ALICE ET MOI + FERNÕ
Paris le 08/11/17
(La Boule Noire)


Pour cette release Party, pas de première partie annoncée au préalable ; cette soirée est surtout pour moi l’occasion de revenir sur de nombreuses occasions manquées de voir ALICE ET MOI en live ; l’édition des femmes s’en mêlent 2016 alors que le nom de scène était encore Alice Vanor, le festival des Inrocks 2016 où elle avait déjà brillé…
Il faut avouer que le public est là uniquement pour voir la jeune femme à la casquette et que la première partie a un beau challenge devant elle pour chauffer cette Boule Noire un peu rafraichie par la température extérieure.

Set-list FERNõ :
Sublime créature
Amaretto
Sambo
Soupirs
Melodanse
Voie lacté
Transe
Osaka

Et ce n’est a priori pas l’arrivée de Fernõ sur scène qui va nous contredire.
Le personnage (d)étonne dans un premier temps, tant il y a d’influence en un seul personnage : kimono à la Luke Skywalker, lunettes de soleil à la Lennon, une sorte de gourou cosmique, un faux air du King, un regard suave à la Francky Vincent que l’on ressent malgré les verres fuchsias.
Fernõ est seul sur scène, guitare samples et synthé.
La première chanson tout en sampling et guitare donne le ton " Sous les tropiques acidulés, je te dévore à chaque coucher, j’apprends l’amour à tes côtés. Sublime créature ". La température va monter et finalement les influences sont là, pas toutes encore maitrisées, mais bien là. Fermer les yeux, oublier les machines et le personnage insondable ; les riffs sont là. Il y a un peu de kitch assumé à la Tellier. La température extérieure proche de zéro est remplacée rapidement par des tropiques, certes numériques comme virtuels et digitaux.
L’exotisme continue avec " Amaretto ", liqueur à l’amande pouvant servir à aromatiser le tiramisu. A 28° cette liqueur semble comme cette chanson, il faut bien doser pour éviter l’écœurement, les machines sont savamment mixées et le public semble se réchauffer, les " Amaretto, Amor " passent entre les riffs et les samplers. " Tes lèvres douces […] des notes suaves au goût d’Amaretto ". Fernõ est là pour charmer, la magie opère peu à peu, même si, celle d’un backing band irait mieux à des samples qui ont été consciemment assemblés au chaud à la maison. Les riffs sont syncopés comme chez Phoenix, sur " Sambo " qui sert de premier single, le public met un pied dans le monde de Fernõ. Fernõ est toujours dans le suave, on l’imagine un punch à la main prêt d’une demeure de planteurs les pieds dans l’eau, mais le Kimono de Luke dénote - clip me donnera tort c’est plutôt galets, falaise normande et prairie.
Le still drum fait son apparition sur " Soupirs ", les French Indies sont bien là mais l’odeur de l’alcool fabriqué à base de la canne à sucre est absent… Encore une fois un live band sublimerait cette chanson. Il taquine alors un tom de batterie, Fernõ devient alors one-man band. " Melodanse " s’enchaine avec la chanson précédente dans une transition des beats électroniques.
La " voie lactée " revient plus chantée " les murmures du soleil " dans l’espace ont fait place aux tropiques. Il est question de tristesse et encore une fois une chanson plus organique aurait sublimé la mélodie. Les riffs sont là, le public entre encore plus en osmose avec le chanteur, il lévite avec lui en même temps que le brouhaha derrière nous s’éteint, une éclipse en somme.
Avant-dernier morceau du set, " Transe " fonctionne toujours sur schéma de samples et son couplet " Fainéance en cadence " plairait certainement au Président. Ce titre fait place peu à peu à " Osaka " plus chanté, plus posé, plus sombre peut-être, moins dans le slacker au niveau des paroles plus dans le ressenti. Une balade dans la ville japonaise qui poursuit une ombre " en robe du soir ou en kimono noir ", Fernõ nous entraine dans le dédale nippon et pour le coup, tout le monde le suit, en mode voyeur pour connaitre plus de cette femme qui " danse le twist en robe du soir ". Il est question de corps qui bougent mais plus finement et pudiquement que dans les premières chansons, mon côté vieux jeu préfère largement ce champ lexicale que la suavité des précédentes.
Le concert s’arrête, nous n’en saurons pas plus sur la silhouette de cette femme et c’est vraiment dommage, Fernõ nous avait finalement dans la poche.



