLER, armé de son trio, laisse presque autant de place aux autres musiciens qu’à lui-même. Il rend ses lettres de noblesse à ce bassiste tellement heureux de nous prodiguer ses lignes funky, à ce batteur juste époustouflant et surtout, à cette femme, véritable couteau suisse instrumental qui va passer du synthé, à la guimbarde, sans omettre tambourins et autres petites percussions tout en se déhanchant sur les mélodies qui l’habitent. On comprend que chacun prend un réel plaisir ET à jouer les morceaux, ET à partager cela avec le public.
Le discours de JOHN BUTLER tourne souvent autour de la spiritualité, du bien-être, et il transpire une bienveillance qui empiète temporellement un peu trop sur la musique, même s’il est impossible de regretter les jeux d’interaction avec le public. Donc, le seul bémol était " Ocean " qui interviendra peu avant fin, faisant retomber la température avant " Zebra " hit intersidéral pour lequel n’importe qui aurait porté plainte s’ils ne l’avaient pas joué, de toute façon. Reste que malgré les longueurs, ce moment intimiste partagé à plusieurs milliers de personnes était un bonheur. Voir l’homme aux ongles de sorcière (qu’à la main droite) avec une équipe soudée, heureuse d’être là et avec une telle envie de transmettre musique et joie, on ne peut qu’apprécier. Un live d’une belle intensité, tout en douceur et en simplicité, démontrant que même en ayant une carrière internationale de presque 20 ans, on peut encore assurer en proposant un live juste sincère, tant que la musique est bonne !
Décidément, oublions la première ouverture de la Grande Scène…

John Butler

JAMBINAI ET LA SUPERFOLIA ARMAADA - La Loggia :
Le Club Loggia, c’est toujours l’occasion de voir des petits groupes dont on ne soupçonne pas l’existence. Je vous parlais brièvement de ce groupe de Rock mongol, THE HU qui nous a gratifié d’un live aussi divertissant que folklorique. Passons d’un pays asiatique à un autre et d’une manière d’aborder le spectacle avec décontraction à une autre, plus traditionnelle et authentique. Mais les Sud-Coréens de JAMBINAI ne sont pas seuls, s’acoquinant pour l’occasion de LA SUPERFOLIA ARMAADA, formation éphémère au concept plus qu’intéressant puisqu’il s’agit de musiciens d’horizons et de pays différents qui se relaient pour des concerts uniques avec des groupes de genres divers. C’est pas clair ? Bon, par exemple, certains membres du groupe prépareront un concert une année avec un groupe d’Ambiant, quand l’année d’après, d’autres membres du groupe le feront avec une formation Rock, chaque concert étant fait pour n’être joué qu’une seule et unique fois.
Pour l’heure, il s’agit de commencer avec le JAMBINAI initial qui entamera le set à l’aide d’un instrument à cordes à poser sur ses genoux, tant il est imposant. Tel un shamisen, dont le son se rapproche, ou le jungju, il s’agit de percuter les cordes avec une baguette pour obtenir un son plus incisif qu’une gratte mais dont le son évoquera l’Asie dès la première note. Les 5 musiciens rentrent dans le lard via un Post-Rock aux allures dramatiques et urgentes, côtoyant presque le Métal à certains moments. Le décalage entre l’apparence d’un groupe si humble, presque timide et l’agressivité de la musique ne peut qu’époustoufler. Les premiers morceaux sont joués, les membres sont concentrés comme s’ils passaient un examen en conservatoire. Pas de fioritures, pas de frivolités, ce live est fait pour émerveiller, ne serait-ce qu’avec les sonorités des instruments qu’on ne connait pas, notamment ce violon monocorde qu’on pose devant soi, à la verticale.
Musicalement, on oscille entre du Post-Rock Noise à la EXPLOSIONS IN THE SUN ou MOGWAI lorsqu’ils veulent bien s’énerver un peu, ou quelque chose de plus personnel, basé sur des sonorités audibles mais au moins étranges, sinon inquiétantes et torturées. Quoi qu’il en soit, les sonorités vont toujours bien rappeler d’où vient le groupe. Pour terminer le set de JAMBINAI en solo, un long morceau qui va plus faire penser à MONO en beaucoup plus musical et touchant, une sorte de complainte nostalgique étirée. C’était magnifique.
Ce bluffant petit laps de temps étant passé, l’ARMAADA vient s’installer avec de nouveaux ovnis instrumentaux, tel un géant moulin à moudre le café ou une cornemuse en bien plus élégante. Ils sont désormais à peine moins nombreux que SLIPKNOT mais eux restent statiques : pas de show exubérant, pas de happening spectaculaire, juste de la sobriété, de l’élégance et de sacrément bons morceaux. À ce moment là, je suis heureux de ne pas connaitre leur œuvre, parce que je me prends une claque bien plus immense que si j’attendais mon dû comme un fanboy. Ce plan à 7 ne change pas forcément grand chose tant musicalement comme scéniquement, si ce n’est que dans cette deuxième salve, nous avons droit à de magnifiques passages de chant féminin, quasi mystiques. Il s’agit d’une performance, d’exhibition plus que d’un spectacle ou d’un show. Chacun est assis, à 200% dans son jeu et jamais il n’y aura de changement dans cette logique, y compris pour la dernière partie où l’envoûtante Kazu Makino, enveloppée dans son élégante robe jaune, vient prêter sa voix. Cette femme étant la leader de BLONDE REDHEAD, c’est avec une cover revisitée que le groupe entame cette dernière partie. Tout est maîtrisé : les musiciens changent d’instruments, utilisent des pads, pédales et autres objets électroniques pour triturer le son et nous infligent une colossale claque via leur démonstration en toute sobriété. On arrive déjà aux dernières mesures de ce live aussi inattendu que démentiel, moment qui n’aura existé qu’une unique fois, doublant le fait que ça en fasse un souvenir exceptionnel.

