BLUE ÖYSTER CULT + SIXPENNY MILLIONNAIRE Paris le 02/06/25 (L'Olympia) ![]() J’avais loupé SIXPENNY MILLIONNAIRE au Supersonic pour la Saint-Valentin. Loupé aussi le passage à Châteauroux en mars. Mais ce soir, hors de question de passer à côté. Un concert dans un lieu aussi mythique que l’Olympia, ça ne se refuse pas, surtout quand il s’agit de François Maigret, aka Shanka. Je le suis depuis l’époque du retour de son ancien groupe sur le devant de la scène, avec sur la pochette de l’album un militaire mazouté sur fond vert - et depuis qu’il a quitté le navire, ce groupe a perdu de son intensité. Son amitié avec le line-up de l’époque fait que c’est Julien " Djules " Reymond, l’ancien bassiste passé avant par ONE EYED JACK qui a clippé sa session live… Ce soir, c’était donc pour lui que j’étais là (d’autant plus que je lui dois mon pass photo), plus que pour la tête d’affiche. Car il faut en avoir, pour repartir d’une page blanche quand on est au sommet du rock français. Et ce ne sont pas Poppy et Gaël croisés ce soir qui diront le contraire. En arrivant, je me gare tranquillement au parking sous terraine en passant par l’entrée des artistes… et qui je vois près de la sortie backstage ? Shanka lui-même, en pause clope, concentré mais disponible. Un salut rapide, pudique, respectueux. On sent qu’il est dans son moment. En entrant, première surprise : la salle est en configuration assise. Aucun pit photo. Je soupire intérieurement, car je sais que shooter ce genre de set, avec une lumière parfois minimaliste, va être une épreuve. Pas question de déranger les rangs : je m’installe un moment là où le photographe se glisse d’ordinaire, mais l’angle est pourri. Finalement, je trouve un siège libre en plein centre : bingo. Et heureusement que j’ai pensé à mon 70–200mm, car la scène est loin, mais l’optique me permet de jongler entre gros plans expressifs et larges panoramas. 20h pétantes, 6PM peut ouvrir le show. Lumière fixe derrière Shanka, comme un halo aveuglant qui le transforme en silhouette fantomatique. Difficile à capter en image, mais parfait pour installer une tension. Shanka est assis casquette vissée sur la tête devant son pédalier et à côté de lui, deux caisses en bois superposées avec son logo lumineux en façade " 6PM " y trône un téléphone orange qui parfois sert de micro et sa can de beanz Heinz turquoise. Dès les premières secondes de " Fade Out/Fade In ", la machine est lancée. SIXPENNY MILLIONNAIRE déboule dans une forme minimaliste mais explosive : un homme, une guitare, des machines, et l’assurance de quelqu’un qui sait très exactement ce qu’il fait. Car Shanka a toujours eu un jeu à part dans la scène française. Il expérimente, joue avec ses six cordes. Sa guitare envoie des scories incandescentes tandis que les beats font trembler les sièges en velours. Ce n’est pas un warm-up : c’est un débarquement. Il crée ses propres boucles à coup de percussion ou harmonica etout en chantant dans le micro intégré dans sa guitare. Il y a un côté Tom Morello qui aurait grandi à Memphis. Il enchaîne avec " A Reason To H8 ", habité, tranchant, tendu comme un câble. J’avais vendu la présence du guest que l’on retrouve sur l’EP à une collègue photo qui se plaignait, " pas de pit photo, le mec est seul et assis… vl’a la soirée "… Écoute, moi cela me va de voir la renaissance de Shanka dans ces conditions. L’absence de Dirty Deep n’enlève rien à la nervosité du morceau, dont la version live rugit avec une violence contenue. Puis vient " Fever ", sale, moite, claustrophobe. Le groove est lourd, le chant est presque parlé, comme un sermon pour damnés. Sur " Cold Blood ", Shanka balance ses riffs comme des uppercuts, la distorsion s’épaissit, et l’on sent une tension qui ne redescendra plus. Même les plus conservateurs du public - à vue de nez, une moyenne d’âge très classic rock - commencent à bouger, hocher la tête, taper du pied. Et puis le morceau-titre : " Sixpenny Millionnaire ", comme un manifeste, avec ses cassures rythmiques et ses boucles cradingues. Une explosion sonore entre delta blues cyberpunk et rock de garage futuriste, une énigme électrifiée qui n’appartient qu’à lui. La set-list, bien qu’épurée, reprend presque tout le premier EP " Grime Pusher " dans une version live amplifiée, saturée, organique tout en semblant ouvrir vers le second EP qui doit arriver prochainement. On sent que ces morceaux ont été pensés pour exister en public, et pas seulement en studio. D’un point de vue photo, c’était rude, mais exaltant. Entre les contre-jours et les vapeurs de fumée, chaque cliché capturé était un petit miracle, entre ombres brûlées et éclats de chrome. Quand les lumières se rallument, le public applaudit franchement. Pas par politesse. Par respect. Shanka n’a pas cherché à séduire : il a imposé son univers. Et pour une première partie, c’est tout simplement rare. Avec cette performance à l’Olympia, Shanka a planté le drapeau de SIXPENNY MILLIONNAIRE en plein cœur du territoire classic rock " avec le respect du travail des anciens ". Sans nostalgie, sans concession. Du