C’est le moment d’ALICE ET MOI.

Set-list ALICE ET MOI
Filme moi
Calamitée Jeanne
Il y a
Tu m’avais dit
Tout parait si bien
Eolienne
CTQP
La fièvre
Cent fois
---
Filme moi

Entre la première partie et le set d’ALICE, le public devient compact, se resserre. Vous dire que je n’attendais pas de voir la chanteuse sur scène serait un mensonge tant l’alumni de la rue Saint Guillaume a su distiller sur ses deux premiers singles, sous ce nouveau nom mais également sous les anciens, des chansons fraiches et électro pop qui n’oublient pas d’être subtiles et profondes bien que dansantes et entêtantes dès la première écoute.
Cette journaliste de formation a de quoi étonner voire créer la jalousie chez ses amies ou camarades. Juste après la première partie, un groupe de journalistes derrière moi, des connaissances d’ALICE, parlent entre eux du phénomène Alice et moi avec une envie un peu trop jalouse " tout ce qu’elle touche, elle le réussit ". Et il faut avouer que la jeune prodige fait partie de cette génération qui avec Fishbach, Cléa Vincent et Michelle Blades, pour certaines à moins de trente ans, arrive à renouveler le genre, à creuser, à jouer intelligent, à refaire attention aux textes et à mélanger les influences ; en un mot à composer et créer leur propre style dans la pop française.
Une intro tirée du film " Mauvais Sang " de Juliette Binoche, l’acteur répond à l’actrice ne sachant pas quoi écouter, " j’aime bien la radio, il suffit d’allumer […] tu vas voir c’est magique " et les premières notes du single éponyme à l’EP sonnent. " Filme moi " derrière des paroles qui semblent naïves de prime abord, la chanteuse met en place sa dualité, cette déesse à deux têtes qu’il faut imaginer Janus entre l’étudiante, la journaliste ayant obtenu son master rue Saint Guillaume et la jeune femme en casquette rose, short jean taille haute et haut à paillettes.
La dualité du Janus se retrouve dans les paroles injonctives, " filme-moi " avec ce côté sûre d’elle mais également " avec ta vidéocam, j’aimerais que tu arrêtes le temps, et que tu me voies vraiment. Filme moi, filme moi (toutes ces choses en mon âme qui s’affichent derrière l’écran, tu les vois différemment) ". Cette déesse à deux têtes ne semble donc pas schizophrène mais demande de passer outre les " filtres " (instagram), l’enduit, le vernis pour que le public aille la chercher, c’est bien la déesse de la transition qu’il faut voir et non les antagonismes des injonctions.
ALICE a pris tout le monde de cours en entamant son set par ce single éponyme. Elle continue par une chanson non présente sur l’EP " Calamité Jeanne " qui se fait pour beaucoup plus pop, moins électro, voire rock. Le public est emballé, la température augmente encore. La guitare est une Cadillac automatique qui nous prend en route, et comme dans les films, il faut sauter sur la banquette arrière avant que la voiture ne redémarre. Il y a une urgence à la fin de cette chanson qui emporte le public.
ALICE s’étonne que la salle soit pleine, ou peut être est-ce " Moi " qui s’en étonne, l’autre étant persuadé de son talent. Le set continue avec une basse ronflante d’Adrien et une guitare qui l’accompagne sur " Il y a "» et son " je n’aime personne, laissez moi seule " qui suit l’introductif " il y a des bouteilles à mes pieds, et je crois que j’aurais du rentrer… ". In vino veritas, le bad trip de cette chanson se transforme en un " action ou vérité " où ALICE ne tomberait que sur " vérité ", "« je me vois devenir animale " encore une transformation, une transition. La dualité est encore là. Comme si le public la suivait en mode " Go Pro " dans une soirée