Jambinai et la Superfolia Armaada

CLOZEE - La Loggia :
Décidément, la Loggia accueille un panel d’artiste aussi diversifié qu’intéressant. La magnifique toulousaine à l’ascension fulgurante nous livre un moment punchy et revigorant, alternant remix posés aux sonorités entremêlées et compos persos. Chloé a une incroyable notion du groove et de la rythmique, axant son set sur des pépites qui vont autant nous faire bouger qu’elle. Parce que oui, à certains moments, sans parler de headbang, difficile d’imaginer que ce qu’elle nous prodigue ne la fait pas vibrer à fond. Entre glitch, drops bien lourds, chillwave et tracks plus hip-hop, y’avait rien à jeter, à savoir aucune concession sucrée pour gamins en manque de tubes de boîte de nuit. Il est facile de deviner que sa culture musicale est variée tant les références envoyées sont pointues.
En véritable moment de plaisir, on ne va pas non plus parler du live de l’année étant donné que les moyens scéniques déployés sont minimalistes (un ordi et quelques machines), les possibilités de réaliser quelque chose de spectaculaire étant quasi impossibles, d’ailleurs.
Et PETIT BISCUIT va le confirmer.

Clozee

PETIT BISCUIT - Grande Scène :
Si quelqu’un comprend pourquoi PETIT BISCUIT est tête d’affiche de tant de festivals si prestigieux depuis quelques années, que cette personne se manifeste !
Ok, " Sunset Lover " a été une des Electro love song des étés 2016 et 2017, mais notre jeune adulte ne propose pas un show incroyable : le voir tantôt trafiquer ses pads, tantôt frapper ses toms électroniques devant un écran géant, c’est chouette, mais ça ne m’inspire pas une tête d’affiche. Je ne suis pas envoyé dans un monde à part. Ça chill, ses sons sont cools, il est plus à l’aise qu’il y a 2 ans sur La Plage et sur l’une des scènes du Cabaret Vert, mais ça ne suffit pas. Ses phrases standardisées pour chauffer le public traduisent un manque de charisme et l’attitude scénique n’est pas des plus élaborée non plus.
En bref, " Sunset Lover " fait toujours plaisir à entendre, le jeune homme ayant troqué son humilité contre une banale assurance. On peut déjà être satisfait de boire des bières fraîches sur du son qui l’est tout autant, mais on est loin d’un concert qui peut prétendre clôturer avec panache une soirée d’Eurockéennes.


SAMEDI 6 JUILLET 2019 :