blues sale, du groove cabossé, un solo set qui fait plus de bruit que bien des groupes au complet. Et ce soir, dans les travées rouges de l’Olympia, il a fait plus que chauffer la salle : il l’a réveillée. Set-list: 1. Fade Out 2. Fade In 3. A Reason to H8 4. Fever 5. Cold Blood 6. Sixpenny Millionnaire Le temps d’aller chercher une tisane… heu une bière et le public est de nouveau assis mais cette fois-ci il devient intenable. Ce soir, les vendeurs à la sortie ne vendront certainement pas des affiches mais des prothèses de hanche… blague à part, il y a quelques têtes connues et des jeunes, Medhi de Veryshow salue les photographes et est venu en famille. Plus de 50 ans de carrière, et toujours cette capacité à faire trembler les murs des salles mythiques : ce soir, BLUE ÖYSTER CULT a pris possession de l’Olympia pour un show aussi maîtrisé que profondément ancré dans la légende du hard rock. Une entrée en matière inattendue mais évocatrice avec le thème de " Blade Runner ", qui place immédiatement l’audience dans une ambiance futuriste et mystérieuse. Puis les amplis s’embrasent. " Transmaniacon MC " lance le bal avec fougue, suivi par " Before the Kiss, a Redcap " et l’excellent " I'm on the Lamb but I Ain't No Sheep ", trois extraits du tout premier album de 1972. L'enchaînement est implacable. Dès ces premiers titres, le groupe montre qu’il n’est pas ici pour un simple tour de nostalgie, mais bien pour rappeler à tous pourquoi son nom reste gravé au panthéon du rock dur. Eric Bloom, en frontman historique, adopte parfois une posture un peu désuète, pointant du doigt le public à la manière d’un Johnny Hallyday américain, mais l’intention est là, sincère et sans artifice. Le public, conquis d’avance, lui rend bien. À ses côtés, Donald " Buck Dharma " Roeser reste fidèle à sa réputation : précis, élégant, tout simplement brillant. " Golden Age of Leather " fait monter la ferveur, et l'inévitable " Burnin' for You " fait chavirer l'Olympia. La surprise vient ensuite avec " Dancin' in the Ruins ", rarement jouée en live sur le début de la tournée, mais repris sur les dates qui ont eu lieu après la date parisienne, puis " Cagey Cretins ", à l’énergie punk à peine contenue. La science-fiction et les théories de l’inexpliqué reprennent leurs droits avec " E.T.I. (Extra Terrestrial Intelligence) ", ici jouée sans talk box, ce qui n’enlève rien à son charme. Puis vient un moment fort du set : " Shooting Shark " interprété sans saxophone mais avec une profondeur émotionnelle renforcée par les claviers de Richie Castellano, qui arbore ce soir un pansement visible sur le front, clin d’œil involontaire à la fragilité humaine dans un set pourtant surnaturel de maîtrise. " Flaming Telepaths " précède un " Hot Rails to Hell " hargneux, chanté par Richie lui-même, avant de plonger dans les profondeurs cosmiques avec " Astronomy ", interprétée avec une intensité mystique. La récente " Tainted Blood ", extraite de " Ghost Stories " (2024), prouve que BÖC sait encore composer des titres puissants et élégants. Puis vient l’heure des monstres : " Godzilla " réveille l’animal primal du public, avant que Buck Dharma n’embraye avec un solo de guitare étincelant. Ce moment suspendu cède la place au classique indémodable " (Don't Fear) The Reaper ", immortalisé ce soir par la présence sur scène d’un roadie venu assurer les percussions sur sa " cowbell ", déclenchant rires et acclamations dans la salle. Le rappel démarre en force avec " Dominance and Submission ", riff acéré et tension à son comble. Suit la splendide " Perfect Water ", profonde et presque contemplative, rareté bienvenue pour les fans de longue date. Et pour finir en apothéose : " Cities on Flame With Rock and Roll ", dont le pont est sublimé par Eric Bloom ajoutant lui-même un crash supplémentaire sur la batterie, preuve que l’esprit du groupe est toujours joueur, vivant, et bien plus qu’un simple musée du rock. À l’Olympia, BLUE ÖYSTER CULT a livré un concert dense, généreux, à la hauteur de sa légende. L’alchimie entre Bloom, Dharma, Castellano, Miranda et Radino fonctionne toujours. Malgré quelques touches surannées dans la gestuelle ou la mise en scène, le groupe garde une classe folle, et la musique, elle, reste éternelle. Un concert qui n’a pas seulement ravi les fans, mais leur a rappelé pourquoi le feu sacré ne s’éteint jamais vraiment. Set-list : 1. Intro Blade Runner theme 2. Transmaniacon MC 3. Before the Kiss, a Redcap 4. I'm on the Lamb but I Ain't No Sheep 5. Golden Age of Leather 6. Burnin' for You 7. Dancin' in the Ruins 8. Cagey Cretins 9. E.T.I. (Extra Terrestrial Intelligence) (No talk box) 10. Shooting Shark (No saxophone) 11. Flaming Telepaths 12. Hot Rails to Hell (Richie on vocals) 13. Astronomy 14. Tainted Blood 15. Godzilla 16. Guitar Solo 17. (Buck Dharma) 18. (Don't Fear) The Reaper (Roadie on additional cowbell) Rappel : 19. Dominance and Submission 20. Perfect Water 21. Cities on Flame With Rock and Roll (Eric on additional crash during the bridge) (Photos et review par Djaycee) <<< Retour >>> |