arrosée, nous suivons la protagoniste dans sa descente et l’accompagnons avec plaisir. Cette descente se fait de plus en plus rock dans un tourbillon de " je n’aime personne, laissez moi seule". " Tu m’avais dit " prend le relais. Cette chanson a le goût d’amertume avec ses riffs qui accompagnent le refrain, " comme un rêve ". ALICE semble blasée par les promesses non tenues. La guitare de Dani Terreur accompagnée par la batterie électronique de Noé encadre ce morceau. Le piano et les boucles électroniques nous entraînent pendant le break en apesanteur, dans ce rêve, mais la dualité avec la réalité reprend le dessus tatouée de guitares. " Tout paraît si bien " dont la guitare se fait planante encore une fois, le verbe " paraître " comme un contraste avec le " si bien " ; l’apparence du bonheur. La voix se fait aérienne, les claviers la rejoignent pour une chanson planante. Les " jeux savants " n’auront pas l’occasion de résonner dans la Boule Noire, et cela est bien dommage, ALICE va nous raconter une autre histoire une histoire d’ « Eoliennes ». La danse d’Alice sur cette chanson, avec ses manches à paillettes, simule le mouvement de ces géants chasseurs de vent. Encore une fois le live se fait plus incisif que la version EP. Il est encore question de rêve, de s’envoler comme pour quitter le sol. Les hommes d’ALICE en t-shirts noirs la subliment, la mettent sur un piédestal, la fin instrumentale de cette chanson n’est qu’un prétexte pour danser. " CTQP " l’heure du trio amoureux soit " C’est toi qu’elle préfère ". " Tout est à l’envers, c’est toi qu’elle préfère […] mon cœur est à l’envers ". L’écriture tardive de cette chronique me donne l’occasion de visionner le clip qui donne froid dans le dos en convoquant la gémellité. Ces jumelles superbes et stylées avancent dans un environnement froid avec toujours présent cet œil que l’artiste affectionne depuis l’adolescence. Ces belles jumelles se transforment peu à peu en jumelles de " Shining ". Cette dualité est un fil rouge, cette altérité. Ce " moi " d’ALICE ET MOI est un alter ego, serait-ce un autre maléfique ou féérique ?
Ce trio amoureux fait encore monter la température et le groupe enchaine naturellement sur la " Fièvre ". Le titre se fait bossa et nous donne envie de danser. Cette fièvre semble d’autant plus contagieuse que le public se liquéfie intégralement en dansant, " c’est toi qui me l’a donné la fièvre ". Ce titre ferait presque totalement oublier son homonyme de NTM… Dani Terreur se fait guitar hero et la batterie l’accompagne. Tout naturellement vient le moment de " 100 fois " dont le clip était sorti avant l’EP et avait créé le buzz sur Youtube. Dès les premières notes, les poils se dressent sur le corps et pas seulement au sens littéral, il est encore question de jeux amoureux de " je te suis tu me fuis " dans le " Aime-moi, Laisse-moi ". Là où le chanteur Mathieu Boogaerts chantait " j’en ai marre d’être deux " il semblerait que cette dualité sied à merveille(s) à Alice. Là encore, les musiciens d’ALICE savent transformer les morceaux studios en pépites électro rock.
Le groupe revient après le rappel avec une seconde version de son titre Eponyme " Filme moi " pour graver dans le marbre la dualité ou comme pour boucler la boucle. Le public se laisse charmer une dernière fois pour la soirée et le public sent le groupe ému.
Cette soirée se résume en deux mots ou deux " moi " : ALICE ? Émois !



Merci à Sandra pour le pass photos, merci à Alice pour sa disponibilité et son sourire, ScPOwer !


(Review et Photos réalisées par JC Forestier)

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