MASS HYSTERIA - Grande Scène :
Venons-en au samedi particulièrement furieux, l’avant-dernier jour d’hostilité orienté Rock / Métal. Et commençons par soulever la poussière de la Grande Scène avec de nombreux guerriers prêts à en découdre en se défonçant les uns les autres à coup de pogos. Pour les avoir vus deux fois auparavant, il y a 11 ans la première fois, je me souviens de leur talent pour les entrées en scènes. Moment ô combien important, trop souvent bâclé.
À l’époque, l’intro de " Furia " était étirée en longueur, le seuil légal de dB était insolemment ignoré tant le son était fort. Le morceau entrant dans le vif du sujet, les mecs s’étaient pointés en un coup, comme on fait sauté le bouchon d’une bouteille de champagne après lui avoir fait un tour en centrifugeuse. Cette fois-ci, il s’agit de " Reprendre Mes Esprits " qui va ouvrir le bal. M’étant arrêté à l’éponyme, c’est un titre que je ne connais pas, issue de leur dernier album " Maniac ". Le procédé est le même, sauf que l’atmosphère festive de " Furia " est remplacée par quelque chose de plus sombre, à base de piano et de nappes ambiantes. La tension monte alors que les membres du groupe s’introduisent sur scène les uns après les autres pendant que Mouss s’adresse au public, caché de ses derniers. On ne sait pas où il est caché mais nous chauffe à coup de feintes pleines de la bonhommie qu’on lui connaît. Il finit par entrer sur scène et c’est l’effervescence. L’effet est super réussi et annonce la couleur pour la suite des festivités : elle sera brune ! Il me semble bien que c’est le premier concert de cette année où la terre est retournée à en créer le célèbre brouillard de poussière de la fosse hystérique. Et comme d’habitude, les bandanas et autres cache-nez sont primordiaux pour survivre dans cet univers éphémère à la Mad Max. Tout le monde se protège en même temps que tout le monde rentre dans le lard de chacun. Et c’est pas MASS HYSTERIA qui va ralentir la frénésie, tant Yann, Mouss, Fred (ex-WATCHA, BUKOWSKI), Jamie et Raphael envoient sévèrement la sauce. Ils sont en plein " Maniac tour ", il est normal qu’il soit l’album le plus représenté et faut le dire, il sonne incroyablement violent. C’est un pur exutoire. " Matière Noire " est également largement représenté avec les magistrales " Chiens De La Casse ", " L’Enfer Des Dieux " et autre " Notre Complot ". Et pour l’occasion, entre autres vannes, Mouss nous traitera de complotistes, nous qui sommes libres de vivre libre et de kiffer le Métal et ce genre de moment, nous qui ne choisissons pas la passivité. Ses discours, sur fond de second degré, sont toujours sages, un poil inspirants et positifs à bloc, à l’image du titre qu’ils ne tardent pas à jouer. Ça fait du bien !
Il continue en nous incitant à boire de la bière tout en nous en envoyant dessus. Fred, Yann et Jamie occupent la scène tantôt comme des marathoniens, tantôt avec des poses de guitar herœs du Métal. Ils abreuvent la foule en délire d’un lien humain qui pousse la violente bienveillance à son paroxysme. Y’a pas à dire, le quintet fait vraiment très bien le taf, incitant au déchaînement dans une ambiance bon enfant. Les circle pits s’enchaînent, les meufs y sont légions et distribuent de bonnes patates, les fans de la première heure, cheveux grisonnants, esquissent un sourire en coin effectuant les cornes du diables de leurs doigts levés vers les cieux, pour témoigner qu’avec MASS HYSTERIA, le temps passe rudement bien. On verra d’ailleurs ça et là des t-shirts de la tournée " Contraddiction ", en plus ou moins bon état. Et pour enfoncer le clou, la reprise " Roots Bloody Roots " retentit, valeur sûre qui n’a rien à envier à l’original repris par le quintet français. Un véritable concentré de puissance sur lequel Max Cavalera en personne devait pousser la voix, tandis qu’il n’a pas pu se rendre disponible pour l’occasion.
Avec ce genre de prestation, on constate qu’il y a un énorme contraste entre l’impact émotionnel que décharge MASS HYSTERIA et le manque de présence de SLASH et ses comparses qui ont pourtant joués au même endroit, avec la même mission d’ouvrir la journée. Et à presque 50 ans, les mecs démontrent qu’on n’a pas besoin d’être une Rock star à l’échelle mondiale (bien qu’internationale), pour convaincre et savoir mieux transmettre son amour pour la musique que des pointures qui ne doutent plus assez pour se remettre en question.
Merci MASS HYSTERIA pour la franchise de vos apparitions. Le temps a beau marquer vos traits, votre musique et votre attitude restent inoxydables et sans failles !
C’était la meilleure manière de débuter une journée de guerre auditive.

Mass Hysteria Mass Hysteria

KATE TEMPEST - La Plage :
Comment ne pas avoir envie de voir l’un des ovni de l’édition sur la scène la plus sexy au monde ? Pour la faire courte, prenez la badass british attitude, l’accent qui va avec, et faites là incarner par une nana qui n’a pas dû être trop emmerdée à la récré. Le tout sur un raw hip-hop minimaliste avec des occurrences à la BEASTIE BOYS en plus décharné. Elle et sa beatmaker restent dans la sobriété et leur univers musical repose en grande partie sur une voie rappée totalement dénuée d’artifices. Parfois, des morceaux un peu plus colorés font penser à une version plus ghetto mais plus lumineuse des incroyable BEAST. Et ces morceaux sont de véritables pépites, inclassables, un peu rétro mais super catchy mélodiquement parlant. C’est ouf comme le point de jonction entre rap posé de manière old school et groove électronique font le taf. Mais la plupart de ses morceaux cherchent à susciter de l’émotion, doux si souvent, mystérieux, brumeux, poétiques, avec cette voix si franche qui va venir slamer sans prévenir. Très franchement, je ne sais pas trop comment qualifier sa performance, si ce n’est de marquante et touchante. Mention spéciale aux mélodies qui peuvent être minimalistes mais tellement prenantes ! Ce nom était essentiel dans la prog de cette année où le reste du rap est ludique et dans l’air du temps.
KATE TEMPEST est un duo d’artiste complet, hors temps, de la même manière que TRICKY. Ceux qui ont loupé ça n’avaient peut-être pas compris qu’ANGÈLE qui se produisait en partie en même temps est en pleine hype et originaire d’un pays limitrophe donc super facile à chopper en concert. Pas KATE TEMPEST.

WEEZER - Grande Scène :
Puis intervient WEEZER, ce groupe qui n’a convaincu que par le morceau " Island In The Sun " au cours de toute sa carrière. Sur scène, c’est à peu près pareil : les nostalgiques attendent ce morceau, mais rares sont ceux qui semblent attendre quelque chose d’un groupe dont l’entrain a dû resté dans l’avion. Il n’en ressort rien, alors que je m’attendais à un groupe qui avait de quoi séduire sur scène, du haut de ses 27 ans. On appelle ça l’effet PHOENIX, ce qui reste bien mieux que l’effet PIXIES.
Grosse déception alors que je pensais être surpris par les Californiens. Tant pis, ça permet de bien se placer pour PARKWAY DRIVE.

PARKWAY DRIVE - Chapiteau Greenroom :
N’étant pas fan de Metalcore lissé par des phases mièvres, j’ai toujours été curieux de voir ce que donne en live l’une des références du genre, sans vouloir dépenser quelques euros pour un concert dont je ne regarderais probablement qu’un ou deux morceaux. Grave erreur ! Les appréciations musicales mises de côtés, perdre ses burnes pendant certains morceaux n’empêche pas d’être maître dans le divertissement scénique. Ayant un Master en " détonations en tous genres et dispositifs scénographiques démesurés ", leur show est peut-être le plus spectaculaire de ces Eurockéennes 2019. Tout simplement parce que nous avons face à nous la scénographie la plus improbable possible. Assumer le kitsch à 100% les rends dès lors totalement inattaquables à ce sujet, puisqu’aujourd’hui nous allons parler flammes et étincelles en tous genres. Et ce, dès l’intro sur laquelle une horde d’hommes capuchonnés dans des vêtements de moins, chacun une torche à la main digne des meilleurs épisodes de Fort Boyard, pourfend le public pour venir sur scène alors que le groupe va éteindre les flambeaux par magie pour lancer le premier morceau. Que c’est théâtralisé ! Mais pourtant, ça fonctionne !
Comme tout le reste du concert qui va pourtant être une succession de morceaux oscillant entre phases imbuvablement Heavy, épiques, ou cuculs, et d’écrasants passages bien violents, sur-efficaces, allant jusqu’à me convaincre que tout n’est largement pas à jeter. Pourtant, tel un show de télé-réalité, le groupe effectue des chorégraphies à leurs moments clés, le frontman surjoue son rôle d’homme possédé par la musique avec une gestuelle insupportable, ondulant des bras, donnant des uppercuts dans le vide, ou refermant ses doigts en implorant le ciel. Ça rappelle un peu ce que pourrait faire Dany Filth, sauf qu’on est dans un style de Métal sobre. Ça jure un peu.
Mais assumer ce genre de chose leur permet d’exploiter quelque chose d’hautement plus intéressant, je veux parler de la démentielle pyrotechnie et autres effets d’ambiance conférés par une lumière impeccablement maîtrisée ou des effets de fumées en veux-tu, en voilà ! Bilan, même quand les morceaux craignent, même quand le chanteur énerve par son attitude de comédien kéké, dans les drops, d’épais rayons de flammes viennent fendre l’air, la rendant brûlante même jusqu’au dernier rang du public. Des jets d’étincelles viennent irradier la scène durant les mosh-parts, des plateformes viennent se sur-élever, d’énigmatiques figures féminines viennent signifier quelque chose d’imperceptible. Difficile d’énumérer tous ces effets qui ont pour effet qu’il n’y a pas un moment où on ne regarde pas la scène en hallucinant tant les moyens techniques déployés sont énormes et adéquats. Ça colle tellement bien au côté épique du groupe qui en joue, la banane aux lèvres durant tout le live. Et ce n’est pas le chant, avec une voix parfois peu assurée et dont on perçoit certaines lacunes lorsqu’un peu poussée, qui sera le point fort de PARKWAY DRIVE. Dit comme ça, ça n’a pas l’air d’avoir été un incroyable concert, mais pourtant ça l’était grâce à une mise en scène de chaque instant assurée par un groupe professionnel s’étant cassé la tête pour nous offrir un show millimétré.
Bref, malgré des morceaux pas inoubliables, on a eu droit à une intervention scénique à couper le souffle ! Il s’agit de l’un des moment les plus intenses de ces Eurockéennes, la preuve en est que j’irais bien les revoir tandis que leur musique m’ennuie et me rend toujours aussi sceptique.

FRANK CARTER & THE RATTLESNAKES - Chapiteau Greenroom :
Venus défendre leur dernier album " End Of Suffering ", les brillants FRANK CARTER & THE RATTLESNAKES nous font l’honneur de leur présence. En grand fan de leur premier album et n’ayant pu entendre que des éloges concernant leurs interventions live, ça fait partie des moments que j’attendais le plus de cette édition, avec l’appréhension d’être autant déçu par leur petit dernier sur scène que sur disque. Et je vais vite déchanter. L’ouverture est simple, à base d’un morceau de Pop British sur lequel le groupe vient sur scène sans FRANK CARTER. " Tyrant Lizard " remplace la Pop, et le frontman habillé comme dans le clip de " Crowbar " finit par arriver alors que la foule est compacte mais largement respirable et loin d’être dans une logique de fanatisme hystérique. Le son est propre et pas excessif donc les conditions pour vivre un bon live sont réunies. Le premier titre termine alors que Frank crowdsurf déjà.
Le public peu réactif arrive à le faire tenir debout, avant que " Kitty Sucker " ne démarre. Très peu probant, on enchaîne sur " Heartbreaker ", encore un titre du dernier effort sur lequel le chanteur fait une pause afin de former un pit… Mais non, en fait, ça ne décolle pas. Heureusement, c’est presque plus pour le charisme du groupe que pour leurs morceaux qu’il est satisfaisant de les voir et ils le démontrent en laissant venir sur scène un fan ayant brandit une pancarte expliquant que pour son anniversaire, il aimerait jouer de la gratte avec le groupe pendant le concert. Ce sera chose faite lorsqu’il interprétera " Vampires " sans aucune hésitation ni aucune erreur. Le mec a l’assurance d’un membre du groupe, comme s’il avait répété avec eux, c’est presque trop beau pour être vrai… Le groupe interagit avec lui comme s’ils étaient potes de longue date. Comme cadeau d’anniversaire, il doit difficilement y avoir plus jouissif.

Franck Carte & The Rattlesnakes

On en arrive à un peu de sensualité avec " Love Games ", premier morceau de " End Of Suffering " à être volontairement bluesy mélancolique et non faussement agressif. Et là, ça marche ! Le rendu est énorme, sensuel et désinvolte : ça irait tellement bien sur l’ouverture d’un James Bond. On passe à un " Wild Flowers " bien Punk qui déclenche un circle pit que va filmer Frank, puis à un " Why A Butterfly Can’t Love A Spider " venant tempérer, presque faire retomber les ardeurs. C’est trop doux et Frank éprouve quelques difficultés à rester juste… Pour le moment, la set-list n’est pas judicieuse, l’alternance entre morceaux intenses et mélancoliques penche trop vers la douceur.
Et ça continue avec " Angel Wings " puis " Lullaby ", un morceau dédié à sa fille issue de " Modern Ruin ". Enfin quelque chose qui bouge un peu ! L’enchaînement avec " Crowbar " permet de ne pas faire retomber la tension et le concert devient enfin à la hauteur de l’énergie singulière sur laquelle le groupe a construit la réputation. Le pont du morceau est suspendu pendant un long moment pour que Frank transperce la foule et aille chanter depuis la technique. L’effusion arrive à son comble avec une version de " Devil Inside Me " rallongée pour que la tension parvienne à son comble.
Enfin, comme le veut la tradition, le set se termine sur un " I Hate You " scandé d’une seule voix par des centaines de personnes. Le temps de présenter tous les musiciens et d’achever le morceau en beauté, et le live touche à sa fin. Drôle de sensation, lorsqu’on est grand amateur de la première heure, de découvrir un groupe qui s’est adouci au point d’en occulter presque totalement son premier album, pourtant ô combien important parce que pierre angulaire discographique. Si la set-list n’était pas convaincante et le dernier album bien trop aseptisé pour provoquer un véritable déchainement du public, la proximité à ce dernier de la part d’un groupe majeur sur la scène Rock internationale est hors de prix (et largement confirmé en séance de dédicace), Frank s’adressant constamment au public, s’amusant avec l’espace, et le reste du groupe jouant également avec l’audience, étendant les moments forts des morceaux pour en multiplier l’énergie et la tension. Le show reste excellent avec l’un des groupes les plus présents pour son public de cette édition, mais la victoire est en demi-teinte tant leur Rock édulcoré les oblige à brider leur attitude et la possibilité du public à utiliser leur monde comme l’exceptionnel exutoire qu’était " Blossom ".
Dès lors, la question qui se pose : le prochain album signera-t-il la fin du grand FRANK CARTER, ou un retour aux sources qui fera renaître un groupe taillé pour le live ?

MANTAR - La Loggia :
Restons dans un registre bien furieux puisque c’est au duo Sludge Black Rock fusion Metal signé chez Nuclear Blast de faire ses preuves sur la petite scène de la Loggia. Les deux Hambourgeois torses nus enchaînent les titres sombres et vrombissants, attitude détendue et rock’n’roll comme mot d’ordre, la preuve en est par leur présentation faite avec un discours pré-enregistré avec une voix digne d’une Google voice ou de Siri.
Musicalement, la complémentarité guitare / batterie donne un mélange frénétique et instinctif carrément sauvage. Le leader, de sa voix écorchée vive n’hésite pas à s’adresser avec bienveillance au public, comme si nous étions tous dans le salon d’un pote. Le contraste est amusant entre cette attitude décomplexée et cet univers musical noir et brumeux. Chouette live au cours duquel le batteur vomit plusieurs fois entre deux morceaux, sans même se lever, produisant l’effet comique d’une attente presque prévue à cet effet. À ce moment là, la guitare amorce la track mais la batterie ne s’y greffant pas, le leader consulte son acolyte en constatant finalement le " pourquoi ". Il arrête alors de jouer, nous expliquant : " Oh… He is puking. So we will wait for him… Oh… Again. ".
C’est ça le Rock’N’Rooooll !

Mantar


DIMANCHE 7 JUILLET 2019 :

STRAY CATS - Grande Scène :
Qui ne connaît pas ce grand nom du Rockabilly ? Mais qui connaît un autre morceau que " Rock This Town " ? D’ailleurs, qui savait que le groupe était encore en activité ? Justement reformés depuis 2018 après 10 ans d’inactivité, les enfants du Rock’N’Roll sont à classer dans la catégorie " à voir avant qu’ils ne splitent à nouveau (et parce que sinon je les verrais jamais) ". C’est bon enfant, l’ambiance est chaleureuse et le contact avec le public est incessant mais… ça reste du Rockabilly tout ce qu’il y a de plus classique. Le trio est indéniablement heureux d’être là, mais pour un concert sur la Grande Scène, c’est trop épuré, trop simpliste et la pléthore de soli et autres virtuosités à la contrebasse, à la batterie ou à la gratte n’y feront rien.
Le moment le plus endiablé étant " Misirlou " de DICK DALE, morceau culte définissant à lui seul " Pulp Fiction ", cette reprise effectuée avec une fidélité exemplaire ne lui ajoutera aucun charme particulier, aucune plus-value, malheureusement. Le contraste entre la légende liée au nom des STRAY CATS et une prestation juste sympa laisse sceptique, surtout sur la Grande Scène. Décidément, quand les USA s’emparent des planches de la main stage, ça peine à convaincre. On peut imaginer que si les STRAY CATS y ont été placés, c’est à cause de leur longévité, et peut-être parce qu’ils n’auraient pas voulu investir une scène plus petite… Qui sait ?

Stray Cats

COLUMBINE - Chapiteau Greenroom :
[Les lignes concernant ce concert sont à lire avec un vocodeur]
Je ne connaissais pas ces ados mais c’est diablement creux. Tous les indicateurs sont au rouge : voix complètement dopées aux artifices éculés depuis 10 ans dans le rap game, textes qui frôlent le pathétique, fonçant droit dans les clichés et manque de charisme sont le détonnant mélange COLUMBINE. Ça me fait penser à la qualité LORENZO, mais à plusieurs et sans aucun personnage travaillé. La coquille est vide et brouillonne, probablement bien marketée puisque c’est ce qui semble marcher sur les plus jeunes générations, à la vue du public.
Pire concert de cette édition, plus jamais…

TURNSTILE - La Plage :
Passer d’un désastre à un orgasme ? Merci les Eurockéennes !
Décomplexé et détendu, le sextet punk de Baltimore vient dépoussiérer le sable des pieds de son auditoire. Leur " Time & Space " étant une bombe encore brûlante, ce n’est pas étonnant qu’ils ouvrent les hostilités avec " Generator ". Son comme sur l’album, attitude du groupe à placer entre le coaching fitness et la prise d’acide, les mecs sont prêts pour nous infliger un marathon de morceaux qui vont droit au but, des hymnes de Rock Punk teintés de Hardcore à mi-chemin entre les racines punk et la modernité d’un Rock californien où le côté burné va rappeler les meilleures parts de skate. À l’image de l’écran de scène représentant un simple fond fleuri avec une typo montrant un gros " TURNSTILE ", le live est un espèce de panzer bonbon où les morceaux galvanisent le public tandis que sur scène, l’énergie est intense. D’ailleurs, tant dans les mimiques scéniques Punk où chacun joue en occupant tout l’espace, que dans la manière d’apporter du Groove et de la bienveillance dans un univers musical lourd et violent, on peut aisément les rapprocher d’INFECTIOUS GROOVE ayant joué exactement au même endroit quelques années auparavant.
Bref, rien à redire, la set-list est équilibrée entre " Time & Space " bien représenté par " Generator ", " Real Thing ", " Smile " et l’incroyable " I Don’t Wanna Be Blind ", l’album " Nonstop Feeling " (" Gravity ", " Drop ", " Fazed Out ") et " Step 2 Rhythm " (" 7 ", " Canned Heat ", " Keep It Moving "). Le dernier album sonne bien plus lourd et moins vintage que les autres, et leur son étant adapté à celui-ci, les morceaux d’époques joués comme à l’origine bénéficient d’un son modernisé qui me séduit largement plus, me faisant penser que c’était le moment où jamais de les voir. D’autant plus qu’ils ne viennent quasiment jamais en France, alors une fois de plus, merci encore à l’équipe " Territoire de Musiques " !

Turnstile

Turnstile

THE SMASHING PUMPKINS - Grande Scène :
Un groupe aussi emblématique pour clôturer les Eurockéennes, ça sent le live d’anthologie. D’ailleurs, ils avaient marqué l’édition 2013 que j’ai pu vivre, sans être allé les voir. Il s’agit d’un groupe légendaire avec lequel " ça passe ou ça casse ", à cause de leur univers fort et centré sur le mégalomane Billy Corgan et sa voix si atypique. Mais entre eux et ARNAUD REBOTINI que j’ai déjà pu voir l’année dernière, le choix est vite fait.
Ouverture à la " Sarabande " de GEORG FRIEDRICH HANDEL pour le côté monumental, puis on attaque avec un morceau que je ne connais pas. Les lights s’allument et dévoilent trois énormes statues de personnages tout droit sortis d’un film de science-fiction futuro-psychédélique, du Fritz Lang sous peyotl. Amusante scénographie ! Ce premier morceau est joué très proprement et dévoile un groupe très professionnel ainsi qu’un Corgan qui a pris un sérieux coup de vieux, ressemblant désormais à Zordon de la première génération de Power Rangers. C’est au tour de " Zero " de se faire entendre. C’est chouette, c’est probablement l’adolescence de beaucoup de membres du public. C’est vraiment fidèle au disque mais je trouve que ça manque de piment puisqu’en dehors des sobres jeux de lumières, il n’y a pas grand chose de marquant.
Reste que les morceaux défilent, le son est calibré à la perfection et les SMASHING sont d’une précision chirurgicale. Mais rien ne vient sublimer ce critère certes déjà primordial, mais seul fil rouge d’un live bien interprété. Et c’est important pour des morceaux aussi touchants que la bouleversante " Knights Of Malta " dont la guitare peut faire penser à A PERFECT CIRCLE. Du reste, la distance avec le public étant probablement calculée, pas un mot au public, pas même d’annonce de morceau ne filtrera du combo. Tant pis, on se satisfera de musique. Après tout, c’est le pourquoi on vient les voir. Et y’a pas à dire, de ce côté là, même pour quelqu’un qui ne connait que vaguement le groupe, on ne peut qu’être surpris comme le côté dépressif et expérimental est estompé en live et comme la set-list s’adresse à tous publics, ponctuée de morceaux intrépides et grisâtres tels que " Ava Adore " qui va rappeler les phases prog expérimentales de THE SNEAKER PIMPS, la PLACEbesque " 1979 " ou l’aérienne " Cherub Rock ". Le final du concert consistera en la longue " The Aeroplane Flies High " dans la quasi obscurité pour aboutir sur sur les remerciements du guitariste James Iha. Coupé, générique. Puis plus rien. Nan mais y’aura un " encore ". Ah non, plus rien…
C’est donc ça, la fin en apothéose de la 31ème année des Eurockéennes ? Eh merde…


Alors, elle donne quoi cette 31ème édition ?
En ce qui concerne la prog, rien de nouveau : concilier ce qui plaît à la jeunesse qui se fait maraver à coup de marketing, avec ce qui va faire venir les familles entières, ou ce qui va convaincre les mélomanes, c’est ce qui permet à un tel événement de pouvoir exister chaque année. Et la liste des publics touchés n’est de loin pas exhaustive. Ainsi, on peut se rendre compte que des aberrations qui pourtant séduisent, peu importe la manière, trouvent leur place dans une programmation pourtant de haute volée, en atteste COLUMBINE. J’ai vraiment ressenti de la gêne à me dire que quelqu’un de correct aurait pu être à leur place, percevant leur intervention comme une vaste blague. Il y a également ces groupes emblématiques qu’on va penser inébranlables du fait de leur immense expérience, tel que SLASH et ses constipateurs, qui finalement déçoivent, eux n’ayant plus l’envie d’insuffler de magie dans leurs shows, devenant alors des produits d’usines rôdés pour pouvoir s’enchaîner toute une tournée sans se poser de question.
Mais ça marche aussi dans le sens inverse, avec ces groupes comme MANTAR, JAMBINAI, KATE TEMPEST ou THE HU, dont on n’attend rien parce qu’inconnus au bataillon et finalement soit vraiment prometteurs, ou alors mêmes incroyables ! C’est ce que appelle la découverte, et c’est peut-être l’un des plus gros point fort des Eurockéennes, d’en permettre autant au milieu de prestigieux noms. Et force est de constater que cette année, il y en a eu pléthore !
Il y a encore ces groupes dont on connait la réputation mais dont on ne pense pas pouvoir apprécier la prestation. Ceux-là même qui arrivent à séduire les plus réfractaires, et j’imagine que PARKWAY DRIVE a réussi à conquérir bien des sceptiques concernant le Metalcore. Quel show… Mais quel show !
Les autres valeurs sûres sont celles qui sont à la hauteur de ce qu’on attend d’eux, à la manière de JOHN BUTLER TRIO, MASS HYSTERIA ou THE CHAINSMOKERS.
Et enfin, il y a la légende qui maintient sa place en haut du podium, n’en déplaisent à ceux qui n’aiment pas le style : SUPRÊME NTM avec son Rap indémodable, à mes yeux le meilleur passage de cette année, toutes scènes confondues.

Mais ne parlons pas que musique et balayons les rares petits points noirs parsemant une peau pourtant plus belle que jamais malgré ses 31 ans. Commençons par ce qui a fâché avant d’évoquer tout ce qui a fonctionné :
- le cashless : avec cette petite bague de plastique accrochée au bracelet, qui, en plus de représenter une aberration à une époque où on essaie de limiter notre impact écologique par tous les moyens, oblige à dégainer sans-cesse son portable pour consulter son solde ou ré-approvisionner son compte. Autrement dit : soit tu achètes des batteries externes pour ne jamais tomber en rade, soit tu fais comme à l’époque, avec de la vraie monnaie, mais uniquement pour recharger ton bracelet, ce qui fait perdre du temps et qui contrecarre l’utilité du cashless ;
- à l’heure où les micros-brasseries et les innovations houblonnées fleurissent plus que de raison, comment peut-on confier à Heineken le soin de faire un brassin anniversaire ? Comment peut-on négliger le côté local à ce point ? Comment peut-on à ce point mettre de côté les vrais amateurs de bières ? Certes, il y avait quelques Lagunitas et des bières belges de supermarchés, mais lorsque tant d’autres festivals font l’effort d’hameçonner le chaland avec de sublimes breuvages atypiques (coucou les Décibulles !), on est en droit d’être resté sur notre soif ;
- le manque de têtes d’affiches dignes de ce nom a eu son impact sur un grand public plus frileux que d’habitude, puisque seuls 2 jours ont été sold out, tandis que les grands amateurs de musique pouvaient se replier sur une quantité incroyable de groupes moins prestigieux mais largement plus remarquables et providentiels puisque ne faisant pas de tournées dans tous les Zénith chaque année. Qu’on soit d’accord, un nom réputé ne mérite pas ou plus forcément la place de tête-d’affiche et PETIT BISCUIT l’a prouvé ;
- THE SMASHING PUMPKINS en clôture qui n’honore pas ce privilège. Ça aura clairement mis tout le monde d’accord, le fait que sans leur notoriété, ils ne survivraient pas longtemps aujourd’hui à cette échelle en produisant ce genre de concert. Ça fait vraiment un sale effet que le groupe n’ait pas joué le jeu et n’ait absolument pas marqué le coup. C’est un peu comme jouir sur le générique d’un boulard.

Et du coup, puisque cette année est un grand cru, on doit mentionner parmi les nombreuses raisons de venir célébrer, l’effet qu’a produit ce manque de têtes-d’affiches :
- la possibilité de vivre des groupes très peux accessibles en France, tels que THE HU, MANTAR, et même des lives uniques dans l’histoire, comme ce supergroupe qu’est JAMBINAI ET LA SUPERFOLIA ARMAADA. Et ça, pour un assoiffé de concerts, ça vaut tout l’or du monde ! ;
- le cadre tellement à part, où l’on passe d’un bord de plage à une colline terreuse, tout en ayant la possibilité de déguster des ovnis musicaux dans une simili-forêt ;
- les nombreux stands de nourriture qui permettent aux plus sectaires de manger végé, sans gluten, sans bactéries fécales ni empreinte carbone, sans les mains… bref, de toutes les manières possibles, tout en se régalant ! ;
- toutes les surprises, véritables machines à souvenirs, tels que la grande-roue, les petites attractions permettant des pauses récréatives ;
- et pour terminer, et c’est presque le point essentiel parmi tous : la parfaite optimisation de l’espace, que ce soit du trajet devenu dérisoire de sa voiture à son emplacement de camping, jusqu’à l’emplacement du camping par rapport aux sanitaires. Les problématiques dont les festivaliers se plaignent le plus sont désormais histoire ancienne !
Un très grand bravo pour ça.

Pour conclure, si les bruits de couloirs émis par pas mal de bénévoles des Eurockéennes cette année était un cruel manque de moyen, l’édition était à l’image de la météo qui l’accompagnait : au beau fixe. Tant de noms insoupçonnables à découvrir, tellement de références qui ont accepté l’invitation pour notre plus grand plaisir, tellement de souvenirs, de sourires, de gens qui, l’espace d’un weekend, dans leur tente, leur piscine gonflable, sur la plage, sans chaussures, avec chapeau de paille, cul nus ou bien en bottes, oublient leur quotidien pour vivre la magie des Eurockéennes.
C’est simple : cette année encore, c’est plus de 128000 festivaliers qui ont vécu à l’un des meilleurs moments de leur année 2019. Et ça, c’est pas un bruit de couloir !






(Review et photos réalisées par Ben)

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